mardi 27 novembre 2012

Vulgarisation de The Ubiquitous Mr Lovegrove


Tu m’échafaudes
            Puis tu me dégringoles
Tu fais la chaude
Et je fais le mongol
Tu me fais marcher
            À la poursuite d’une ombre

Tu donnes espoir,
            Puis me donnes perdant
Me fais croire
            Que je rêve tout le temps
Tu as condamné
            Mon cœur au creux d’une tombe

Si tu oses prétendre
Que je n’y étais pas
Quand j’étais à t’attendre
Juste à côté de toi
Si tu oses prétendre
Que je n’y étais pas…
Je n’arrive plus à te croire

Les derniers mois ont été silencieux de ma part, une paresse littéraire semble s’être emparé de moi et je pourrais tenter de la justifier de mille et une façons, juste pour me la rendre acceptable à moi-même car ça ne concerne personne d’autre, mais il faut simplement se rendre à l’évidence : arrive un temps, dans la trentainte-avec-des-enfants-pis-une-job, où le temps, eh bien, il n’arrive pas. J’en ai eu deux confirmations au hasard de la semaine dernière.

La première, dans un dédale de cliques et recliques sur la grande Toile inutile, où je suis arrivé sur le côté anglo du blog d’une écrivaine ontarienne bilingue – toujours comique de lire les autobiographies d’auteurs semi-professionnels sur leur blogue, dans lesquelles chaque petit événement de la lointaine enfance a un impact fondamental sur leur personnalité littéraire actuelle : « quand j’étais garçon, je pêchais des têtards dans le fossé de la 8e avenue, et depuis, je n’ai arrêté de vouloir franchir l’onde pour aller fouiller la vase dans le fond de l’habitat des têtards qui m’entourent », tiens, je viens de commencer mon auto-biographie. Outre ses souvenirs intra-utérins (je caricature), il y avait un commentaire qui s’adressait on aurait dit à moi, où elle écrivait « Louis, le plus dur quand on écrit, eh bien c’est de écrire », et où elle se plaignait qu’il fallait qu’elle élève ses enfants, qu’elle aime son chum, et puis qu’elle travaille (au gouvernement – au moins, elle, elle aura une pension, la fonctionnaire!). C’était joliment dit, et combien vrai : quand on veut écrire, il faut simplement écrire, mais pour ça, il faut écrire. Au moins, je continue d’y penser, ce que je ne faisais plus depuis belle lurette avant janvier dernier – l’année aura au moins servi à ça.

L’autre confirmation, c’était en espionnant des conversations pas rapports de copains facebookiens. Quelqu’un que je connais disait qu’elle n’avait plus temps de faire de la photo et qu’elle s’en ennuie, et puis un autre quelqu’un que je ne connais pas qui répondait il faut prendre le temps de prendre le temps, wow merci, et puis un autre inconnu qui rerépondait à l’autre inconnu haha le temps les enfants les parents la job la vie dans la même phrase haha ben oui. Comme quoi, juste cette semaine, on a l’air d’être une couple de personnes qui prennent le temps de penser au temps. C’est déjà ça.

Mais j’en ai du temps, avec la route pour me rendre n’importe où, mais ce n’est pas facile d’écrire en conduisant – et la télé me dit que c’est pas une bonne idée non plus. Je pense à des trucs, parfois, et il m’est même déjà arrivé de me ranger pour l’écrire, mais pas souvent parce que, quand je suis sur la route, j’ai souvent faim ou je suis endormi. Alors, je veux me rendre n’importe où. Et puis, depuis que je suis équipé d’un téléphone semi-intelligent, dixit le vendeur de Vidéotron (je n’aime pas les machines plus intelligentes que moi), j’ai une joyeuse fonction qui s’appelle « enregistrer des mots en rentrant dans le cul du 10 roues qui me précède ». Et c’est par cette fonction, en revenant de Trifluvie jeudi dernier, que j’ai mémorisé les quatre premiers vers de cette version de The Ubiquitous Mr Lovegrove de Dead Can Dance. J’ai poursuivi l’écriture sur la table de la cuisine avant d’aller me coucher, puis un peu le vendredi, ce week-end, hier…

C’est en écoutant la pièce, fort jolie et beaucoup plus poétique que ma vulgarisation, ou québéquisation, que j’ai pensé aux premiers vers que j’ai trouvé bien comiques. J’ai voulu poursuivre avec ce même ton un peu casual, mais mes vieilles habitudes sont revenues. Le rythme s’est installé et je l’ai peaufiné un peu – il rappelle un peu celui de la pièce musicale, mais avec la rigidité de la métrique écrite. Rigidité, ici, qui m’agace : je lis « Moi j’fais l’mongol » plutôt que « Moi je fais le mongol », et c’est comme ça partout. Mais j’ai déjà dit que je n’aimais pas les raccourcis de métrique comme les interjections ou les élisions à l’écrit.

Je suis déçu d’avoir perdu un vers. À l’origine, la fin de la première strophe se lisait ainsi :

Tu me fais danser
            Au rythme de ta déhanche

J’aimais bien cette idée d’être esclave – concept directement repris du vers original – d’un coup de hanche volontairement jeté dans sa direction avec une négligence étudiée. Ça allait bien avec l’esprit de la pièce. Mais je n’arrivais pas à le faire suivre, à la fin de la deuxième strophe. J’aurais pu sacrifier la rime, mais une rime sacrifiée dans un ensemble rimé, ça fait cheap. Ça m’a toutefois permis d’emprunter l’image de la tombe, elle aussi liftée du vers original qui a toutefois beaucoup plus de mérite :

Now I’m serving time in a domestic graveyard

La dernière strophe est arrivée comme un a posteriori, comme dans la chanson aussi, où ce propos est aussi mis à l’écart de la mélodie principale, comme épilogue à la pièce. J’aime l’effet que ce changement de rythme apporte à la finale.

mercredi 10 octobre 2012

Inspiré de When Under Ether


INSPIRÉ DE WHEN UNDER ETHER

J’observe se défiler les rideaux
Qui s’enroulent contre le temps
Comme la bande vidéo
D’un futur inexistant

Sous les vapeurs de l’éther
J’ai construit son avenir
Comme l’aurait fait une mère
Comme s’il pouvait survivre

Une femme me prend la main
Et me regarde avec bonté
Je lui raconte le récit incertain
De tout ce qui aurait pu exister

Cette vie qui m’aurait fait mère
Meurtrie sans être née
Disparaît doucement dans l’éther
Et s’envole vers l’éternité




Inspiré, très fortement, de When Under Ether de PJ Harvey, mais sans être une traduction (j'en reviens à l’idée de version), et aussi de la triste histoire d’un ami. Un peu brut, ces vers pourraient mériter d’être polis, mais j’ai l’impression que c’est l’inspiration d’un moment (d’un long moment – 50 minutes du bureau à la maison…). Je ne sais pas si je devrais mettre ça dans l’état actuel. Bah. Tant pis. Je l’aimais bien tantôt.

jeudi 4 octobre 2012

Au final


Des mots se forment dans mon esprit
Mais hésitent à franchir ma voix
Car parfois tout semble avoir été dit
Et il ne reste plus que toi et moi
Au final
            J’aurais eu envie de parler
            Mais tu t’étais déjà levée

Quand je me suis rendu au lit
Et me suis étendu près de toi
Tu étais déjà endormie
Et avais pris tous les draps        (moi j’avais froid)
Au final
            J’aurais bien aimé me rapprocher
            Mais tu as comme grogné

Ce matin quand tu es partie
Et que je t’ai soufflé au revoir
J’ai réalisé avec tragédie
Que tu ne reviendrais pas ce soir
Au final
            J’aurais dû me mettre à parler
            Même après que tu te sois levée

Écrit dans le temps d’une douche, en attendant de prendre la mienne parce que je suis crotté du terrain sous la pluie, et puis sans pratiquement de révision. C’est le fragment de phrase « au final » qui m’a orienté, mais encore une fois la destination n’a pas été celle que j’anticipais. Mon stylo-bille mexuscan cargo (aucune idée d’où ça vient, mais c’est laid en titi comme stylo!) m’a amené ailleurs, m’a fait raconté une histoire qui est sans doute bien commune, bien banale. L’art de la discussion, surtout celui qui ne ressemble pas à un art, se perd de nos jours… On fait du bruit plutôt que dire des choses, et puis, ça mène souvent nulle part.

Suffit maintenant, je vais me décrotter et me taper Halloween 2. Ce qui n’a absolument pas rapport avec rien.

dimanche 23 septembre 2012

Fragment chez Purolator - We came along this road



J’étais ton amant
J’étais ton copain
Mais pour toi tous mes sentiments
Ne valaient plus rien

Tu étais mon amante
Tu étais mon amie
Pourquoi a-t-il fallu que tu me mentes
Pourquoi m’as-tu trahi?

Écrire, écrire, écrire dès que j’en ai l’occasion, et provoquer l’inspiration, même si c’est de la petite rimette sans envergure, pour exercer le muscle d’écriture.

C’est Nick Cave qui m’a inspiré encore une fois. Ça faisait quelques jours que je pensais travailler à une nouvelle traduction d’une pièce de No More Shall We Part – je pensais à The Sorrowful Wife, mais le sous-texte et ses différentes interprétations possibles me faisaient craindre de n’y voir que le premier niveau, de manquer ce qui rend cette pièce si bonne (et puis, sans piano, alors que toute l’émotion de cet homme qui regarde sa triste épouse passe par ce piano).

En montant chez Purolator (une route de 30 minutes, quand même, c’est pas la porte, ça laisse le temps de réfléchir…), je réécoute encore crier cet époux désespéré – J’étais aveugle! J’étais un con! – puis commence We came along this road, une pièce que j’ai toujours trouvé secondaire sur cet album. Deux couplets, non consécutifs, m’ont accroché et se sont inscrits dans ma tête, un peu à cause de l’apparente facilité de les traduire.

I was your lover
And I was your man
There never was no other
I was your friend
Till we came along this road

Et puis

You were my lover
You were my friend
There never was no other
Hope you understand
Till we came along this road

Puis je me suis mis à jouer un peu avec la « traduction » que j’avais en tête, changeant l’ordre des idées, et puis changeant un mot ici et là, et puis changeant un sens ici et là, et puis y ajoutant une nouvelle symétrie et une complétude que ne pouvaient avoir les originaux sans le reste de la chanson. Et puis, j’en ai fait ce qu’on pourrait appeler une version. On faisait ça dans mes cours de Grec (ou de Latin, je ne sais plus) – en fait, on fait ça dans tous les cours de langue, mais on appelle ça traduction, alors que dans ce cours-là (ça doit être celui de Grec, car il me semble ne pas avoir retenu grand-chose du Latin), on appelait ça « version », par opposition à « thème ». Mais le mot « version » prend un sens complémentaire dans ce que je fais ici et là et que j’appelais avant « traduction » : je ne dis pas en français ce que voulait dire l’auteur original, mais je me l’approprie, et j’en change même le sens. Comme si je décharnais ses vers, reprenais leur squelette que je réalignais différemment avant d’y greffer une chair qui serait la mienne. Ce n’est pas du Original LG, mais c’est plus qu’une bête traduction. C’est une version; ma version.

La valeur de ce genre d’écriture pourrait être discutable – dans le sens qu’on pourrait en discuter. Non, ce n’est pas du tout-moi, mais l’exercice me plaît bien, pour le muscle surtout. Écrire, écrire, écrire, même quand je n’ai rien à dire – pour que je puisse éventuellement écrire sur commande. À ce moment-là, je serai écriveur.

Le papier, alors là, je me suis surpassé! Pas de crayon ni de papier avec moi en arrivant chez Puro, et une peur bleue de perdre ma rimette. Heureusement qu’il y avait une file, un crayon attaché au comptoir et mon slip de livraison entre les mains… Encore une fois, j’ai probablement eu l’air bizarre.

mercredi 5 septembre 2012

La corde à linge



Soutif blanc, tanga rouge
Regard innocent ou moue farouche

Brassière canari bien légère
Pour jour de pluie et jeu de chair

Culotte bleutée quasi transparente
Laissant deviner ton entrejambe

Guêpière et corset d’un blanc immaculé
Porte-jarretelle discret finement décoré
Témoins muets de grandes soirées

Nuisette de satin, blanche et bleue
Pour les caresses du matin, au réveil langoureux
Je la lèverais doucement, quand tu dormirais encore
Au petit matin blanc pour surprendre ton corps

Tes cheveux d’or sur ton corsage noir
Qui laisse sans effort entrapercevoir
La symphonie de ton corps qui valse dans le noir
Et qui valse encore et qui valse sans savoir
Qu’il est métaphore de ton corsage noir
Accroché dehors sur ta corde séchoir

Quelques vêtements accrochés dehors
M’auront impunément raconté ton corps

L’inspiration vient parfois en de bien drôle d’endroits. Un jour pendant l’été qui s’achève, j’étais dehors à décrocher les vêtements de la famille de la corde à linge. C’est bien cute, des petits chandails, et ça fait sourire, des bobettes de Batman (pas les miennes, celles de mon garçon). Mais tout notre linge passait par cette corde, et je me suis drôlement senti exposé quand j’ai décroché une de mes paires de boxers que je ne devrais pas mettre si je prévois faire un accident, m’aurait dit ma mère… Les boxers, propres mais maganés, ont pris la direction de la poubelle. Ma tête a pris une autre direction.

J’ai eu l’idée d’un poème qui aurait célébré les sous-vêtements d’une dame, inconnue et que je n’aurais jamais vue. J’ai écrit, sur un carton, « La corde à linge » pour me souvenir de mon idée, et j’ai vaqué à mes autres occupations, somme toute beaucoup plus plates que rêvasser à des sous-vêtements féminins, vous en conviendrez… C’est resté là, sur mon bureau, pendant longtemps – quatre, cinq, six semaines. Un moment donné, quatre vers d’introduction s’y sont glissés, mais je ne les aimais pas, ils faisaient trop convenus, trop mise en place, trop, je ne sais pas, narratifs. Alors, j’ai mis le carton de côté, incapable de poursuivre car assis sur un mauvais départ.

Puis le cœur de la chose s’est développé de façon saccadée ces deux dernières semaines. Exit la mise en place, j’entre dans le vif du sujet sans rien situer. J’aligne sur ma corde à linge imaginaire tout mon vocabulaire de lingerie en leur donnant des couleurs, des textures, et des contextes.
J’aime beaucoup les deux dernières strophes. L’avant-dernière, d’abord, celle de la valse, qui se lit un peu comme une danse – une, deux, une, deux (bon ok, je sais, la valse a trois temps, mais bon, que voulez-vous, j’en ai deux dans mes vers). J’ai eu un peu de misère avec la deuxième partie du dernier vers – il est resté incomplet pendant plusieurs jours, mais le reste est venu plutôt rapidement. La dernière ensuite, qui devenait essentielle après avoir enlevé la mise en contexte. Elle a été écrite à la toute fin, après même avoir dactylographié le reste, et j’aime bien le voile qu’elle jette sur tout ce qui précède – tout ça, c’était une rêvasserie.

J’ai pris bien des libertés dans l’écriture de cette corde à linge. Aucun vers n’a été compté, mais malgré ça je trouve le rythme intéressant, bien qu’irrégulier. Mais peut-être que c’est juste pour moi – j’ai écrit la chose, alors je lui impose un rythme qui va avec ce que je veux dire et comment je veux le dire. Le défi, c’est de faire reproduire ce rythme dans la tête du lecteur. C’est l’avantage, je crois, des vers comptés : on contrôle peut-être un peu mieux comment la pièce est lue. J’ai aussi pris quelques libertés avec les rimes (rouge/farouche; transparente/entrejambe). Les sons se ressemblent, et si j’étais réciteur je pourrais sans doute les faire sonner assez semblablement, mais ici c’est plutôt le lecteur qui devra simuler ces rimes. Je sais que, personnellement, quand je lis de la poésie et que les rimes sont fausses, ça me stoppe un peu. Placés au début, ils pourraient canarder toute la suite… Je le publie comme ça quand même, parce que je l’aime déjà bien. J’y reviendrai peut-être. (right.)

mercredi 29 août 2012

Fragment écrit aux Ailes Piquantes



Comment peux-tu me manquer
            Quand je ne t’ai jamais connue

Et comment as-tu pu me manquer
            Tu ne peux pas ne pas m’avoir vu

Il faut vraiment que je me remette au crayon. Je l’ai mis de côté pour l’été, à la suite d’une panne de motivation qui origine possiblement dans le fait que j’aurais un tantinet besoin de vacances. J’ai une couple de titres qui s’éparpillent dans ma tête, parfois accompagnés de pseudo-vers, ou d’un pré-vers, ou encore d’un vers primitif qui cherche à évoluer, mais c’est pas mal tout ce que j’ai fait depuis la fin juin. Et puis, il faut que je me remettre au défi 30 semaines, que j’ai mis en stand-by je ne sais plus quand…

La motivation revient tranquillement, je pense. Des idées de vers plus matures se pointent parfois dans mon crâne. J’ai parfois l’impression de voir des métaphores. Je laisse tranquillement (re)tomber le talk radio en voiture pour écouter des bonnes musiques, ou un beau grand silence – ce qui fera sans doute du bien à ma santé mentale en général.

Alors, je me relance, même si ce n’est qu’avec un fragment peu étudié, apparu en explosion dans mon front en allant souper plus tôt aujourd’hui. J’entendais dans les speakers de l’auto PJ Harvey répéter qu’elles’ennuyait – dans une pièce qui n’a rien de romantique (quoique je ne suis pas trop certain de comprendre son sens, surtout après avoir vu le vidéo…). Comme ça arrive parfois, j’ai tenté de trouver un équivalent français qui pourrait traduire l’émotion contenue dans sa répétition de « Oh God I miss you » - les mots sont simples, mais je voulais quelque chose de plus mieux que « Dieu que tu me manques » - ou, en plus québécois, que « Ostie que je m’ennuie ». Remarques, c’est très beau, « Ostie que je m’ennuie ». Ça m’a fait jouer avec l’expression « tu me manques », et éventuellement des canaux obscurs par lesquels passe mon écriture sont sorties ces quatre lignes.

Je me suis alors stationné pas très loin du terminus d’autobus, et une suite se dessinait, ou se devinait à l’horizon, si tant qu’on peut avoir un horizon dans une tête. Mais, je suis sorti de la voiture, me suis dirigé vers le parcomètre, lu pour savoir si je devais payer (non après 17h), et puis, la réalité a chassé ce qui aurait pu s’en venir. Maudite réalité.

Arrivé au restaurant Les Ailes Piquantes, choisi pour ses burgers à 10 $ le mardi soir, je prends place au bar, commande une bière, et demande à la serveuse si je peux lui subtiliser quelques secondes son stylo. Sans papier sur moi, et ne voulant pas l’intercepter une deuxième fois, je prends ma napkins pour y inscrire le fragment élaboré en voiture. C’est toujours drôle voir la réaction des gens quand ils me voient écrire sur des napkins.

J'aime comment le premier et le troisième vers disent pratiquement la même chose, mais veulent dire des choses complètement différentes. Deux tragédies différentes. D'abord, je ne te connais pas, mais cette inconnaissance m'est douloureuse - c'est un thème qui me revenait souvent dans ma première période d'écriture, celui de l'inconnue ou du figurant qui pourrait possiblement tout changer. Ensuite, le drame de tout avoir fait pour être vu, mais d'être resté ignoré. Une thématique qui m'est revenu à quelques reprises depuis le début de J'inexiste. Un psy y trouverait sans doute quelque chose. J'écris ceci, et je réalise que c'est sans doute plus inspiré encore de PJ Harvey que je l'avais d'abord reconnu - dans la deuxième partie de sa pièce, la répétition de "Oh God I miss you" est précédée de la répétition "Nobody's listening"...

Comme ça m’arrive souvent, je sais que ce fragment risque de demeurer à ce stade, bien que j’aimerais bien le développer davantage.

Alors, un redépart pour J’inexiste – je me remets à la publication au moins hebdomadaire, même si c’est parfois bof.

jeudi 28 juin 2012

Vous, vos souliers



Vous vos souliers ont beaucoup voyagé
Ils sont passés du sommeil à l’éveil
Et vos souliers auront vu la cité
Pendant la nuit et sous le Soleil

Vous vos souliers ont marché par milliers
Vous vos souliers ont marché bien rapides
Et quand vos souliers se sont fait arrêter
Ils sont repartis plus libres

Sur vos souliers le mépris a frappé
Des cris de haine, des coups d’ignorance
Malgré tout cela vos souliers ont gardé
L’idéal de la désobéissance

S’ils ont marché pour poursuivre une idée
S’ils ont couru pour leur juste part
Z’êtes pas rendus plus loin qu’en février
Mais marchez plus fort

Tous les souliers qui bougent dans les cités
Souliers de gueux, souliers de guerre
Un jour cesseront d’user les pavés
Pour écraser cette vipère

Nous nos souliers s’étaient vite fatigués
Nous nos souliers n’ont pas été capables
Mais maintenant vont vous accompagner
Dans votre marche admirable

Retour en classe vos souliers mes amis
Ne voyageront plus toutes les nuits
Dépêchez-vous de bien user vos souliers
Si vous voulez être écoutés
Si vous voulez étudier

Un hommage, ou un pastiche, de la chanson de Félix Leclerc, pour rendre hommage à ceux qui marchent, présentement, pour des idéaux qui me rejoignent beaucoup. Je suis plus ou moins satisfait du résultat, surtout passé la deuxième strophe.

Je me suis collé au texte original pour avoir une idée semblable, et une forme semblable, à la chanson, ce qui a sans doute un peu miné le résultat. La cinquième strophe, d’ailleurs, est une reprise pratiquement mot à mot du texte de Félix :

Tous les souliers qui bougent dans les cités
Souliers de gueux, souliers de guerre
Un jour cesseront d’user les planchers
            Peut-être cette semaine

C’est peut-être en me collant trop près de la chanson originale que j’ai eu de la misère avec le rythme. J’ai écouté plusieurs fois ce clip, ce qui a fait que j’ai écrit mon imitation en gardant en tête sensiblement l’air de Félix – je n’arrive, en relisant, à m’en départir qu’avec un effort. Dans ce temps-là, quand je le lis comme un poème, et non comme une chanson, le rythme s’écrase de façon monumentale. Ce n’est pas le cas du texte original, ou en tout cas beaucoup moins. Faut dire que je n’ai fait aucun effort du côté du décompte des pieds (ça fait une couple de trucs que j’écris, d’ailleurs, qui évacue cet aspect...)

Le propos est également inégal. J’ai fait un effort tout au long du texte pour éviter le grandiloquent – exit les prétentions de révolution, out les histoires de guerre civile, qui auraient décrédibilisé mon propos. Ce sont particulièrement les troisième et quatrième strophes qui m’ont donné de la misère. La toute première version l’avait trop personnalisé, en parlant, par exemple, du parti libéral. La seconde version a produit la troisième strophe telle que présentée, mais parlait de la gratuité scolaire dans la quatrième. Outre le fait que je j’ai personnellement de la difficulté à y croire, je trouvais encore une fois que ça rendait le tout trop… ponctuel. Je voulais quelque chose de plus rassembleur, sans porter un jugement sur les enjeux – sauf celui, incontournable, d’écraser la vipère. 

lundi 18 juin 2012

J'inexiste, le (premier ?) texte


Je m’anarchise seul dans mon coin
Et perds la gouvernance de mon cœur
Laissant naïvement libre cours à ma main
Qui va triomphante parée d’airs de grandeur
            Qu’il sourit, mon visage! Qu’il soit triste!
            De toute façon, moi, j’inexiste

Seul derrière des paravents de faux-semblants
Blotti sous une cape de sauf-conduits
J’observe silencieux le passage du temps
Qui ricaneux s’écoule cruel au ralenti
            Attaque! Lui dis-je, si c’est ton caprice
            De toute façon, moi, j’inexiste

Et alors que me frappe sa lame de dédain
Et qu’il m’assassine en silence à grands coups d’heure
Et alors que je m’écroule sur le sol sans témoin
Sans amis, pour sûr, mais aussi sans malheur
            S’envole mon silence, je me mets à hurler
            « Je n’ai pas encore fini d’inexister! »

L’écriture automatique, les vers spontanés, mènent à des pièces qui peuvent être obscures même pour leur auteur. Je ne suis pas certain de la signification de ce texte, mais je le trouve joli, j’en aime les sons, les images, l’atmosphère. Il y a deux ou trois semaines, j’ai retrouvé cette page brouillon sur mon bureau au Collège. J’avais complètement oublié que j’avais écrit ça jusqu’à ce que je la retrouve. Le texte n’était pas complet : il manquait les deux derniers vers. Ils ont été difficiles à trouver, et je ne suis pas encore tout à fait à l’aise avec ceux que j’y ai mis – quand le reste du texte a été écrit d’une traite, il y a quelque temps, il n’est pas facile de se remémorer l’état d’esprit dans lequel j’étais, ni même quel était le sens que je visais, s’il y en avait un. Je me souviens que mon crayon – un pousse-mine orange qui ne fonctionne plus maintenant… — s’est arrêté au quatrième vers de la troisième strophe, et je n’arrivais alors même pas à proposer une ligne au papier. Je m’étais donc arrêté là, coït poétique interrompu avant la finale qui, pourtant, s’annonçait bien. On voit d'ailleurs qu'il n'y a aucune rature, et à peu près aucun changement, dans les seize premiers vers, alors que j'ai réécrit plusieurs fois les deux derniers...

Je parle de vers spontanés, mais il y avait eu une provocation à ceux-ci. Ça faisait déjà quelque temps que je me disais qu’il faudrait bien que j’écrive une pièce éponyme au titre du blog, cette idée d’inexistence que j’ai un peu placée au centre de ce projet – une idée, ou un fantôme, une ombre que je ne pourrais encore vraiment mettre en paroles. J’attendais un peu le millier de visites, puis les six mois de mise en ligne. C’était ma première tentative, et je savais déjà qu’il y en aurait d’autres. Alors j’avais ce thème, « J’inexiste », qui orientait un peu l’errance du crayon.

Et, pour l’histoire, il y a déjà eu une seconde tentative, qui à mon souvenir n’était pas mauvaise du tout. Écrite en plusieurs temps pendant une même soirée – celle du party de fin d’année au Collège –, elle prouvait que je pouvais encore écrire quelque chose de sensé même quand je suis un peu en boisson, même dans des endroits bruyants, et selon mon souvenir quelque peu confus je l’avoue, ce n’était pas mal du tout. Mais il arriva ce qui devait arriver : j’ai perdu le papier que j’ai sans doute mal remis en poche, alors il y a un figurant qui a trouvé ça et qui n’a sans doute pas été capable de lire mes pattes de mouche affectées par l’alcool. Zut. Tant pis.

Revenons-en à J’inexiste version 1. Quelques commentaires sur le fond. L’idée de verbifier (?) le mot anarchisme a été reprise dans Liberté! Un poème cochon que j’ai écrit après ceci. « Je m’anarchise », c’est un peu dire que mon corps, mon être, mon moi se révolte et répudie son maître habituel, mon esprit, ma raison, ou mon cœur, ça dépend des jours, ça dépend des heures. J’aime bien ce néologisme. La première strophe semble dire que mon corps fait un peu ce qu’il veut, il est là, mais, moi, je n’y suis pas, et je m’en fous.

La deuxième strophe est plus obscure. Je me souviens que le mot « sauf-conduit » est venu de lui-même comme pendant à « faux-semblant », bien qu’à part le trait d’union et la métrique des mots, ils n’ont rien en commun au sens ou au son. Le deuxième vers m’a pour un temps laissé perplexe – qu’est-ce qu’une cape de sauf-conduits? Mais je suis arrivé à le rationaliser un peu : comme j’habite maintenant mon corps d’une façon un peu illégitime – je me suis ostracisé dans la strophe précédente –, cette cape représente toutes les exceptions qu’il m’a fallu aller chercher pour être autorisé à y rester. Mais je n’y suis pas à l’aise, et je me cache, je sais que je suis un ennemi parmi mes ennemis. Et ceux-là, le Temps en premier lieu, jouent avec moi, rient de moi, me taquinent, m’agacent, me narguent.

Et quand finalement j’en viens près de la disparition, je réagis : j’aime cette inexistence, qui fait de moi celui que je suis, et qui me permet de faire ce que je fais. Si, jusque-là, je semblais être indifférent à ma condition, et même en venir à penser souhaiter sa fin, j’en arrive finalement, peut-être trop tard, à réaliser que c’est une condition que j’avais choisie, que j’aimais, et que je voulais poursuivre.

Le vers
Sans amis, pour sûr, mais aussi sans malheur
est celui qui me fait douter des deux derniers vers. Ce vers semble indiquer l’acceptation résignée de la solitude au moment de l’épreuve – oui, je suis seul, mais il est sans doute moins malheureux d’être seul que d’être avec des amis qui tenteraient sans doute de me sauver, ou dont la tristesse survivrait à ma mort. S’il y a cette acceptation au quatrième vers, pourquoi soudainement aux cinquième et sixième vers je désire survivre?

C’est quand même étrange, faire l’exégèse de son propre texte… 

vendredi 8 juin 2012

LIBERTÉ! Un poème cochon


Approche libertine,
Allez, viens embrasser ma liberté coquine
Prisonniers de ce lit nous serons insoumis
Je suivrai ta langue comme unique doctrine
Et ton corps sera ma seule philosophie

Je suis l’otage de ton souffle soupirant
Lui-même esclave du Capital érotique
Alors viens, anarchisons nos sens décadents
Qui s’enflamment en désobéissance lubrique

Laisse s’évader ta généreuse poitrine
Des prisons délicates de ta lingerie
Et dévoile à mon regard tes courbes divines
Et toutes les splendeurs de ton corps interdit

Émancipons-nous enfin des tabous d’antan
Qui retiennent nos corps par des chaînes tragiques
Envolons-nous dénudés vers le firmament
Où libérés nos corps deviendront séraphiques

Approche libertine –
Alors que je te possède entre les cuisses
Toi – rebelle coquine
– Révolutionne doucement mon pénis

J’ai parfois des éclairs de génie.

Je m’emploie alors activement à tenter de les corrompre le plus possible.

Ce poème est inspiré de quelque chose que j’avais écrit sur Facebook, où je disais, grosso modo, que les libertariens me tapaient sur les nerfs, que je trouvais naïfs les libertaires, et que somme toute je préférais nettement à tous ceux-là les libertines. J’avais là un fort joli jeu de mots, que j’avais fort bien écrit, qui est passé fortement inaperçu, mais qui m’est resté et qui a mené à une première version de ce poème.

Dans celui-ci, je mettais en opposition les visions libertarienne et libertaire de la liberté, en tentant de les rendre aussi inutiles l’une que l’autre – la première par son fonctionnalisme individualiste, la deuxième par son utopiste révolutionnaire. Et je terminais en disant, finalement, viens ma belle, laissons-leur leur débat; nous, par nos ébats, nous allons nous faire une petite liberté en tête à tête. Genre. Mais les deux premières parties étaient faibles, très faibles, tiraient dans tous les sens. Et je crois que nommer Éric Duhaime ou Joanne Marcotte dans un poème érotique, ben, c’est un peu comme voir Éric Duhaime ou Joanne Marcotte pendant une aventure érotique. Frisson garanti, mais pas pour les bonnes raisons.

D’où cette nouvelle version, qui s’en tient à la partie cochonne de l’exposé.

C’est un de ces papiers que j’ai laissés traîner sur mes bureaux, sans vraiment vouloir y retoucher pendant quelque temps par peur de le rater. Il a été écrit en plusieurs séances, strophe par strophe, et même parfois un ou deux vers à la fois. Hier, j’ai fait une refonte à peu près complète de la progression, menant à une redivision des strophes et à quelques changements dans l’ordre des vers, ce qui m’a aidé, je crois, à poursuivre l’écriture. Depuis le début de ce blog, j’ai rarement planché sur des vers comme je l’ai fait ici, écrivant, et réécrivant, sur papier et dans Word.

Comme je l’ai déjà écrit, mes vers se composent souvent en quasi-alexandrins – en douze pieds, plus ou moins un. Ce damné pied de trop ou de manque est une source de frustration – il arrive que j’adore le vers dans son irrégularité, mais avoir un vers de 11 ou de 13 pieds dans une série où ils font tous 12 pieds paraît mal – même lorsque je commence en me disant que je vais me foutre du décompte. Comme si un taouin allait se mettre à compter mes pieds. J’ai laissé tout de même le dernier vers à 11 pieds, en ajoutant une pause de circonstance juste avant. La pause se justifie par le rebelle coquine mis entre tirets, mais aussi, et surtout, par la chute.

Ah, cette chute! Elle m’est apparue rapidement, dès les premières écritures, et je ne savais pas si j’étais sérieux ou non. Vais-je vraiment écrire ça? Et si oui, vais-je le publier? Malgré sa vulgarité, j’aime ce vers, j’aime l’expression. J’ai réaménagé un peu la strophe, car la première version rendait sa lecture difficile, à cause du rythme. Elle n’est peut-être pas toujours aisée à la première lecture, avec les pauses que j’y impose par ponctuation – quelque chose que je ne fais pas souvent. Mais je crois qu’à la relecture, ça se replace.

mardi 22 mai 2012

Dans une boîte de clous


Dans une boîte de clous j’ai trouvé
L’histoire d’une poignée de colons
Qui sont venus là sans jamais penser
Qu’ils y venaient pour fonder une nation

Dans une boîte de clous j’ai trouvé
La grandeur de ce rêve fondateur
Et par la forme de clous décorés
J’ai vu resplendir la gloire et l’honneur

Dans une boîte de clous j’ai trouvé
L’élégance de l’ouvrier agricole
Qui dans sa vie en aura échappé
Quelques dizaines sur le sol

Dans une boîte de clous j’ai trouvé
Le souvenir d’un grand-père éloigné
Qui jouait de son marteau fort usé
Pour enseigner à ses fils son métier

Dans une boîte de clous j’ai trouvé
Toute une histoire pour ma descendance
Et ceux qui cherchent à nous les enlever
Ne pourront jamais en saisir le sens

Car
Dans cette boîte de clous se trouvait
La mémoire de la nation
Et ils sont de ceux qui préféreraient
Qu’on en efface jusqu’au nom

Je n’ai pas beaucoup la tête à réfléchir ce soir, mais je suis tout de même retombé sur ce texte que j’avais laissé traîner sur mon bureau. Je me souviens l’avoir pensé (dans la douche, pour ceux qui veulent se rincer l’esprit), l’avoir mis sur papier, puis l’avoir trouvé moyen. Je l’ai donc laissé traîner, me disant officiellement que j’allais y revenir, croyant quelque part dans le fond de ma tête que je le laisserais sans doute incomplet. J’ai un ou deux autres textes du genre qui traînent ici et là, que je devrais peut-être tenter de retoucher, mais qui m’inquiètent – j’ai peur que si j’y retouche, le résultat ne soit pas à la hauteur de mes attentes…

Je me suis mis à relire celui-ci ce soir et, ma foi, il n’était pas si pire que ça. J’ai fait sauter une ou deux strophes, j’en ai ajouté une autre, ce qui en a amélioré la progression. J’ai retravaillé la longueur des vers pour garder un rythme constant. Le propos me semble moins fort que ce que j’aurais aimé, mais je peux vivre avec.

Ce propos est inspiré des récentes compressions à Parcs Canada, affectant massivement le centre de service de Québec et particulièrement l’équipe archéologique, et le déménagement des collections archéologiques de Québec vers la région d’Ottawa (sur la rive est de l’Outaouais, attaboy, me voilà tellement plus heureux!). Je voulais signifier un au revoir à ces collections, qui permettent de mieux comprendre le passé, de mieux documenter notre Histoire (ou permettaient, c’est selon, seul le temps le dira, ce qui est ironique parce que d’habitude ce sont elles qui disent le temps mais bon tant pis, c’est juste des clous et puis, tiens, enfermés dans un gros entrepôt ils retrouveront peut-être leur fonction première, soit de fermer des caisses, ce qui est joyeux, j’imagine, pour un clou, en train de rouiller à l’abri des regards, que de retrouver sa fonction). Sans équipe affectée à leur étude, et une équipe réduite chargée de les conserver, ces objets s’enfouiront sans doute tranquillement dans l’oubli. Et perdre son passé, c’est beaucoup perdre son identité. Et perdre son identité, c’est beaucoup hypothéquer son avenir.

Mais, bon, je l’ai dit, je n’ai pas la tête à réfléchir.

lundi 30 avril 2012

Deux hirondelles



J’ai vu valser deux hirondelles
S’ébattre en amoureuses du bleu de ses yeux
Il suffisait de lui dire qu’elle était belle
Pour qu’elles volent sous ses cieux

J’ai vu valser deux hirondelles
Par une délicate journée de printemps
Et alors que j’observais leur danse sensuelle
Je les vis arrêter le temps

J’ai vu valser deux hirondelles
Quand je lui ai dit –
                                   – t’es belle

J’avais une commission à faire - je devais aller chercher des documents, et laisser en échange d’autres documents, un peu comme un agent secret, mais en beaucoup moins cool. Une bonne route tout de même, près d’une demie-heure à l’allée, et une autre (évidemment) au retour. C’était une journée un peu froide, mais ensoleillée. En quittant le lieu de cueillette et dépôt, je démarre le moteur, manœuvre pour sortir du stationnement, et puis voilà que me survolent deux oiseaux, qui se battaient, ou s’embrassaient, ça dépendait un peu de l’humeur du spectateur, je dirais, alors disons s’ébattaient, c’est comme se battre, mais en plus positif.

Ç’a été une image d’une fraction de seconde, en contrejour, et comme je suis plutôt nul en ornithologie, je suis présentement incapable de dire si c’était des hirondelles. Mais, étrangement, ça m’a fait penser à deux hirondelles qui dansaient en vol, alors, qui sait, peut-être était-ce des hirondelles. Cela n’a que peu d’importance.

J’avais mis Old Ideas de Leonard Cohen dans le lecteur, et sa pièce, incroyable, Come healing jouait à ce moment. L’image des oiseaux et la musique, en se combinant, m’ont donné le goût d’écrire ceci – comme quoi l’inspiration, c’est une question d’environnement (tiens, un beau slogan pour Greenpeace). Avec la colère ambiante qui pèse ces temps-ci, et avec ma colère qui n’est pas ambiante parce que très distinctement localisée dans la région de mon plexus solaire, j’avais besoin d’écrire quelque chose de gentil, quelque chose de cute, et, peut-être, quelque chose de beau. Je me suis donc accroché à cette idée des deux hirondelles en revenant vers la maison, en jouant avec des rimes en –elle et en –eu. Éventuellement, je suis descendu ici-bas pour voir si j’avais réussi à mettre des mots dans un ordre qui pouvait me plaire. J’en ressors avec une pièce un peu naïve, mais que je trouve jolie.

L’idée du vers

Il suffisait de lui dire qu’elle était belle

m'est venue la semaine dernière. Je ne savais pas le pour quoi de ce vers; juste de « lui » dire ça, et ça aurait du suffire, pour quelque chose. Cette petite phrase, deux sons – t’es belle – et alors les possibilités explosent. Essayez-le, c’est sans doute vrai.

Le bleu des yeux, c’est ce qu’on appelle une licence poétique. Car la mienne a les yeux vert et noisette, genre, ce qui fait beaucoup de pieds, et puis en plus, ça ne va plus avec tout le reste de l’imagerie, le ciel, les hirondelles…

dimanche 29 avril 2012

Pauv' conne


Tu m’excuseras pauv’ conne
D’avoir un air fâché
Quand je t’entends qui sermonne
Les étudiants révoltés
Qui ont eu le malheur
D’avoir élevé la voix
Pour défendre leur valeur
Quand toi t’en as pas
Dis-moi t’as pas eu honte
En agissant comme ça
Quand tout ce que tu montres
C’est ta mauvaise foi

Pauv’ conne tu en veux à la CLASSE
Espèce de charogne, des lunettes, ça se remplace

Les rues sont pleines de monde
Pis toi tu ne fais rien
Alors la colère gronde
Face à ton baratin
Pour se sortir de la crise
Ils se sont réunis
Parce que tu voulais qu’ils disent
Les mots que t’avais choisis
Toi tu restes à te taire
Dans un silence malin
Quand les forces policières
Lèvent un peu trop le poing

Pauv’ conne, tu t’offusques de leur silence
Mais tu te cantonnes dans un débat de sens

Tu ne saisis toujours pas
Pourquoi monte la grogne
Quand on entend ta voix
On se fout tous en rogne
Tu pensais plaire
À la base de ton parti
Mais tu nous fous en colère
Avec ton ostie d’mépris
Tu voudrais faire plaisir
Aux financiers qui chapeautent
Et permettent de réélire
Charest, Dutil et les autres

Pauv’ conne tu cesses pas de mentir
Ensuite tu t’étonnes de voir que ça empire

Ils sont tous venus
Pour pouvoir négocier
Ils ne t’ont même pas vue
Tu t’étais déjà poussée
Ils ont continué pareil
Bien tard dans la nuit
Quand est arrivé le soleil
C’était déjà fini
Tu t’es trouvée bien forte
En imposant 48 h
Car tu savais que de la sorte
T’exciterais les casseurs

Pauv’ conne tu savais déjà
Que c’tait d’autres personnes qui faisaient d’la casse

Tu m’excuseras pauv’ conne
D’être encore fâché
Après cet ultimatum
Que ton boss a donné
Pour calmer ma fureur
Il faudra plus que ça
Que de faire le frimeur
Devant l’électorat
Il ne reste qu’une chose
Pour racheter ton mépris
Ton incompétence impose
Que tu prennes la sortie

Pauv’ conne, allez, réveille-toi
Pis démissionne avant de te faire crisser là.


La situation politique actuelle, au Québec, aura ça de bien qu’elle aura réussi à m’inspirer quelque peu des vers qui sortent un peu de mes habitudes littéraires. Un ami, sur Facebook, a dit espérer que Renaud reprenne son titre P’tite conne et qu’il l’utilise pour une chanson sur Line Beauchamp, après que celle-ci ait « expulsé » les représentants de la CLASSE des négociations pour une raison bidon. Quand elle a dit que la CLASSE « s’expulsait elle-même » à cause d’une manifestation qui avait dégénéré, alors que les manifestants criaient à la trahison parce que la CLASSE avait choisi de tenir leur manif un autre jour, pour respecter, peut-être un peu sans trop que ça paraisse, la so-called trêve imposée par la ministre. Bien longue histoire un peu conne, tout le monde savait que c’était bidon, cette excuse, et plusieurs ont soupçonné que Beauchamp a fait exprès pour que dégénèrent les manifs suivantes. C’est un gros finger qu’elle a fait avec sa grosse face de cheval.

Excusez-moi, ça paraît peut-être, mais je ne l’aime pas cette dame. Je préfère les barmaids… Ceci étant dit, cet ami, avec son vœu, m’a donné une idée : faire une parodie de la chanson de Renaud, en reprenant son air, en reprenant même ses rimes, pour écrire sur notre conne nationale de l’heure. Ce n’est encore une fois rien de bien recherché, je suivais directement la pièce de Renaud en tentant de surimposer mes mots aux siens, pour que ça fit dans le tempo (wouhou, une autre expression improvisée que j’adore : fitter dans le tempo). Comme on faisait quand on était ti-cul pis qu’on ne comprenait pas les paroles de Pour some sugar on me et qu’on les réécrivait donc en français (ou dans un anglais très approximatif). Quoi, je suis le seul qui a fait ça?

Ça donne un résultat que je crois au moins égal aux parodies qu’on entend dans les Bye Bye. J’ai pris certaines libertés avec certaines rimes (notamment, la première avec CLASSE/remplace, plutôt que pas/toi). J’ai aussi tenté de reproduire le style de Renaud, avec une certaine oralité de rue dans le langage, mais sans trop exagérer non plus. Il manque donc des syllabes, ou même des mots. Mais bien sûr, je ne prétends pas arriver à la cheville du vieux loubard alcoolo pour ses vers acérés… Je ne fais que du pastiche.

(Et une confession : pour une rare fois, j’ai utilisé des dictionnaires de rimes qu’on trouve sur le net… Pas de façon généralisée, et en fait, je crois que je les ai consultés, mais je ne suis même pas certain n’avoir utilisé un mot qui venait de ces dicos, mais, tout de même… C’est drôle, ça me donne un peu l’impression d’avoir triché)

(Et un BTW, pour ceux qui se sont rendus jusqu’ici, je suis en pause du défi 30 semaines, car mes semaines, eh bien, elles sont trop chargées pour encore au moins deux semaines…)

vendredi 20 avril 2012

Sacrifions Mascouche


Mon ami, pour tenter de sauver notre face,
Alors qu'on poursuit nos magouilles provinciales,
Il suffit de faire ce qu’il fallait qu’on fasse
Mais on attendait la période électorale.
Donc, pour cacher nos manœuvres un peu louches,
            Sacrifions Mascouche.

Les crottés qui sont là ne sont pas pires qu’ailleurs.
Mais ceux-là, on les a pognés à la télé.
On allait agir, c’était une question d’heures,
Alors envoyons maintenant Marteau cogner.
            Sacrifions Mascouche.

Peut-être oubliera-t-on l’attitude méprisante
Que nous crachons sur les travailleurs de demain,
Alors que crient les jeunes en tabarnouche,
            Sacrifions Mascouche.

Et il faut le temps que retombe la poussière
Sur notre plan Nord, élaborés entre amis.
En donnant à rabais nos ressources minières,
Certains disent qu’on a vendu l’économie.
Pour faire oublier les enverdeurs farouches,
            Sacrifions Mascouche.

Pour sans doute y découvrir des chiffres choquants,
Il faudrait qu’on fasse que les médias racontent
N’importe quoi, mais pas notre financement.
On donne Accurso, on fait la nitouche...
            Allons, sacrifions Mascouche!

Et au final, si cela n’est pas suffisant
Pour enlever la crasse de tous nos scandales,
C’est simple, je te dirai en souriant
Qu’il nous faut aussi sacrifier Laval...
            Et puis, Boisbriand!


Le texte ci-dessus diffère de l'original scanné, parce que je l'ai retravaillé, notamment pour lui donner une constance dans la longueur des vers et améliorer certains passages, sur la version dactylographiée. La page écrite était trop pleine, et écrite trop rapidement (j'avais de la difficulté à me relire!!) pour que je puisse compter les pieds correctement sur ces pattes de mouches...

J'aime le ton ironique de ce poème, et je suis surpris de la rapidité que ça m'a pris pour écrire le premier jet, hier soir. Faut dire que l'inspiration à ce sujet était facile à trouver...

mardi 17 avril 2012

Semaine 14: Conte de fées




Et si Hansel et Gretel étaient étudiants?
Et comme sorcière, la sinistre Beauchamp?

« Penchons-nous sur ce feu de gestion corrompue
Pendant que je vide vos bourses de leurs écus »
Et, question de bien paraître, la Line s’est penchée…
Et son cul d’apparaître, et reçoit un coup de pied
Vole la ministre, direct dans le foyer

— Qui l’a poussée?
            Pas Hansel, pas Gretel,
            C’était leur petit frère… Gabriel

Le répertoire des contes de fées m’aurait sans doute offert beaucoup de matière pour mes per-vers, et c’est vers ça que je pensais aller au départ, mais ça aurait pu devenir rapidement cru – déjà, ma conjointe n’avait pas aimé mon petit fragment sur le grand méchant loup, alors… Je tente quelque chose de nouveau sur J’inexiste avec une poésie plus politisée, ici sous la forme d’une satire sur le thème des grèves étudiantes. Je m’imagine la ministre Line Beauchamp en sorcière qui tente de détourner l’attention des étudiants de façon à mieux les faire cuire. Dans mon souvenir, la sorcière demande à l’un des deux petits de nettoyer son four pour le pousser dedans. L’enfant prétend ne pas savoir comment faire, et demande qu’on lui montre, puis, évidemment, pousse la sorcière dans le four.

Même idée ici : Line Beauchamp tente une diversion en disant vouloir regarder avec les étudiants la gestion des universités, tout en continuant à leur prendre leur argent des poches. Que la hausse des frais soit justifiée ou non, c’est une bête tentative de diversion que cette supposée concession de la ministre. Au final, elle se fait pousser dans le feu elle aussi, mais par un nouvel acteur : Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la CLASSE que Beauchamp veut écarter de ses « discussions ». Pas que je l’aime particulièrement, ce jeune qui me paraît un peu prétentieux. Mais il a son rôle à jouer, et si la ministre persiste, son rôle aura été de lui faire perdre la face.

Plutôt simple comme poésie, et pas très recherchée. Je ne me suis pas attardé à compter les pieds, cherchant plutôt un rythme qui me semblait naturel pour raconter la fable, car c’était plutôt là la finalité. Il y a certaines faiblesses dans ce rythme, alors que je le relis – car je lis comme je l’entends dans ma tête, et non comme il est écrit, avec des intonations ou des débits qui ne sont pas inscrits dans les vers.

Mais bon, au moins, j’ai écrit quelque chose en lien avec le défi…

mardi 10 avril 2012

Un troisième regard

Il était une fois un regard
Vert comme un bourgeon de printemps
S’élevant timidement avec l’espoir
Qu’on le regarde gentiment

Alors j’abandonne officiellement le défi de la semaine 13, soit Comic, tout simplement parce que ça fait trop de temps que je le traîne sans rien y faire. J’avais des idées, comme je l’ai dit la semaine dernière, mais je n’arrivais pas à aller plus loin que le thème général. J’ai blâmé mon manque de temps, mais je pense en fait que c’est dû à ma méconnaissance des sujets. Je suis un amateur de bédés, mais du côté très casual du spectre. Les quelques idées que j’avais – sur l’amour et le meurtre du Démon dans Spawn, ou sur la colère silencieuse de Akira, par exemple –  demandaient que je retourne aux sources pour trouver les images qui auraient illustré le thème, et pour éviter des erreurs qui, lorsqu’elles auraient été apparentes, auraient gâché mon plaisir d’avoir écrit ces vers.

Alors, un deuxième échec. Je pense qu’en lâchant prise sur ce thème, je vais pouvoir repartir du bon pied pour le prochain défi – Fav. fairytale

Entre temps, je semble obsédé par ce vers

Il était une fois un regard

C’est ici la troisième itération de cette idée. Après l’érotisme, puis le doute, voici le quatrain de l’espoir. Ces strophes pourront éventuellement, peut-être, être assemblées pour en faire un poème complet. Celui-ci, comme le Regard gris, propose une imagerie que je trouve moins forte que le Regard bleu. Bien qu’écrits a posteriori, il me semble que dans une construction qui rassemblerait ces trois strophes, ces deux dernières devraient arriver avant – tant dans le sens et le sentiment (le doute, puis l’espoir, puis l’amour), que dans les mots. Le Regard gris est seul, le Regard vert cherche, le Regard bleu a trouvé. Il y aurait sans doute des ajustements à faire pour vraiment concrétiser cette ascension.

J’ai complètement évacué l’idée de compter les pieds dans ces trois fragments, bien que j’ai réécrit certains vers, car je sentais, à la relecture, un problème dans le rythme. J’ai écrit, et je lis, ces vers en couple – les deux premiers vont ensemble et se lisent comme une seule phrase, suivie des deux derniers, aussi ensemble et d’un seul souffle.

Je n’ai jamais lu les trois strophes une derrière l’autre, et j’ignore quel effet la répétition de

Il était une fois un regard

peut avoir. Est-ce que ça rend la lecture incommode, ou répétitive? Peut-être devrais-je modifier ces vers s’ils sont pour être répétés, de façon à rendre la répétition moins monotone. Mais je soupçonne que d’autres strophes viendront avant d’en arriver à cette étape.

vendredi 6 avril 2012

Il était une fois un regard, part 2





Il était une fois un regard
Gris comme un ciel incertain
Hésitant à la porte d'un trésor
Qu'on vienne lui tendre la main


Je pense abandonner le défi de cette semaine (en fait, la semaine dernière). Mais tout de même, au moins, je réussis à écrire. Voici quelques lignes, une suite de ce que j'ai écrit en début de semaine, rapidement jetées sur papier en attendant que s'allume mon ordi... Les deux premiers vers ont été pensés en début de semaine, mais la suite est toute fraîche. Et comme je ne veux pas m'éterniser en bas ce soir (une tévé et une bière m'attendent en haut), je me tais déjà.

lundi 2 avril 2012

Il était une fois un regard



Il était une fois un regard
Bleu comme un océan de tendresse
Tâtonnant tranquillement dans le noir
Pour le sourire d’une caresse

Première chose : je sais que je suis en retard pour le défi 30 semaines, bien en retard. J’ai des pistes, et je pensais les réaliser vendredi dernier quand je suis sorti après une soirée vins et fromages, mais apparemment non, je n’arrive plus vraiment à écrire quand je sors. J’ai maintenant besoin d’un environnement différent pour entendre les vers. La vie change. Il m’arrive même, en voiture, d’avoir à taire la radio pour poursuivre une réflexion, ce que je n’avais jamais à faire avant. Mais reste que je suis en retard. Je ne le considère pas encore comme un échec, étant donné que je n’ai pas vraiment tenté quoi que ce soit.

À cette soirée de vins et fromages, j’ai parlé d’enthousiasme à quelqu’un. Ou, du moins, j’ai tenté de le faire. Je pense que j’ai eu l’air bizarre, ce qui n’est pas nécessairement nouveau, ni particulièrement grave, je vis très bien de mes bizarreries inoffensives et passagères. Mais avec le recul, il est vrai que dans le contexte précis de la conversation, « enthousiasme » pouvait avoir l’air déplacé. Je faisais référence, je dirais bien sûr si j’étais pédant, au sens original du terme, dans sa racine grecque, comme l'utilise Platon dans un de ses dialogues que j'avais lu au CÉGEP – enthousiasme comme la prise de possession d’un corps par un dieu ou une muse, qui inspire le possédé. Comme un oracle.

L’enthousiasme, donc, semble parfois provoqué d’étrange façon, et mène aussi vers des ailleurs improbables. Ainsi, ces vers ont été déclenchés ce matin, à la lecture d’une phrase de Salman Rushdie, dans ses Versets sataniques que je lis enfin :

« Il était une fois – il était et il n’était pas, comme disent les anciens contes, c’est arrivé et ce n’est jamais arrivé – alors, peut-être ou peut-être pas, un garçon de dix ans de Scandal Point à Bombay trouva un portefeuille dans la rue près de chez lui. »

Aucun rapport, dira-t-on. En effet. C’est l’apparition surprenante de ce « Il était une fois », et la précision qui le suit, qui m’ont allumé. Le regard comme sujet est apparu presque aussitôt, et le premier vers était composé avant même que je referme le livre. L’océan de tendresse, dans une forme différente, a rapidement suivi, et je me suis éclipsé de la famille pour aller coucher sur papier cette idée, et voir à la compléter. Quinze minutes plus tard, j’avais ce quatrain, dont le deuxième vers avait toujours une forme un peu différente. (Il faut évidemment oublier ce petit vers imbécile que j'ai écrit là pour rire et qui n'a jamais été sérieux...) Je suis remonté, les enfants se chicanaient, il fallait faire les courses, la vie m’exigeait, alors j’ai laissé la page sur mon bureau, et les vers en tête j’ai continué ma journée.

J’ai repassé mentalement ces vers, je les ai relus quand je venais près de mon bureau, et il y avait quelque chose qui accrochait dans ce deuxième vers. Le reste est resté sans changement (ou presque : « Tâtonner » est devenu « Tâtonnant »), mais celui-là clochait. C’était

Au-dessus d’un océan de tendresse

Ce n’était pas dans le décompte des pieds qu’il y avait un problème – j’avais décidé de l’ignorer ici, et de toute façon le troisième vers en compte également 10. Peut-être dans le son de « au-dessus »… J’ai donc changé successivement pour

Bercé par un océan de tendresse

Puis

Porteur d’un océan de tendresse

Mais non. C’est seulement ce soir que j’ai pensé que c'était peut-être dans le sens qu’il y avait un problème. Le regard ne traverse pas un océan, l’objet de son intérêt est à la portée d’une caresse. Il ne s’y trouve pas non plus bercé, car il a la volonté de chercher, il est actif. Et, finalement, il ne le porte pas – il est cet océan de tendresse. Ce sont des yeux grand ouverts, qui observent doucement, en silence et persistance, qui érodent lentement jusqu’à ce qu’ils caressent la douceur de la plage dénudée.

Il y a un côté que j’adore dans ce fragment : l’érotisme aux corps absents. Ceux-ci ne sont pas même suggérés par les mots, qui agissent un peu comme une pudeur, mais il me semble impossible de ne pas les voir. Leur absence semble être le meilleur témoin de leur action, et de leur sentiment – ce n’est pas une baise que raconte cette histoire, c’est l’amour.

Et puis, on revient à Rushdie – est-ce arrivé, ou non? Est-ce un désir, une légende, un souvenir? Est-ce une histoire, ou est-ce l’Histoire? La précision des Versets me fait considérer sur un tout autre jour l’expression « Il était une fois », et j’aime l’ambigüité qu’il procure dans une histoire d’amour ou de sexe.

Mais comment un jeune Indien qui trouve un portefeuille a-t-il pu m’inspirer de la sorte? C’est sans doute ça, finalement, l’enthousiasme.