mercredi 24 juillet 2013

Attraction Polaire


Tout commence toujours par un touché
Un doigt qui effleure comme par hasard
Un regard gêné, excuse, je t'ai accroché
Un contact surprise entre deux corps

Un électron échangé      Comme des astres leur coeur
La polarité inversée       Gravitent doucement en âmes-soeurs

Une caresse timide, lente et silencieuse
Qu'au mélange des parfums s'enflamme d'un baiser
Vient raviver le coeur de l'étoile capricieuse
Jusqu'à l'explosion d'univers par milliers

          Big.

          Bang.

C'est une galaxie dans leurs yeux, l'infini dans leurs mains
C'est pour toujours, pour maintenant; et plus jamais comme avant
Dans l'éternel ils sont dieux car elle attend en son sein
Pour l'Univers un atome, pour leur Amour un enfant

Congé forcé aujourd'hui dans ma petite chambre de Schefferville, à cause de la pluie, alors ce n'est pas l'endroit idéal pour déblatérer (ce que je fais toujours plus facilement dans ma grotte, avec une bière...), alors permettez-moi d'être relativement bref. Au retour de l'aéroport, après m'être changé car j'étais déjà tout mouillé, je me suis glissé dans mon petit lit simple pour retourner dormir – j'ai du sommeil à rattraper depuis les dernières semaines, et je m'étais levé à 5h30 tout de même, alors Morphée m'appelait. Après quelques minutes – vous savez, ces quelques délicieuses minutes entre l'éveil et le sommeil, où le corps est détendu, l'esprit est divagué et la conscience est intermittente – l'éveil a pris le dessus avec l'apparition claire, en tête, des trois premiers vers, et le reflet du quatrième pas très loin. Je me suis relevé pour les mettre sur papier (j'oublie vite ces temps-ci – hier, j'ai oublié mon lunch sur mon bureau, et je m'en suis rendu compte dans la brousse (merci, collègues, d'avoir dépanné mon estomac)). Anyway, après quelques bricoles, je suis retourné au lit, où j'ai sombré profondément et plus longuement que j'avais prévu.

À mon réveil le titre est venu soudainement et avant de poursuivre l'écriture, avant même de savoir vers où je m'en allais (l'imagerie atomique et galactique est venue après le titre), inspiré peut-être de ma localisation subarctique qui me rappelle mes nuits polaires, mais surtout d'une discussion écoutée distraitement hier soir à table entre un physicien, un géologue et une botaniste sur la théorie quantique... Il y a tout plein de sorte de monde, on dirait, au McGill Subarctic Research Station... Le reste est venu in and out le reste de la journée, avec plus de difficulté pour la dernière strophe.

mardi 25 juin 2013

Une main sur l'épaule

(Soumis - sans succès - au prix du récit de Radio-Canada)


Le temps n’importe plus pour les morts. Et, pendant un moment, pour ceux qui restent non plus. La réalité s’obscurcit, le temps s’efface, il devient abstrait, il devient un peu toujours et un peu jamais. J’ai perdu le temps, quelque part en 1997. Je l’ai retrouvé, plus tard, mais il m’arrive encore parfois de l’échapper, pour quelques secondes. Ces instants, c’est un peu comme si Bodail m’envoyait la main.

xxx

Un accident est si vite arrivé, il devrait se raconter aussi rapidement. Il roulait, peinard, sur sa nouvelle moto, direction Saint-Aurélie, retour au travail pour une dernière petite journée. Une voiture a pris un peu de temps pour tourner à droite, et sans se signaler – bah! Il n’y a pas de circulation ici, à quoi bon? Peut-être était-ce la vitesse, peut-être était-ce l’inexpérience, peut-être a-t-il regardé trop longtemps son rétroviseur, enfin, peut-être n’importe quoi, il a tenté de l’éviter à la dernière minute, il a raté son coup, et s’est envolé dans la voie inverse. Ça se serait terminé là, si – pourtant, quoi, il n’y a pas de circulation ici! – une voiture n’arrivait pas, dans ce sens inverse, au même moment.

J’imagine que c’est ça le destin, ou plutôt la fatalité, ce fameux hasard qu’on ne peut pas expliquer, et qu’on ne peut surtout pas engueuler. Alors, on lève le poing au ciel en hurlant sa colère contre Dieu, puis on remplit de larmes ses bouteilles vides. Alors oui, le temps se met sur Pause.

xxx


Je l’ai su le lendemain, d’une source improbable – moi, son ami, son frère, il me semble que j’aurais dû le savoir sur-le-champ, j’aurais dû le savoir en premier, alors, manifestement, ça ne pouvait être vrai. « Bodail a eu un accident. » Un malaise qui me fait perdre mon sourire amusé, ce sourire que j’avais toujours quand je m’assoyais sur la banquette verte du Nouveau Dragon, à ingurgiter des litres de café avant d’aller ingurgiter des litres de bière. Ça ne peut pas être grave, je lui ai laissé un message quelques heures avant, c’est comme si je lui avais parlé, non? « Est-ce qu’il est correct? » Malaise qui m’a fait perdre mon sourire, m’a fait cesser de battre du pied, malaise qui a réduit le restaurant au complet à cette seule banquette, à cette seule bouche qui parlait devant moi, et que je détestais – pourquoi est-ce que j’apprends ça de toi? Le temps qui se contracte et qui s’allonge, je ne veux pas voir la suite, j’attends, je m’attarde sur cette bouche, je pense à tout l’avant, à tout l’après, je ne veux pas cette seconde, tais-toi, tais-toi, mais vas-tu te taire, à la fin! « Il est mort. »

xxx

J’ai vu ses sœurs au Ciné-Parc, où on m’avait traîné pour ne pas me laisser seul, mais où on m’avait laissé seul dans la voiture. Comment m’avaient-elles trouvé là, je l’ignore. Ce qu’elles m’ont dit, je ne m’en souviens plus. Le lendemain, j’avais cette veste de laine qu’elles m’avaient remise, en héritage, si l’on veut.

xxx

Je regarde le barman en entrant au sous-sol.

 « Es-tu au courant? »
— Oui.

Il fait un sourire, sans sourire vraiment, comme un barman qui encourage. Je mets la veste sur un tabouret, m’y assois au centre du bar, m’accoude, le dos courbé, la tête basse, et il met une grosse bière et un verre devant moi. Je ne dis rien.

La soirée avance. La musique devient plus forte, les gens deviennent plus nombreux. Le bar se remplit, mais dans le cinquante centimètres carrés de mon territoire je pourrais être seul, je pourrais être ailleurs, je suis hors de tout. C’est sombre, mais c’est peut-être parce que mes yeux se ferment de temps en temps. Tranquillement, mon dos se courbe de plus en plus, tranquillement, je prends de moins en moins de place. Ma bouteille est toujours pleine, même si je remplis constamment mon verre. Une cigarette fume, à ma main, mais je ne fume pas vraiment. Je ne vois pas les filles qui collent leur poitrine sur moi pour aller se chercher un verre. Je ne sens pas les garçons qui me poussent pour aller se chercher un pichet. Ils ne peuvent interrompre mon inexistence.

Une main se pose sur mon épaule, légèrement, mais fermement. Mes yeux s’ouvrent, ma cigarette tombe, ma bière est finalement vide. Le temps est soudainement revenu, qu’un instant, pour me dire qu’il m’en reste tellement avant que tout s’arrête. Il est revenu, un instant, pour me dire que je vis, et que tout à coup je suis devenu qui je suis. Il ne me reste plus qu’à pleurer en silence. Et cette main anonyme me laisse pleurer, me laisse souffrir, me laisse souffler un peu de cet air vicié qui s’était accumulé dans mon torse. Je pleurais encore quand il est parti, mais j’aurais aimé le remercier. Je n’ai jamais su à qui elle appartenait.

xxx

Ce temps qui va et qui vient, et qui m’amène à Saint-Aurélie derrière un cercueil qui s’avance doucement en montant la colline du cimetière. Je suis l’un des porteurs, en avant, à gauche, pourtant je le vois s’avancer comme si j’étais derrière, je le vois devancer un groupe disparate, un groupe d’étrangers qui se sourient les yeux humides. Et je ne sais plus où je suis – suis-je là, la poignée du cercueil à la main, suis-je là-bas, à observer mais sans oser m’avancer, suis-je chez moi, à rêver? Et puis tous s’arrêtent devant une fosse surmontée d’une pierre sur laquelle un dragon souffle des cœurs de fumée. « Dors et rêve, Bodail » dit le dragon, et sois rassuré : même ici où s’alignent les épitaphes anonymes, ta famille aura bien pensé à rendre la tienne unique.

Le prêtre déblatère des âneries qui passent en soufflant loin au-dessus de nos têtes rassemblées, pendant que certains fredonnent, d’autres se balancent, d’autres font des grimaces ou s’amusent avec leur ombre. Et puis, un cri qui résonne et interrompt la cérémonie préprogrammée, un cri comme une fracture avec le rêve, qui nous ramène là, ici, maintenant, à ce moment. « Pensez-vous vraiment que Bodail resterait là sans rien dire! Sans rien faire! Pensez-vous vraiment que Bodail aurait pu attendre si longtemps avant de scrapper tout ça! ». Il s’avance sur le tas de terre, saisit des mains une couronne de fleurs blanches. « Non! Il n’aurait pas attendu! Non! Il n’aurait pas voulu que ce soit comme ça! » Il arrache les fleurs, il crie il les jette dans la fosse moi je hoche la tête et nous crions et nous pleurons les bouquets suivent le prêtre se recule. Non, Bodail ne partira pas en silence. L’illusion de force, de détachement, que cette jeunesse voulait se donner s’écroule tout à coup. Tous, nous redevenons des enfants qui chialent, les mains sur la tête, au moment même où la vie avait décidé de faire de nous des adultes. 

Nous revenons plus tard, après le goûter, avec nos bouteilles de Molson que le vent fait chanter. Autour de la fosse maintenant comblée, qui déborde de terre humide, nous versons nos fonds de bière en libations modernes – accompagne-nous, pour une dernière cuite. Mes genoux flanchent, moi, au bout du monticule, et je m’accroupis pour toucher une dernière fois cette terre où il se consumera. Ils m’imitent tous. Douze frères qui s’ignoraient les uns des autres, qui n’avaient de commun que cet ami qui est parti. À ma droite, les punks de la première heure, de son époque aux cheveux roses. À ma gauche, les bobos du CÉGEP, les tenanciers de partys populaires. Un peu plus loin, les hippies de la piaule. Vendeux de poudre, fumeux de pot, buveux de bières et fils à papa – tous y étaient, réunis par ce tas de terre où pourrissait déjà notre ami commun. Ils ne se verraient jamais plus, ils ne devaient même pas savoir qui était qui, mais pendant cette minute, ils étaient ensemble. Moi, je deviendrais leur ami à tous. Je l’étais peut-être déjà.

xxx

Des fois, j’aimerais retourner en juillet 1997. En sachant ce que je sais aujourd’hui. En étant qui je suis aujourd’hui. J’irais voir ce jeune abruti accoudé au bar, une grosse Molson Export devant lui, la tête sur les bras et les yeux pleins d’eau, la bouche ouverte d’où ne sort aucun son, qu’un long souffle un peu rauque venant du fond de la gorge, qu’un soupir suggéré à la mauvaise haleine de fond de tonne. J’irais le voir pour lui dire quelque chose, pour lui dire qui il deviendra, pour lui dire qu’au bout du compte, c’est juste un épisode de la première saison de sa vie.

J’irais voir ce jeune abruti accoudé au bar, et puis je le regarderais. Son existence terminée pour un temps. Sa solitude éternelle d’un instant. J’irais le voir, mais je n’arriverais pas à parler. Je mettrais simplement ma main sur son épaule, juste pour lui rappeler qu’il continuera d’exister. Il ne me verrait pas.

Mais il apprécierait.

lundi 10 juin 2013

Dixième image: autoportrait


PROJET D’ÉPITAPHE

Ce corps qui pourrit sous vos pieds
Celui d’un parfait inconnu
Sera mort sans jamais être nommé
Et ce sera lui qui l’aura voulu
Quand je lui ai dit de se présenter
« Qui suis-je? » est tout ce qu’il a répondu
 
Je déteste parler de moi.
 
On en sera étonné, avec tout ce que j’écris parfois ici, et en plus il paraît que je parle beaucoup, enfin, beaucoup pour ma famille, alors oui, c’est peut-être étonnant, mais c’est vrai, je déteste parler de moi. Notons ici l’ironie, où je parle de moi disant détester parler de moi, et notons également que tout le reste du texte suivra cette même ironie.
 
Je suis le genre de gars qui déteste les affirmations commençant par « je suis le genre de gars ». La raison est toute simple. Je ne sais pas quel genre de gars que je suis. Tantôt, en pensant à ça, je me suis rappelé d’une conversation avec une ex, qui avait viré en mélodrame, mais c’est normal : avec elle, faire un mélodrame, ça rendait les choses plus « vraies ». Elle me demandait, un soir ou un matin, au lit, de la décrire. J’écrivais aussi alors, alors j’imagine qu’elle s’attendait à ce que je la décrive avec des beaux mots. Je lui ai dit que j’étais incapable de le faire. « Franchement, je suis certaine que si je te demandais de décrire telami, ou pire encore, telle-amie, tu pourrais le faire! » Rendu là, moi, je me disais what the fuck, on n’était pas bien, quand on ne parlait pas, et qu’on ne demandait pas à personne de décrire rien du tout? Et ma réponse était parfaitement sincère : « Non, je ne pourrais pas décrire telami, et telle-amie, eh bien, c’est une fille, et elle a un nez, je crois, et sans doute des cheveux, mais c’est tout, je ne suis pas un décriveur! » Et puis, là, je disais une vérité paradoxale : ce que je sais de moi, c’est que je suis à peu près incapable de dire ce que je sais de moi, alors des autres... Elle n’a sans doute pas compris. Enfin, j’imagine : elle a boudé. J’espère que c’était le soir, finalement, parce que bouder en dormant, c’est moins désagréable que de bouder réveillé.
 
Mais oui, je sais, j’écris tout plein d’affaires sur moi ici, et quand je parle, je dis plein de choses sur moi aussi. Mais ce que je dis surtout, ce que j’écris surtout, c’est ce que je pense (ou ne pense pas), ce que je fais (ou ne fais pas), comment et pourquoi je le fais (ou pas). Sans doute est-ce que ça me décrit quelque part. Mais j’aurais bien de la difficulté à faire, consciemment, un portrait de moi. Ou de ma blonde, ou de mes amis. Eux aussi, je pourrais décrire ce qu’ils font, ce que je pense qu’ils pensent, et comment et pourquoi. Mais j’aurais bien de la difficulté à leur donner des qualificatifs. Quand il le faut, je reste dans le vague et les lieux communs. C’est un bon gars. Elle est bien gentille. Je suis trop perfectionniste. Il n’y a sans doute que pour mes enfants que je suis un peu plus capable.
 
Pourquoi? Je ne sais pas trop. Peut-être est-ce parce que dire de moi que je suis comme ci, et comme ça, ça m’expose à me faire contredire à la seconde où je ne suis pas comme ci ni comme ça. Ça met en jeu ma crédibilité. J’essaie des fois, mais je ne me sens pas vraiment moi quand je fais ça, j’ai l’impression de jouer un rôle. Et sans doute, parfois, je le fais réellement, sans trop y réfléchir, et alors, sans doute est-ce vrai. Mais une chose reste certaine, pour moi : j’hésiterai toujours à le faire consciemment, et j’aurai toujours de la difficulté à répondre à « Qui es-tu? ». Ce qui est un peu triste – ne dit-on pas « connais-toi, toi-même » depuis Platon, que j’aimais bien il y a longtemps? C’est dommage qu’après toutes ces auto-analyses, je sois toujours incapable de faire de moi un autoportrait, car je le considèrerais comme trop incomplet, trop incertain, trop… définitif, pour que j’y croie moi-même. Mais, aussi, peut-être est-ce justement parce que j’ai pris, et je prends, le temps de réfléchir à moi-même que je sais que je ne suis pas encore tout à fait complété, et donc descriptible, et ne le serai sans doute pas avant la tombe.
 
J’ai donc remis, et remis, cette image, cet autoportrait, car je n’arrivais justement pas à trouver quelque chose à dire qui voulait dire quelque chose. Ce soir, en route, en y réfléchissant – car quand je n’arrive pas à faire une de ces images dans les temps, ça me revient tout le temps : « il faudrait que j’écrive quelque chose, n’importe quoi! » —, je me suis souvenu de ces courts textes que j’avais lus dans ma brique de Byron (qui, incidemment, est un cadeau de l’ex dont je parlais plus haut) nommés « épitaphes » — textes plus ou moins (souvent moins que plus) élogieux écrits à l’occasion (ou en anticipant) le décès de quelqu’un. Mon livre est loin quelque part dans une boîte, alors je n’ai pu y retourner, mais j’ai pensé faire quelque chose du genre. Ce n’est pas super, mais au moins, c’est quelque chose, et ça me permet de passer au prochain thème.
 
Oh, et je viens de penser à une réponse à la question « Qui es-tu? ».




 
Je suis Le Louis.

mercredi 29 mai 2013

Neuvième image: Porte d'en avant


 
C’est des fleurs à la main, sous le soleil couchant
Que je m’approchais de ta porte d’en avant
Le soir était doux et mon cœur plein d’espérance
Me portait heureux vers ta porte du dimanche 

J’ai levé le marteau, frappé trois petits coups
J’ai attendu, mais froide s’avançait la nuit
Venue glacer mon corps et mon cœur mort debout
N’a jamais réalisé qu’on était samedi
 
J’ai pris mon temps cette fois-ci, par un manque d’inspiration généralisé relié au travail plate d’avoir à faire de la correction et écrire des offres de services, mais aussi par le thème que m’offrait le défi : Front door. Porte d’en avant. C’est des thèmes comme ça qui me font parfois douter de ma capacité de mettre en mots ce qui devait être des images. Facile de poser une porte – pas facile de faire une belle photo de porte, j’en conviens, mais une porte est généralement un sujet qui se laisse photographier assez aisément : elle ne ferme pas les yeux, ne bouge pas à la dernière minute, et se trouve rarement en contrejour, du moins, si on la prend par dehors.
 
Mais écrire sur une porte? Une porte d’en avant, a-t-on même précisé? Ouh là là.
 
Mais j’ai eu une idée assez rapidement : attendre à une porte, c’est attendre quelqu’un. Et la porte d’en avant, si elle est souvent plus belle, plus élaborée, plus décorée, que la porte de côté, elle est aussi moins utilisée. Je me souviens de ma maison dans la 126e rue, à Saint-Georges – la lourde porte d’en avant donnait sur le derrière d’un laz-y-boy. Ce n’est pas l’entrée à laquelle on pouvait s’attendre en voyant sa grosse poignée de fer forgé. Dans toutes les maisons où j’ai habité, ou presque, cette porte est souvent plus décorative qu’usuelle.
 
Le hasard fait parfois bien les choses. Il y a quelques semaines, j’étais à la bibliothèque de l’Université Laval, où je n’avais pas mis les pieds depuis fort longtemps et qui a changé en sapristi depuis mon temps – et, si vous voulez savoir, c’était bien mieux dans mon temps! J’étais donc là-bas à chercher de la documentation sur les modes de construction des bâtiments secondaires en Nouvelle-France. Je cherchais plus précisément les équipements immobiliers qui devaient être construits dans une buanderie, pour tenter de comprendre la nature d’un truc en briques qu’on avait trouvé l’été dernier. Alors, je lisais en diagonale des livres d’histoire de l’architecture canadienne, tournant rapidement les pages, skimmant les index, parcourant les tables des matières, et regardant les belles images. Sur l’une de ces images, on avait représenté la maison typique canadienne, toit à deux versants assez haut, cuisine d’été, longue galerie à l’avant, et porte… du dimanche. Je ne connaissais pas cette expression – je ne l’ai d’ailleurs pas retrouvé sur le Net, du moins, dans ce sens, sauf dans un poème sur une maison de St-Léon-de-Standon à la quatrième page de Google… Je ne la connaissais pas, mais je l’aime beaucoup (l'expression, pas le poème). Elle dénote la nature exceptionnelle de cette porte, utilisée pour les grandes occasions seulement, comme le dimanche, pour accueillir la visite comme il le faut, dans la salle commune et non dans la cuisine. Non seulement l’expression signifie exactement ce qu’elle doit signifier, elle sonne, à mes oreilles, typiquement québécoise.
 
Alors, si on attend à cette porte, c’est que c’est une grande occasion, mais on risque d’attendre plus longtemps.
 
Je parle, je parle, ou j’écris, j’écris, sans savoir si jamais quelqu’un lit jusqu’ici, mais bon, tant pis. Même avec ces idées, je n’arrivais pas à écrire quelque chose. Physiquement. Aucun vers n’est sorti depuis trois semaines à ce sujet. J’ai pensé déclarer l’échec (il le sera, à cause du retard), puis passer au suivant, mais j’ai vu que ce devait être un autoportrait – pas quelque chose que j’aime – et puis, de toute façon, ça m’obsédait un peu cette incapacité de mettre en vers l’idée que j’avais.
 
Alors, après mon souper, ce soir, j’ai sorti un ti-papier et mon pousse-mine, tassé mon assiette vide, rapproché ma bière, et j’ai attendu que ça sorte. Tranquillement, le pousse-mine s’est mis à glisser, à hésiter, à revenir, puis au bout de ma bière, une demi-heure plus tard, c’était là. Ce n’est pas ce que j’ai fait de mieux, mais bon, au moins c’est quelque chose. La fausse rime qui termine la première strophe pourrait m’agacer, mais je m’y accommode parce que j’aime le sens. J’ai un peu plus de difficulté avec l’inversion bizarre de la deuxième strophe :

J’ai attendu, mais froide s’avançait la nuit
 
J’aime le son que ça donne, le sens que ça semble donner, mais je n’arrive pas à me justifier la syntaxe. On pourrait réduire ça à une licence poétique, peut-être, mais je n’aime pas recourir à cette explication. Inverser pour inverser n’est pas mon genre. Mais je n’aime pas comment ça sonne quand je le mets ailleurs, alors bon, tant pis.
 
L’idée, la métaphore, en quelque sorte, qui est derrière ce fragment touche à la communication toujours imparfaite, parfois de façon tragique, entre deux personnes. Le narrateur allait avec confiance voir sa dame, mais ils se sont mal compris, elle était à l’autre porte, ou elle l’attendait le lendemain, enfin, un peu les deux à la fois : à l’autre porte aujourd’hui, ou en avant demain. Pas en avant aujourd’hui. Et l’occasion était soudainement, brutalement, manquée.
 
L’été arrive, et avec lui je sais que je serai sans doute moins assidu. J’espère ne pas me laisser trop éloigner de bouts de papier qui traînent et de crayons dans le fond de mes poches, comme c’est arrivé l’an dernier, pour continuer avec ces images. J’ai eu une idée pour un prochain défi, mais pour ça il faut que je me convainque que je suis capable de terminer celui-ci.

vendredi 10 mai 2013

Only for you

En dépit de tous nos mystères silencieux
Des grafignes qui ornent nos cœurs d’amoureux
Il restera encore du temps pour nous deux
            Si tu veux

Rapidement je publie ce petit quatrain composé ce matin, en voiture, en chemin vers Trois-Rivières au son de Jay-Jay Johanson. Cette petite version, un peu facile, m’est venue spontanément, et je l’ai mise sur papier en entrant au bureau. Spontanément, enfin, pas tout à fait – j’y avais déjà pensé en écoutant la pièce à d’autres occasions. Mais jamais d’une façon aussi achevée. J’ai régularisé la métrique ce midi en mangeant mon riz au poulet sans saveur (ayant préparé mon lunch ce matin beaucoup trop rapidement…), bien que peu de changements étaient nécessaires (l’avantage d’écrire – même si ce n’est qu’en pensée – au son de la musique). J’ai aussi modifié passablement le troisième vers (restera au lieu de reste, encore plutôt que toujours, et du temps à la place… d’une place). Des petits changements, mais qui lui donne meilleure gueule, il me semble. Meilleur sens aussi.

C’est bon, Jay-Jay Johanson. Si vous ne connaissez pas, vous devriez écouter.

mardi 7 mai 2013

Huitième image: Soleil


UN POÈME TRISTE UN JOUR DE SOLEIL
 
Aux sons des enfants, il est sorti un instant
Sur le perron devant le parc où ils vont jouer
Sa femme dort enfin du sommeil des calmants
Un répit accordé quelques heures par journée
 
Elle aurait sûrement aimé pouvoir s’y rendre
Taquiner les petits, jaser avec les vieux
Mais sa maladie qui a repris en décembre
Ne la laisse plus vraiment sortir du pieu
 
Il envoie la main et feint même de sourire
Crie des plaisanteries aux garçons du voisin
Il aurait bien aimé voir les enfants venir
Pour mettre un peu de vie autour de son jardin
 
Le Soleil est bon, et la brise est douce
Mais il sait qu’il devra bientôt rentrer
Car la voilà qui s’éveille, il l’entend qui tousse
Ce sera
            Sans aucun doute
                                   Son dernier été.

Un commentaire viendra peut-être demain – je suis tanné d’être dans mon sous-sol, et mes allergies me font souffrir des yeux…

lundi 29 avril 2013

Septième image: bouton


Je t’ai vue comme une promesse :
Un bouton manquait au haut de ton chemisier.
Tu venais vers moi, doucement, avec paresse,
Un sourire délicatement dessiné
Sur tes lèvres et tes yeux charmants sur moi posés
Me regardaient, comme une première fois.
 
Je t’ai vue comme une promesse :
La ligne de ton soutien-gorge bleu foncé,
Sur ta blanche peau discrètement manifeste
Comme un horizon de souvenirs de tendresse,
Avait capturé mon regard embarrassé
Qui contemplait, comme une première fois.
 
Je prenais un verre assis à un bar quelconque, à Saint-Eustache, pas loin d’Oka où se tenait un colloque d’archéologues. Pourquoi étais-je seul à un bar de Saint-Eustache un soir de colloque d’archéologues à Oka, alors que l’on sait tous que la principale activité des archéologues en colloque est de prendre un verre quelque part, mais ensemble? C’est que je présentais le lendemain, et je devais garder des forces pour terminer de préparer ma présentation le lendemain avant-midi. J’avais donc abandonné collègues et amis sur la plage d’Oka pour revenir à mon pieu, me promettant que le lendemain j’en profiterais davantage, mais je n’allais tout de même pas aller me coucher là, comme ça, sans prendre un dernier verre – ça ne rendrait pas justice à la profession, à ma Beauce natale non plus, ni à ma réputation. (Pour la petite histoire, je n’ai pu célébrer beaucoup le lendemain, subitement atteint par un rhume qui nous avait attaqués, sans que je le sache, à la maison avant mon départ – annonce à mes collègues et amis : je vous ai peut-être infecté par mes poignées de mains ou bisous sur la joue, désolé).

Toujours est-il que je n’avais pas en tête les thèmes du présent défi, mais que j’avais envie de griffonner. J’avais un papier, et j’ai demandé un crayon à la barmaid habillée étrangement à la mode 80, avec une espèce de t-shirt gris, laid et trop ample, aux ouvertures pour les bras démesurément grandes, laissant entrevoir sous les bras les bandes latérales de sa brassière – brune tirant vers le chair. « Comme une promesse », me suis-je alors dit en voyant cette couleur qui rappelait celle de sa peau et qui donnait un peu la fausse impression d’être transparent, avant de sortir mon téléphone pour aller voir quel était le thème de la semaine.

Bouton, m’a-t-on dit. (J’ai relu cette phrase à voix haute, et ça sonne joliment… bouton, m’a-t-on dit, bouton matondi, bouton matondi!)

Et tout ça s’est mis en place. La rapidité et la fluidité de la première écriture me poussent à considérer ces vers comme spontanés, bien qu’il y ait eu exercice de réécriture par la suite – une première écriture vendredi dernier, et je l’ai retravaillé ce soir, lundi, en attendant que les petits soient bien endormis. J’ai tenté de redresser le rythme par une régularité des principaux vers, bien que la rime, elle, ne soit pas régulière. J’avais d’ailleurs un peu de difficulté avec l’écoulement des vers : ça bloquait un peu parfois. C’était peut-être dû à l’absence de ponctuation, que je viens d’ajouter et je trouve effectivement que ça aide. La séparation des sujets, verbes et compléments joue peut-être aussi…
 
Je suis content de la façon dont le thème de la semaine ne devient qu’une excuse pour écrire quelque chose, comme le point de départ, la provocation, à la création de toute une image, de toute une scène, et son point final. Ici, je pars du bouton, dont l’absence est présentée au premier vers qui décrit l’image. Puis, la caméra recule, vers un plan large où l’on voit la dame s’avancer vers moi. Finalement, elle revient, en zoomant, avec mon regard, sur cet endroit où devait se trouver le bouton.

Ce fragment de douze vers réussit ainsi bien, je trouve, à accomplir l’idée de faire des images, des dessins, des photos, avec des vers. Je le trouve évocateur, et je crois qu’il réussit à recréer, pour chaque lecteur (well, chaque lecteur masculin, du moins), une image qui lui parle. En tout cas, moi, ça me parle. Ce qui veut sans doute en dire plus sur moi que ça devrait…

Bon, ça va, je le mets dans les Perv' vers...

mardi 23 avril 2013

Sixième image: Souper


 
Chômage vient du latin Comare qui veut dire se reposer quand il fait chaud

 À peu près six heures, toujours rien à manger.
J’ai un peu mal au cœur, le frigo est à sec.
Et en plus, pour mal faire, un paiement doit passer,
Mon compte est découvert : on m’a coupé mon chèque.
 
Soudain, j’entends frapper, et d’entrer l’inspecteur,
Juste à temps pour souper. J’offre un bol de misère,
Un verre de piquette, au lieu d’un bras d’honneur,
Question qu’il accepte d’écouter ma colère.
 
C’est que depuis Harper, ma vie s’est réformée.
Moi qui étais chômeur, fus criminalisé.
On me dit si j’arrête de pêcher en hiver,
J’aurai droit qu’à des miettes, cueillies au diable au vert
 
Puis quand j’eus terminé, il m’a regardé, fret
M’a dit : « Pour travailler, c’est du cœur qu’il faut mettre
Toute votre misère, comme votre malheur,
Vient de votre carrière d’inutile pêcheur.
 
Parce que, je regrette, mais vous ne pouvez nier
Que ce qui vous endette, c’est votre choix de carrière...
Si vous aviez du cœur, vous déménageriez
Vendriez votre honneur à une pétrolière! »

À ces mots, l’inspecteur marqua dans son cahier
Quelques mots, j’en ai peur, qui allaient me couper
Debout et en colère, j’empoignai son jacket
Et le poussa par terre, lui cassant les lunettes
 
« Si tu penses, enculé, qu’une guerre aux chômeurs
Permettra de sauver les coffres de Harper!
Ils devront bientôt faire autre chose pour payer –
Le prochain en misère : l’inspecteur syndiqué! »

Trop tard, trop fatigué, trop crotté pour commenter. Juste dire qu’ici, on le voit à la version papier, j’ai renoué avec la contrainte. Presque tout en alexandrins avec une césure classique. Ou presque - je ne suis pas poète, je suis archéologue, alors les subtilités - tant pis, me dis-je ici. La séquence des rimes, doubles (rimes plates au premier hémistiche, plates ou alternes à la fin des vers) était décidée d’avance, sauf pour les deux dernières strophes, et je suis content d’avoir réussi, parfois tant bien que mal, à la respecter. Les sons de ces rimes ont été aussi décidés dès le début, avant d’écrire le premier vers (et quand je pensais faire quelque chose de beaucoup plus court), alors que j’ai dressé une série de mots thématiques que j’aurais pu utiliser.

J’ai eu de la misère avec la finale, à cause de cadre rigide que donnaient les sons, les rimes et le rythme. Alors s’ajoutait tout le temps une strophe, pour tenter de provoquer la finale dans ce cadre. Ce n’est pas la meilleure que j’aurais pu faire, mais l’idée s’y trouve : cet inspecteur deviendra lui-même chômeur un moment donné, même s'il se croit protégé par son syndicat (on le sait que Harper se fout des syndicat) – c’est une histoire de karma finalement.

Le titre vient de Richard Desjardins, pour ceux qui ne le savent pas (autour de 2 minutes dans le lien). J’aimais le contraste entre « se reposer quand il fait chaud », et l’histoire de ce pêcheur qui ne travaille pas l’hiver.

mardi 16 avril 2013

Cinquième image (prise deux): 10 AM


Dix heures du matin
Le vent entre par la fenêtre ouverte
Et porte vers moi l’odeur humide de la pluie
La mince couverture me drapant dans mon lit
Ne m’offre aucun réconfort dans la froideur de cet octobre tardif
Et la grisaille s’infiltrant doucement dans ma chambre
Vient déchirer ma peau comme des cristaux par milliers
 
Je soupire et gémis
Mais à chaque souffle l’air glacial me noie un peu
Je ne dors plus, je ne vis plus
Je suis une statue de glace, éphémère, qui flotte dans un nuage
Qui bien qu’immobile, se tortille par en dedans
Qui existe puis n’existe plus, puis revient, revient disparue
Je me suis évaporé, puis j’ai plu dans l’océan
Et les vagues m’ont porté
M’ont porté à mon lit 

J’ouvre les yeux doucement et les pose sur le cadran
Dévisage en silence mon reflet devant l’heure
Dix heures et une du matin
Je me retourne, je me rendors
Je m’éveillerai quand il ne mouillera plus dehors

Paragraphe générique sur le fait que je suis en retard dans mon défi et c’est toujours pour les mêmes raisons.

Je travaillais en fin de semaine sur le thème actuel, sur l’image que je n’ai pas encore livrée – un souper –, mais ce papier était resté quelque part chez moi. La radio me tapait sur les nerfs ce matin sur la route, alors je me suis mis à penser à cette image – 10 AM – que j’avais sautée (que j’avais échoué) en me disant que dix heures revient tous les jours. J’avais des trucs pas pires, des vers bien jolis, mais que je trouvais un peu trop premier niveau. Anyway, rendu au bureau, je n’avais pas fini, et je suis tombé soudainement dans le jus alors c’est resté immatériel.

À mon retour, j’ai tenté de reprendre le fil, mais je commençais sincèrement à trouver ces vers trop élémentaires. Il mouillaissait, puis pleuvait, avec du brouillard dans les fossés. J’ai repensé à une image que j’avais eue lors de ma première tentative – je suis étendu dans mon lit à 10 h, et le Soleil passe à travers les stores, et je veux rester couché – et je l’ai travesti pour fiter avec la météo du moment. Le premier bloc de vers a été écrit sur le bord de l’autoroute, parce que je savais que je l’oublierais, et que le dictaphone, ça ne marche pas. Quand j’y mets des vers, systématiquement, je les trouve mauvais au moment de les réécouter. À preuve, ce que j’avais tenté de faire le matin. C’est peut-être ma voix, que je n’aime pas, ou parce que j’écris des choses qui se lisent, mais ne se récitent pas, je ne sais pas, je n’ai pas vraiment déjà essayé.

On est à des lieux de ce dont je parlais justement lors de l’échec. Pas de contraintes ici, sauf le thème. Des vers spontanés, et libres, affranchis des règles que je m’impose habituellement. Ça fait quelques fois que je donne dans la poésie plus moderne avec ce nouveau défi, et je ne sais pas si c’est une bonne chose. J’avais tendance à ne pas aimer cette poésie éclatée, dont je ne saisissais pas l’essence, et maintenant me voilà à couper mes phrases en vers sans raison apparente…

Cela dit, j’aime tout de même l’ambiance générale qui s’en dégage, cette minute d’éveil dans la froideur du matin qui nous porte d’un monde à l’autre avant de se rendormir. Sans doute devrais-je le retravailler, il est jeté ici assez brouillon, mais bon, il faut que je publie de quoi un moment donné ici…

mercredi 3 avril 2013

Cinquième image: 10 AM


Bon, je dois me rendre à l’évidence, c’est un échec pour la 5e image. Je me suis donné une semaine d’extension, mais sans succès, alors il faut passer à autre chose. Dommage, parce que j’avais des idées, et des bonnes, mais ce que j’ai mis sur papier était nul. J’ai essayé d’y retravailler, de changer l’approche, d’en diminuer la portée quitte à n’avoir qu’un fragment à offrir, mais sans succès.

Quelqu’un commentait l’image précédente, que j’avais aussi eu de la difficulté à illustrer, me disant que j’avais peut-être plus de facilité à écrire sans thème imposé, et c’est définitivement vrai. Je pense que ce que j’écris est mieux quand je laisse glisser mon crayon sur le papier, quand je ne sais pas où ça mène vraiment – sur ce blog, je pense au Minotaure, à J’inexiste. Le problème avec ça, c’est que j’ai l’impression que je ne suis pas (totalement) responsable de ce que j’écris, et – surtout – que je ne peux pas le commander. Au tout début de J’Inexiste, l’idée était là : essayez d’avoir un meilleur contrôle sur l’inspiration. La provoquer, plutôt que d’attendre qu’elle se manifeste. Mais pour la provoquer, il faut que j’y travaille assidument, et c’est peut-être ça que j’ai négligé en mars – deux textes seulement en quatre semaines.

Au hasard du web, je suis tombé un moment donné sur un texte qui disait quelque chose d’intéressant. En fait, le texte, dont j’ai oublié la source – c’était une poète sur le site d’une maison d’édition de poésie –, disait sans doute autre chose, mais j’ai gardé seulement les mots qui m’intéressaient et j’en ai fait quelque chose qui me parlait, et ça me parlait de contrainte. Comme quoi un poème est un travail d’écriture dans la contrainte. En plus d’avoir à trouver les mots, il fallait inventer une contrainte qui se mariait avec le thème, et ensuite respecter cette contrainte interne. Elle pouvait se manifester dans le vocabulaire, dans la versification, dans la rime, dans le rythme…

Je n’ai que rarement décidé consciemment d’une contrainte. Elles se manifestaient spontanément – ce qui fait que même quand mes thèmes étaient imposés, ma plume elle-même décidait de la contrainte, au fil des deux ou trois premiers vers. Quelques fois, j’ai tenté de m’en imposer une avant de commencer à écrire, et souvent ça menait à un échec. C’est ce que j’expliquais, quelque part sans le savoir, ici. D’autre fois, la contrainte était manifeste, volontaire ou non, mais je n’arrivais pas à la suivre. Ça donnait des fragments, abandonnés parce que la contrainte m’a battu, et j’accuse alors le manque d’inspiration – je pense aux trois déclinaisons de Il était une fois un regard, dont la réunion ne s'est jamais produite.

Ce qui m’encourage, c’est que 10 heure du matin, ça revient à chaque journée, alors j’aurai peut-être l’occasion d’y revenir…

mardi 19 mars 2013

Quatrième image: un étranger


VERSION DE I REMEMBER NOTHING

Nous étions étrangers
Étrangers depuis si longtemps

Ensemble nous ne faisions que passer le temps
Nos corps immobiles assis côte à côte
Nos têtes collées mais nos esprits divergents
Ignorant tout de la vie l’un de l’autre
                        Ça faisait si longtemps
                        Nous étions quelqu’un d’autre 

Soudain mon corps tressaute violemment
Le tien réagit puis retombe sans bouger
Nos corps s’affaissent désespérément
S’abandonnent au vide comme deux crucifiés
Mon âme s’enfuit dans un monde mort-vivant
La tienne s’éteint comme une fin de journée           

Depuis longtemps, deux étrangers
 

Mais qu’est-ce que je viens d’écrire? 

Le troisième thème m’a été difficile, et je suis dans les faits en retard d’une semaine – j’aurais dû le déclarer comme échec bien avant. Les raisons sont multiples : le travail encore, les soucis aussi (c’est joli, « les soucis aussi »), et l’inspiration. J’ai eu bien des idées, quelques ébauches – l’étranger est un thème qui m’est habituellement plus facile, qu’il soit moi, un autre, ou personne. C’est peut-être à trop forcer, justement, pour sortir de mes lieux-communs, qui me semblaient depuis deux semaines un peu clichés, que je me suis retrouvé devant une impasse. 

Hier, en mettant de la musique dans ma voiture, je me suis soudainement souvenu de I remember nothing de Joy Division. En fait, je ne me souvenais plus du titre. Et que vaguement des paroles. Mais je me souvenais de cette première phrase – we (eeeeeeeee) were strangers – et j’ai pensé que ça pourrait être une piste. De retour en soirée à la maison, je suis descendu dans mon antre, chargé Unknown Pleasures – un plaisir qui est effectivement inconnu de bien des gens, quel disque! – puis j’ai trouvé les paroles sur le web. Évidemment, les lyrics de Ian Curtis sont un peu plus obscurs que ceux de Justin Bieber (me dit-on), mais j’avais là une source certaine pour une version qui pouvait devenir intéressante. Je m’y suis mis hier soir, un peu ce midi, puis ce soir.

Alors, je le répète, qu’est-ce que je viens d’écrire? 

Sincèrement, je ne sais pas trop, et je n’ai pas vraiment envie d’en faire l’exégèse. Je suis loin d’une traduction du texte de Curtis, mais je crois avoir respecté sensiblement l’ambiance de l’original, et même son thème, même si celui-ci est sujet à de multiples interprétations. Tout Unknown Pleasures est un ouvrage d’ambiance, et I remember nothing l'est encore davantage. 

Je ne peux toutefois dire que je suis pleinement satisfait du résultat. Je trouve cette pièce décevante. J’y ai planché pas mal, redressant des vers qui ne me plaisaient pas, parfois juste pour un mot que je n’aimais pas, parfois pour la mesure – ce que j’avais laissé de côté dans mes derniers textes. Dans ce cas-ci, je trouve que le rythme a bénéficié beaucoup d’avoir une certaine régularité dans la longueur des vers. Mais bon, peut-être à cause de l’obscurité du tout, j’ai un peu de misère à l’apprécier. J’aime les choses qui veulent dire quelque chose, habituellement. Le sens, caché, se révélera peut-être pour celui qui le lira.

mardi 5 mars 2013

Troisième image: Mains

DELPHINE

Ta petite main
A tenu une dernière fois son doigt
Alors qu’elle glissait
            Doucement
Juste un peu plus loin.

Sa main toute douce
Ne caressera plus
            Ta joue
Quand elle sera humide,
Mais tu ne le sais pas.
            Pas encore.

Mais sa main, invisible
Sur ton épaule
            Quand tu lèveras la tienne,
            Quand tu donneras la tienne,
            Quand la tienne sera tenue
                        Par de petits doigts;

Sa main, toujours,
Restera sur ton épaule,
            Invisible.

Je n’ai pas l’habitude de publier à partir de mon bureau trifluvien, mais si j’attends d’être de retour à la maison les soirs où je décide de rester plus longtemps, ça fait que je me couche trop tard. Alors je fais exception et je publie ceci d’un bureau qui ne m’est pas aussi confortable que mon antre habituel. J’attends que mon café coule avant de retourner travailler, et je serai donc moins volubile. Une bonne chose, diront certains.

Une bonne chose, car ce texte ne devrait pas être trop expliqué, explicité, comme je le fais souvent. Simple mise en contexte qui s’impose : une petite cousine est décédée récemment du cancer, à 32 ans – et deux petites filles ont perdu leur mère, dont la plus jeune, Delphine, âgée de 19 mois à peine. C’est à elle, et à toute la famille, que j’ai pensé.

Et c’est tout. C’est la première fois que ce que j’écris pour J’Inexiste me donne le moton. Ça n’a sans doute rien à voir avec le texte, mais plutôt avec ce à quoi ça me fait penser.

mardi 26 février 2013

Deuxième image: Mots


LE SILENCE EST D’OR 

Il y a des mots qui sont plus jolis s’ils ne sont pas dits
Des mots comme des soupirs ponctués de silences
Des mots comme des regards les yeux fermés
            Qui sont entendus dans le noir
            Quand il n’y a plus rien à dire

Il y a des mots qui sont plus cruels s’ils se taisent
Des discours qui méprisent sans faire de sons
Et des silences plus blessants que bien des insultes
            Qui sont clamés par des dos tournés
            Quand il y aurait trop à dire

Il y a des mots qui sont plus tristes quand il n’y a personne pour les dire
Des mots qui s’égarent sur le tracé d’une larme
Des mots comme des frissons de solitude
            Qui grelottent dans un lit trop grand
            Quand il faudrait parler

Les thèmes de ce défi m’inspirent plus que pour le précédent, peut-être parce qu’ils sont plus ouverts. Mais c’est peut-être temporaire. Anyway, j’avais quelques idées pour celui des Mots. J’avais d’abord pensé reprendre une de mes vieilleries anglophones, qui commence par A Word,  pour la « versionner ». Il y eut un temps où j’écrivais passablement en anglais, malgré une moins bonne connaissance de la grammaire, de la versification, du vocabulaire. Des fois, c’était pas pire, malgré ça, du moins, pour mes oreilles à moi. Et j’ai rarement fait lire à des anglophones, alors je ne sais trop. Bref, c’était une première idée, mais ça aurait été difficile : je suis sans doute trop près du texte : bien qu’écrit en 1998, c’est un des quelques textes de l’époque que je suis toujours capable de réciter – en partie. Je n’arrivais pas à me distancer pour faire plus qu’un bête mot-à-mot, et ça donnait un résultat très mauvais à cause des expressions utilisées qui n’ont souvent pas d’équivalents français.

J’avais pensé aussi faire de la prose. Je n’en ai presque pas fait depuis que j’ai repris mon crayon, et jamais sur J’inexiste, pourtant il fut un temps où c’était la principale manifestation de mon écriture automatique. Mais je ne me suis pas assis pour faire ça – ça demande un certain mindset que je n’ai pas cherché à atteindre.

Et puis il y avait cette idée d’y aller en free-style. Pas de mesure, pas de rimettes, juste… des trucs. Deux vers m’ont guidé. Le deuxième est arrivé en premier, la semaine dernière en revenant du bureau. Je disais des niaiseries, tout seul dans mon auto – je devais avoir l’air d’un méchant bizarre – pour trouver quoi écrire. À travers ces idées folles (comme celle d’écrire un sonnet composé uniquement des termes « mots » et « syllabes » — si ça paraît étrange comme idée, imaginez de quoi je devais avoir l’air, récitant ce sonnet à voix haute, avec intonations et tout, dans ma voiture), ce vers est venu. Puis, quelques jours plus tard, juste avant de me coucher, c’est le premier vers qui m’est apparu (d’où le stylo différent).

Arrivé à sept jours après la dernière publication – le délai de mon défi –, il fallait que je donne un coup pour terminer ce truc, alors je m’y suis attaqué ce soir au souper. Je ne suis pas totalement satisfait – il manque, il me semble, d’unité dans tout ça. Et il manque définitivement une strophe, une finale, quelque chose. L’idée au départ était de parler, simplement, de trois émotions qu’on manifeste souvent par des mots, et d’écrire qu’elles sont parfois plus intenses quand il n’y a pas de mot – « le silence est d’or ». Mais à la relecture, et la relecture, et la relecture, parce que je trouvais quelque chose qui clochait, je ne mettais pas le doigt sur le rythme, ça ne coulait pas… le sens m’a semblé différent : j’y ai entrevu une séquence d’émotions, la narration d’une déchirure. En ce sens, il me fait penser un peu à Au Final.

En y plaquant cette idée, et en le lisant d’une certaine façon, je me mets à l’apprécier un peu plus. Mais, d’une certaine façon, il me semble que ça signifie que c’est un peu raté : le rythme n’émane pas du texte, il est dans ma tête. Est-ce qu’il sera lisible par quelqu’un qui serait, comme ça arrive souvent, hors de ma tête?

mardi 19 février 2013

Première image: Your View Today

LA SPLENDEUR DU NÉANT

Vue d’ici
            Les nuages sont comme les soupirs du ciel
            Par une froide nuit d’hiver
            Et les étoiles ne sont qu’un triste rappel
            De nos lumineux sourires d’hier

Vue d’ici
            L’horizon s’embrume de la grisaille du matin
            Qui humecte les murs bétonnés
            Et les vagabonds qui marchent par quatre chemins
            Ne savent plus trop vers où aller

Vue d’ici
            Le bleu du ciel est vide comme mes heures
            Et triste comme tes yeux
            Le blanc des murs est mort comme mon cœur
            Et comme mes jours silencieux

Vue d’ici
Le Soleil caresse amoureusement les pierres
            J’aimerais m’envoler vers ce champ de mort
Vue d’ici j’apprécie le ciel comme l’enfer
            Je veux juste sortir de ce corps

On aura compris que le thème Your view today ne m’a servi que d’inspiration lointaine pour ce texte. J’ai rapidement pris la décision de ne pas m’asseoir devant ma fenêtre pour regarder dehors (entre autres choses parce que quand j’ai le temps de regarder par ma fenêtre, il fait souvent noir dehors, et clair en dedans, alors on ne voit pas grand-chose…), bien que j’aille cette envie d’essayer la poésie paysagère depuis longtemps (c’était d’ailleurs un des thèmes du 30 semaines que j’avais hâte d’atteindre). Ce sera pour une autre fois.

Avec Your view today, l’idée m’est rapidement venue du « vue d’ici », mais dans un sens plus abstrait. De prendre cette excuse pour raconter une histoire du point de vue de celui qui la raconte. Au départ, je cherchais plus du côté personnel ou, paradoxalement, de l’universel (c’est là mon arrogance : c’est moi ou l’Univers) – prendre un paysage ou une vision comme métaphore pour manifester une pensée, une idée, une émotion qui me touchait, ou qui pouvait toucher n’importe qui. Mais je ne dépassais pas un ou deux vers, plutôt boboches.

Ce soir, j’ai terminé mon travail un peu plus tôt, alors en fin d’après-midi j’ai regardé un des fragments que j’avais écrit quelque part cette semaine et chiffonné en poche, et je le trouvais nul à chier. Puis j’ai eu l’idée de regarder une photo que je me souvenais avoir prise sur le terrain l’année dernière, une photo toute simple, mais qui me fait un certain effet. On y voit une longue route toute neuve, rectiligne, qui sépare en deux une forêt. Je ne suis pas photographe, je n’ai pas ce talent, mais alors là pas du tout, mais pour une raison que j’ignore cette photo… me parle. Je l’ai ouverte, je l’ai regardée, et j’ai tenté d’écrire là-dessus, en prenant ce paysage comme inspiration pour la métaphore. Ça aussi, ça a crashé en deux minutes.

Je tournais le stylo entre mes doigts, les deux pieds sur le bureau, à regarder le temps s’avancer sur mon écran – j’allais devoir bientôt partir chercher les enfants à la garderie. Mais je devais écrire quelque chose aujourd’hui : ça aurait été bête, après m’avoir lancé un nouveau défi, de me planter la première semaine. Et puis, le stylo s’est mis à glisser.

Vers spontanés, oui, du moins, au début, mais qui ne se sont pas écoulés d’une traite, comme c’est souvent le cas. Ils sont venus par à coup, souvent vers par vers, mais malgré cette écriture saccadée, ponctuée de réflexions, je n’ai pas trop su où je m’en allais avant la fin. J’aime bien quand un texte se dévoile ainsi à moi.

Les deux premières strophes se sont écrites d’abord, plus rapidement, et l’on voit également que ce sont elles que j’ai le moins eues à retoucher. Puis, j’ai dû quitter après avoir entamé une première version de la troisième strophe, qui m’avait poussé dans le coin – je serais sans doute surpris si j’allais voir la phonétique de la chose, mais, comme avec le mot« même », j’ai bien de la misère à faire rimer « âme »… Peut-être à cause de notre accent québécois, peut-être à cause que je parle tout croche, mais bon, je ne trouvais pas comment poursuivre la chose avec ces finales. C’est à mon retour, quand j’ai remplacé ces vers, que j’ai réalisé ce que je racontais.

Au départ, j’y voyais un peu n’importe quoi, un spleen quelconque que je ne ressentais pas – un fake, finalement. Parce que j’étais (et je suis toujours) de bonne humeur quand j’ai écrit ça. À la fin de la deuxième strophe, j’avais quelques idées : c’est une complainte de quelqu’un d’isolé, institutionnalisé. Il aurait pu être à l’hôpital ou interné, mais à ce moment-là, j’avais plutôt l’impression qu’il était en prison, et je m’orientais plus ou moins activement vers là. Mais au redémarrage de la troisième strophe, je savais qu’il n’était pas en prison : c’est un homme malade, très malade, que la maladie isole et qui n’a plus aucun espoir que mourir.

Je le vois assis devant sa fenêtre, jour après jour, nuit après nuit, à attendre, à se souvenir. Des médecins veulent l’encourager, ils défilent devant lui avec l’espoir de l’aider, d’apaiser sa douleur, sans réaliser que son mal se trouve maintenant dans son âme. Qu’il faudrait simplement le laisser mourir. J’ai déjà écrit sur le même thème, il y a très très très longtemps, quand j’étais au secondaire, en 1994 ou 1995. Je viens tout juste de le relire, et c’est drôle, je reconnais un peu mon style, déjà. Je terminais le texte par une citation de Jorge Luis Borges : « Il chercha dans la mort la splendeur du néant ». D’où le titre, que je viens de donner à ce texte-ci. Je n’ai aucune idée d’où vient la citation – trop con pour l’écrire, en 1995…

Mais pas d’inquiétude, perso, je suis de bonne humeur. Je viens de boire un verre de lait. Sérieusement, j’ai-tu l’air de quelqu’un qui boit du lait quand ça ne va pas?

jeudi 14 février 2013

Eh ben, c'est la Saint-Valentin

Parce que je veux que tu te sentes aussi belle
     Aussi belle que je te vois
Parce que je veux que tu te trouves aussi douce
     Aussi douce que sous mes doigts
Et parce que je veux que tu te saches aimée
     Aussi aimée que la première fois

C'est la Saint-Valentin, alors valentinons. Ou valentons. Ceci devait au départ aller simplement dans une carte, avec un cadeau. Mais, tiens, pourquoi pas - je voulais ranimer ce blog endormi, alors voilà. Il manque un pied à l'avant-dernier vers, et la finale en a deux de trop, si je voulais être tétouillard, mais je ne pense pas que la destinataire s'en plaindra beaucoup. Ce n'est pas quelqu'un qui se formalise de ces questions de forme...

Et, avouez-le damoiselles, il n'y a pas de plus belles quétaineries de votre mec qu'une quétainerie publique.

[Edit] J'ai corrigé l'avant-dernier vers, plutôt simplement.

mardi 12 février 2013

Nouveau Défi


Bon, bon, bon, apparemment j’ai besoin d’un coup de pied dans le cul pour prendre un crayon et écrire des trucs, alors voilà, je me donne un coup de pied dans le cul et je me force l’orgueil pour me remettre à J’Inexiste. Bon, ce n’est pas tout à fait vrai que je n’écris plus, et comme je le disais ailleurs, c’est déjà ça, au pire, maintenant je réalise que je n’écris plus, alors quand même, c’est un pas en avant. Je pense, j’y pense, j’y réfléchis souvent, et il m’arrive de jeter sur papier des scribouillis. Souvent, c’est nul, surtout quand je me propose d’écrire quelque chose, je barbouille alors par-dessus, pousse le papier, puis le mets à la corbeille éventuellement, quand j’ai besoin de place sur le bureau pour m’étendre un peu. J’ai vraiment écrit des trucs mauvais de cette façon, c’est presque gênant. J’espère que les travailleurs au recyclage ne s’amusent pas à lire les scribouillis à recycler. Je devrais les prendre comme papier d’allumage par grands froids, ce serait plus prudent.

Parfois, c’est bien, enfin, je trouve ça bien, ce qui veut dire ce que ça veut dire. Je suis généralement assez sévère avec moi-même quand il s’agit du travail, peut-être aussi quand il s’agit du reste, mais être sévère avec soi-même, c’est tout relatif. Je veux dire, c’est clairement biaisé, parce que j’ai naturellement un certain conflit d’intérêts, alors voilà, me voilà baisé. Je suis sévère avec moi-même, c’est pourquoi je suis incapable de faire confiance à mon jugement, et qu’a posteriori je trouve poche des trucs que je trouvais bien, ou bien des trucs que je pensais nuls. Au bout du compte, anyway, pourquoi s’en faire – c’est pas comme si c’était grave. C’est là-dessus que je devrais m’accrocher. Ça n’a aucune importance si c’est nul ou non, l’idée c’est d’aligner des mots.

Non, c’est faux, ça a une importance. À quoi bon écrire si ce n’est pas pour valoir la peine d'être lu? Pourquoi est-ce que j’écris, au bout du compte? Je reviens à cette question. Parce que j’aime ça? Parce que je me prétends que ça vaut la peine? Pour me donner un style, peut-être, une identité, objectif que je cacherais sous ce titre prétentieux d’humilité, J’inexiste?

Je crois que j’écris parce que j’ai écrit. En 6e année du primaire, j’avais joint un club de poésie, animé par une enseignante de maternelle, je crois – pas certain, mais sa façon d’être allumée me fait penser à ça aujourd’hui. Une tripeuse de Félix Leclerc, que j’aimais bien, moi aussi, déjà, grâce à une cassette audio que ma mère avait achetée. Je sais que j’avais déjà fait des poèmes avant ça. Pendant mon secondaire, j’ai utilisé mon teen angst pour noircir des paquets de 200 feuilles lignées que je traînais dans leur emballage de plastique d’origine à tous mes cours (j’utilisais ces papiers pour dessiner des têtes empalées, aussi – le seul dessin que j’étais capable de faire avec un certain talent). Dans ma jeune adulterie, j’ai mélangé plus souvent qu’à mon tour crayon et alcool. J’écris, donc, parce que j’écris.

Maintenant, pourquoi est-ce que je publie tout ça ici? Sans doute pour être lu, notamment par les personnes… qui me lisent. Sans plus. Mais rien de moins. C’est quand même pas mal, savoir que des gens – pas beaucoup, mais quelques-uns, qui ne sont pas obligé d’aimer ce que je fais (parce qu’ils seraient de mes géniteurs, ou de mes épouses, par exemple – quoique je soupçonne que ma mère – ou mon épouse – n’aime pas tout ce que j’écris ici…) viennent ici à chaque fois que j’y mets quelque chose. Savoir qu’en plus de ça, de temps en temps, d’autres viennent aussi me lire, de façon irrégulière, pour le plaisir d’aimer ça, un peu – ou de détester, beaucoup, et de me trouver stupidement prétentieux d’écrire. De temps en temps, j’ai touché quelqu’un suffisamment pour qu’on écrive quelque chose, publiquement ou en privé, de gentil. Ça fait plaisir. C’est plus agréable que d’avoir des nouvelles d’un rapport technique sur des trous creusés dans le coin de Causapscal…

Je viens de relire ce que j’avais écrit au début du défi 30 semaines. Ça s’applique toujours pour ce nouveau défi. J’aurais pu terminer le 30 semaines, que j’ai échoué à la moitié, mais ça me tente d’avoir du nouveau. Je pique à une amie cette idée, originellement pour des photos en février : Le Photo A Day Challenge devient pour moi Une Image Par Semaine. Je regarde les thèmes, et je le sens bien – surtout parce que je n’y vois pas de « favorite whatever ». J’ai hâte à la vingt-septième semaine. Et c’est en même temps une façon de remercier, indirectement, cette amie qui a été de celles qui m’ont encouragé à continuer, simplement en me faisant savoir qu’elle lisait, de temps à autre, et que, parfois, elle aimait bien.
 

Et puis, je me rappelle avec force mon vœu : Toujours être meilleur que Jonathan Painchaud ou Boom Desjardins. Parce que je ne suis pas un chanteur populaire, qui aux dires de plusieurs a vraiment tout pour plaire, derrière sa façade, de stoïque bellâtre, je ne suis pas aussi solide qu’une statue de plâtre, alors fuck me si je pousse pousse pousse de la fonte, pour oublier la honte d’écrire une merde aussi désolante.

Ça va bien finir par me mordre au cul, ce genre de pensée méchante.


PS - question d'écrire quelque chose que n'apprécierait pas ma mère ou ma douce, justement, et d'éviter de faire un post sans vers, voici en grande première un Impromptu que j'avais écrit en 2003, alors que je trempais souvent ma plume dans l'alcool. Je regardais plus tôt les dates de mes documents informatisés pour y déceler le hiatus, mais ça ne marche pas, car ceci, écrit en 2003, a été informatisé en 2008... Mais ça m'a bien fait sourire...

IMPROMPTU

À trois mètres devant moi elle danse
Se meut et m'appelle d'une flamme
Et mes yeux assistent à la déhanche
De cette petite et jolie dame

Hélas le travail de cette allumeuse
N'a de finalité que l'intérêt du regard
Je sais qu'elle resterait dédaigneuse
Si au-delà je lui présentais mon dard

(excusez-là)