dimanche 23 septembre 2012

Fragment chez Purolator - We came along this road



J’étais ton amant
J’étais ton copain
Mais pour toi tous mes sentiments
Ne valaient plus rien

Tu étais mon amante
Tu étais mon amie
Pourquoi a-t-il fallu que tu me mentes
Pourquoi m’as-tu trahi?

Écrire, écrire, écrire dès que j’en ai l’occasion, et provoquer l’inspiration, même si c’est de la petite rimette sans envergure, pour exercer le muscle d’écriture.

C’est Nick Cave qui m’a inspiré encore une fois. Ça faisait quelques jours que je pensais travailler à une nouvelle traduction d’une pièce de No More Shall We Part – je pensais à The Sorrowful Wife, mais le sous-texte et ses différentes interprétations possibles me faisaient craindre de n’y voir que le premier niveau, de manquer ce qui rend cette pièce si bonne (et puis, sans piano, alors que toute l’émotion de cet homme qui regarde sa triste épouse passe par ce piano).

En montant chez Purolator (une route de 30 minutes, quand même, c’est pas la porte, ça laisse le temps de réfléchir…), je réécoute encore crier cet époux désespéré – J’étais aveugle! J’étais un con! – puis commence We came along this road, une pièce que j’ai toujours trouvé secondaire sur cet album. Deux couplets, non consécutifs, m’ont accroché et se sont inscrits dans ma tête, un peu à cause de l’apparente facilité de les traduire.

I was your lover
And I was your man
There never was no other
I was your friend
Till we came along this road

Et puis

You were my lover
You were my friend
There never was no other
Hope you understand
Till we came along this road

Puis je me suis mis à jouer un peu avec la « traduction » que j’avais en tête, changeant l’ordre des idées, et puis changeant un mot ici et là, et puis changeant un sens ici et là, et puis y ajoutant une nouvelle symétrie et une complétude que ne pouvaient avoir les originaux sans le reste de la chanson. Et puis, j’en ai fait ce qu’on pourrait appeler une version. On faisait ça dans mes cours de Grec (ou de Latin, je ne sais plus) – en fait, on fait ça dans tous les cours de langue, mais on appelle ça traduction, alors que dans ce cours-là (ça doit être celui de Grec, car il me semble ne pas avoir retenu grand-chose du Latin), on appelait ça « version », par opposition à « thème ». Mais le mot « version » prend un sens complémentaire dans ce que je fais ici et là et que j’appelais avant « traduction » : je ne dis pas en français ce que voulait dire l’auteur original, mais je me l’approprie, et j’en change même le sens. Comme si je décharnais ses vers, reprenais leur squelette que je réalignais différemment avant d’y greffer une chair qui serait la mienne. Ce n’est pas du Original LG, mais c’est plus qu’une bête traduction. C’est une version; ma version.

La valeur de ce genre d’écriture pourrait être discutable – dans le sens qu’on pourrait en discuter. Non, ce n’est pas du tout-moi, mais l’exercice me plaît bien, pour le muscle surtout. Écrire, écrire, écrire, même quand je n’ai rien à dire – pour que je puisse éventuellement écrire sur commande. À ce moment-là, je serai écriveur.

Le papier, alors là, je me suis surpassé! Pas de crayon ni de papier avec moi en arrivant chez Puro, et une peur bleue de perdre ma rimette. Heureusement qu’il y avait une file, un crayon attaché au comptoir et mon slip de livraison entre les mains… Encore une fois, j’ai probablement eu l’air bizarre.

mercredi 5 septembre 2012

La corde à linge



Soutif blanc, tanga rouge
Regard innocent ou moue farouche

Brassière canari bien légère
Pour jour de pluie et jeu de chair

Culotte bleutée quasi transparente
Laissant deviner ton entrejambe

Guêpière et corset d’un blanc immaculé
Porte-jarretelle discret finement décoré
Témoins muets de grandes soirées

Nuisette de satin, blanche et bleue
Pour les caresses du matin, au réveil langoureux
Je la lèverais doucement, quand tu dormirais encore
Au petit matin blanc pour surprendre ton corps

Tes cheveux d’or sur ton corsage noir
Qui laisse sans effort entrapercevoir
La symphonie de ton corps qui valse dans le noir
Et qui valse encore et qui valse sans savoir
Qu’il est métaphore de ton corsage noir
Accroché dehors sur ta corde séchoir

Quelques vêtements accrochés dehors
M’auront impunément raconté ton corps

L’inspiration vient parfois en de bien drôle d’endroits. Un jour pendant l’été qui s’achève, j’étais dehors à décrocher les vêtements de la famille de la corde à linge. C’est bien cute, des petits chandails, et ça fait sourire, des bobettes de Batman (pas les miennes, celles de mon garçon). Mais tout notre linge passait par cette corde, et je me suis drôlement senti exposé quand j’ai décroché une de mes paires de boxers que je ne devrais pas mettre si je prévois faire un accident, m’aurait dit ma mère… Les boxers, propres mais maganés, ont pris la direction de la poubelle. Ma tête a pris une autre direction.

J’ai eu l’idée d’un poème qui aurait célébré les sous-vêtements d’une dame, inconnue et que je n’aurais jamais vue. J’ai écrit, sur un carton, « La corde à linge » pour me souvenir de mon idée, et j’ai vaqué à mes autres occupations, somme toute beaucoup plus plates que rêvasser à des sous-vêtements féminins, vous en conviendrez… C’est resté là, sur mon bureau, pendant longtemps – quatre, cinq, six semaines. Un moment donné, quatre vers d’introduction s’y sont glissés, mais je ne les aimais pas, ils faisaient trop convenus, trop mise en place, trop, je ne sais pas, narratifs. Alors, j’ai mis le carton de côté, incapable de poursuivre car assis sur un mauvais départ.

Puis le cœur de la chose s’est développé de façon saccadée ces deux dernières semaines. Exit la mise en place, j’entre dans le vif du sujet sans rien situer. J’aligne sur ma corde à linge imaginaire tout mon vocabulaire de lingerie en leur donnant des couleurs, des textures, et des contextes.
J’aime beaucoup les deux dernières strophes. L’avant-dernière, d’abord, celle de la valse, qui se lit un peu comme une danse – une, deux, une, deux (bon ok, je sais, la valse a trois temps, mais bon, que voulez-vous, j’en ai deux dans mes vers). J’ai eu un peu de misère avec la deuxième partie du dernier vers – il est resté incomplet pendant plusieurs jours, mais le reste est venu plutôt rapidement. La dernière ensuite, qui devenait essentielle après avoir enlevé la mise en contexte. Elle a été écrite à la toute fin, après même avoir dactylographié le reste, et j’aime bien le voile qu’elle jette sur tout ce qui précède – tout ça, c’était une rêvasserie.

J’ai pris bien des libertés dans l’écriture de cette corde à linge. Aucun vers n’a été compté, mais malgré ça je trouve le rythme intéressant, bien qu’irrégulier. Mais peut-être que c’est juste pour moi – j’ai écrit la chose, alors je lui impose un rythme qui va avec ce que je veux dire et comment je veux le dire. Le défi, c’est de faire reproduire ce rythme dans la tête du lecteur. C’est l’avantage, je crois, des vers comptés : on contrôle peut-être un peu mieux comment la pièce est lue. J’ai aussi pris quelques libertés avec les rimes (rouge/farouche; transparente/entrejambe). Les sons se ressemblent, et si j’étais réciteur je pourrais sans doute les faire sonner assez semblablement, mais ici c’est plutôt le lecteur qui devra simuler ces rimes. Je sais que, personnellement, quand je lis de la poésie et que les rimes sont fausses, ça me stoppe un peu. Placés au début, ils pourraient canarder toute la suite… Je le publie comme ça quand même, parce que je l’aime déjà bien. J’y reviendrai peut-être. (right.)