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mardi 21 janvier 2014

Semaine 15: Photo de famille

LES MATINS D’HIVER SE PRÉLASSER SOUS LES COUVERTURES…

Beep ! – Beep !
Snooze.

Beep ! – Beep !
– BEEEP !
Snooze.
 
Beep ! – Ah pis toi tais-toi!
 
On se lève, debout garçon
Allez petit va faire pipi
Pantalon céréales, paires de bas verre de jus
Beep ! Beep ! Fuck ! Off.
Qu’est-ce que tu veux manger
Chandail avec du creton dessus
Parle pas la bouche pleine
Maman va être en retard
Allez les dents va faire pipi
Pantalon sac d’école et les bottes boîte à lunch
Mets tes mitaines et ta collation
            Mais pas encore
            Mais rien du tout
 
Voilà l’autobus
Bonjour monsieur Denis
Allez vas-y mon grand
 

            Je t’aime papa.
 
            (beep ! beep !)
 
[Je reprends le défi 30 semaines où je l'avais laissé en 2012]
 
Les matins d’école sont les pires matins. C’était vrai quand j’étais plus jeune – à quoi bon se lever si c’est pour faire quelque chose, après tout. C’est toujours vrai quand je suis parent. Dans toute son incohérence, ce que j’ai écrit là illustre assez bien la routine chronométrée nécessaire pour pousser le plus vieux – qui ne veut pas se lever, évidemment, alors que la fin de semaine, il est dans notre chambre en chuchotant à tue-tête à 6 h 15 qu’il aimerait bien écouter la télé… — pour le pousser donc, sans aucune méchanceté, dans le bus qui l’amène se faire éduquer par des plus compétents que moi dans l’élevage de descendance. Bon, j’avoue que j’ai cacophoné la chose un peu beaucoup, mais le stress qu’il soit en retard fait qu’il y a toujours un bout du matin qui me semble aussi chaotique. Et je ne suis que matelot dans tout ça, c’est la maman qui est capitaine du navire (elle, elle s’est levée au premier coup de cadran…), alors c’est dire comment ça doit être dans sa tête!
 
Ça va toujours trop vite, on a l’impression de les attacher dans leurs vêtements, de les gaver comme des poules du Kentucky (quand ils veulent bien manger et qu’ils ne sont pas dans une passe d’anorexie préscolaire), de les empêcher de découvrir le monde et leur imagination en coupant les jeux après cinq minutes (« encore une minute! », comme si on pouvait négocier avec le temps) pour faire des choses aussi futiles et inutiles que brosser les dents ou faire pipi avant de partir (« je l’ai fait tantôt! »). Nous, on ne se parle pratiquement plus – tu fais quoi, tu es où, tu reviens quand, avec qui – oui non non oui oui non Rita – un ti bec en partant à la mauvaise haleine du quasi-retard. Au bout du compte, les matins d’école, eh bien, ils ne sont pas… satisfaisants pour personne.
 
Et puis là, tu as ton petit qui soudainement te fait un câlin avant de partir. Qui te dit « je t’aime papa! » même si tu as bien l’impression que tu ne le mé
rites pas. Qui te fait un thumbs up dans la fenêtre du bus avec un sourire fendu jusqu’aux oreilles. C’est comme si un autre cadran se mettait à sonner dans ta tête.
 
Il serait peut-être le temps de juste prendre le temps. Même les matins d’école.
 
La tite-morale-à-deux-cennes est clichée, c’est sûr. Mais demain, je veux voir mes enfants rire avant qu’ils partent à l’école et à la garderie. Ça doit être aussi important que le déjeuner, ça…

mardi 17 avril 2012

Semaine 14: Conte de fées




Et si Hansel et Gretel étaient étudiants?
Et comme sorcière, la sinistre Beauchamp?

« Penchons-nous sur ce feu de gestion corrompue
Pendant que je vide vos bourses de leurs écus »
Et, question de bien paraître, la Line s’est penchée…
Et son cul d’apparaître, et reçoit un coup de pied
Vole la ministre, direct dans le foyer

— Qui l’a poussée?
            Pas Hansel, pas Gretel,
            C’était leur petit frère… Gabriel

Le répertoire des contes de fées m’aurait sans doute offert beaucoup de matière pour mes per-vers, et c’est vers ça que je pensais aller au départ, mais ça aurait pu devenir rapidement cru – déjà, ma conjointe n’avait pas aimé mon petit fragment sur le grand méchant loup, alors… Je tente quelque chose de nouveau sur J’inexiste avec une poésie plus politisée, ici sous la forme d’une satire sur le thème des grèves étudiantes. Je m’imagine la ministre Line Beauchamp en sorcière qui tente de détourner l’attention des étudiants de façon à mieux les faire cuire. Dans mon souvenir, la sorcière demande à l’un des deux petits de nettoyer son four pour le pousser dedans. L’enfant prétend ne pas savoir comment faire, et demande qu’on lui montre, puis, évidemment, pousse la sorcière dans le four.

Même idée ici : Line Beauchamp tente une diversion en disant vouloir regarder avec les étudiants la gestion des universités, tout en continuant à leur prendre leur argent des poches. Que la hausse des frais soit justifiée ou non, c’est une bête tentative de diversion que cette supposée concession de la ministre. Au final, elle se fait pousser dans le feu elle aussi, mais par un nouvel acteur : Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la CLASSE que Beauchamp veut écarter de ses « discussions ». Pas que je l’aime particulièrement, ce jeune qui me paraît un peu prétentieux. Mais il a son rôle à jouer, et si la ministre persiste, son rôle aura été de lui faire perdre la face.

Plutôt simple comme poésie, et pas très recherchée. Je ne me suis pas attardé à compter les pieds, cherchant plutôt un rythme qui me semblait naturel pour raconter la fable, car c’était plutôt là la finalité. Il y a certaines faiblesses dans ce rythme, alors que je le relis – car je lis comme je l’entends dans ma tête, et non comme il est écrit, avec des intonations ou des débits qui ne sont pas inscrits dans les vers.

Mais bon, au moins, j’ai écrit quelque chose en lien avec le défi…

jeudi 22 mars 2012

Semaine 12: Dernière réalisation



Revoir treize caisses de clous et de tessons
À chaque sac se poser les mêmes questions
Tout ça pour connaître et comprendre une collection
            C’est de la science, dira-t-on
            Bien que ça frise l’obsession

Le thème de la semaine disait bien dernière réalisation, et non pas dernière grande réalisation (bon, d'accord, je fais une traduction tendencieuse de "accomplishment")… Je traite ici du dernier livrable que j’ai rendu en cette saison des rapports, qui faisait suite à l’évaluation et l’élagage d’une collection archéologique. Glamourous, non?! Deux volumes contenant d’une part la liste des artefacts à jour, et d’autre part la liste des artefacts manquants ou élagués - et qui ne représentent rien d'exceptionnel.

Comme n’importe quel contrat, celui-ci avait ses bouts intéressants, comme voir des beaux tessons de type qu’on ne rencontre pas souvent, et ses bouts beaucoup plus plates, comme chercher un truc supposément intéressant emballé dans un sac de 200 clous, pour voir s’il est effectivement intéressant et se rendre compte qu’il est tout corrodé… ou que ce n’était pas ça. Un contrat que j’ai bien apprécié, même si par bout, c’était ennuyant.

Le sujet a été difficile à trouver, et j’y ai réfléchi longuement, car je cherchais bien évidemment une Réalisation, avec un grand R, un Accomplissement, quoi, que j’aurais accompli récemment. Et je ne trouvais rien – rien d’assez récent, ou rien d’assez impressionnant. Puis, je me suis mis à chercher un petit accomplissement, quelque chose de simple mais de sympathique, de quotidien mais de plaisant, mais encore, rien. Sans doute influencé par le travail qui occupe ces temps-ci beaucoup, beaucoup de mon temps, tout ce à quoi je pensais avait rapport à celui-ci. Et la dernière chose que j’ai complétée était ces deux documents, ne m’en déplaise, c’était la seule chose à laquelle je pensais.

J’en tire ces cinq vers sans prétention, un peu plates, même. Ils ont été écrits à l’envers. Les deux derniers me sont venus en premier, quand je cherchais un sujet à traiter, dans une chambre d'hôtel à Gatineau, en regardant l’absence de paysage brumeux par la fenêtre qui donnait sur le stationnement. Je les ai bien aimés (les vers, pas les pas-paysages brumeux) : c’est comme un peu le soupir de quelqu’un ennuyé par la répétition de ce qu’il doit faire, et qui veut se convaincre de leur importance.

Je devais par la suite écrire le début. Je n’ai pas l’habitude d’écrire en deux temps, alors ça m’a pris quelque temps à m’y remettre, à reprendre le fil de ma réflexion. Le résultat est superficiel, un jeu de rimettes de rien du tout, sans grande envergure.

Ceci est par ailleurs le premier commentaire que j’écris alors que je ne suis pas chez moi, dans mon antre obscur et humide – ce qui doit influer aussi sur ma réflexion. Mon bureau au Collège n’est pas un cadre très propice à l’autoréflexion et l’introspection, ce n'est pas Mon MS Word, Antidote n'est pas configuré sur mon français (et fonctionne à moitié anyway), la qualité du scanner laisse à désirer, …

C'est pas une grande semaine pour ce blog...

mardi 13 mars 2012

Semaine 11: Point tournant dans ma vie


Car mes nuits avant toi étaient toujours les miennes
            Et elles étaient toujours les mêmes
Mais minuit depuis toi et ta main dans la mienne
Un baiser sur ton front te dire que je t’aime
Replacer tes draps te sourire dans le noir
Oui mes nuits depuis toi sont toutes des trésors 

Il faut l’avoir vécu pour comprendre que rien ne peut être plus un point tournant – et culminant – dans une vie que la naissance d’un enfant. Et comme j’ai cette idée qui trotte dans ma tête pour une possible participation au concours de poésie de Radio-Canada, que certains esprits pas biaisés du tout m’encouragent à tenter, ma réponse au thème de cette semaine a été plutôt facile à trouver. L’idée m’est venue un samedi il y a deux ou trois semaines, quand je me levais (encore!) pour aller voir mon plus jeune garçon, 18 mois, qui s’était (encore!) mis à pleurer soudainement à 3 h du matin. Puis, avant même de retrouver la chaleur de mes draps, mon plus vieux, trois-ans-et-demi-chevalier-pirate, debout (encore!) dans la cuisine, me demande (encore!) si c’est l’heure de se lever… Quand éventuellement j’ai posé la tête sur l’oreiller, endormi, épuisé, je me suis souvenu qu’il n’y a pas si longtemps, je me couchais à 3 h du matin pratiquement toutes les fins de semaine. Et en forme. Que je pouvais jaser avec des amis ou des inconnus jusqu’à l’aube, et recommencer le lendemain. Ah, vieillesse! Tu me rends nostalgique.  

Mais le constat le plus frappant est arrivé le lendemain, alors que le plus jeune s’était (encore!) réveillé au moment où je me couchais et que je suis (encore!) allé le voir, lui caresser (encore!) la tête en lui soufflant doucement de dormir… et qu’il a souri. Oui, il arrive que je m’ennuie de mes nuits d’avant, mais mes nuits de maintenant sont beaucoup mieux, car elles me font sourire véritablement. (Bon, pas tout le temps, mais on comprend l’idée). 

J’ai écrit très rapidement le premier jet de ces vers en une dizaine de minutes ce midi, juste avant d’aller dîner, mais ils m’agacaient depuis. Il y a là quelque chose qui cloche, en fait, quelques choses qui clochent. D’abord, dans mon premier jet, plusieurs vers arrivaient à un pied short de l’alexandrin, et ça, c’est choquant. L’habitude du douze-pieds fait en sorte que mes vers sortent souvent naturellement à presque douze pieds – et c’est ce presque qui est frustrant : c’est difficile de trouver un pied qui fitte dans un vers que je trouve déjà beau. Je pourrais, et devrais peut-être, m’émanciper de cette forme que je m’impose (sans en connaître toutes les subtilités – je suis archéologue, pas analyste littéraire, je l’ai déjà dit), mais peut-être tout simplement à cause de l’habitude, j’aime l’alexandrin, je trouve qu’il sonne bien dans ma tête. Mais ça fait qu’il faut que je trouve des pieds, ce qui demande parfois de scraper mes beaux vers.  

Deux particules frisent ce que je décriais la semaine dernière : le Car du premier vers, et le Oui du dernier. Le premier se justifie par la nature fragmentaire de cette strophe : il s’agit d’un fragment préliminaire d’un poème plus long que je pense écrire pour le concours, et elle le conclurait, ou du moins ferait partie de la fin. Le oui pourrait aussi se justifier par ce qui n’a pas encore été écrit, comme un constat que j’affirme. Mais il reste superflu.  

Ce n’est pas tout à fait grave, car ce vers devra être retravaillé. La rime noir/trésor m’apparaît faible, et de toute façon le vers ne sonne pas comme une finale. Il y manque une « fatalité », ce qui n’est pas catastrophique dans un fragment comme présenté ici, mais me semblerait queue-de-poissonner un poème plus long. Queue-de-poissonner. J’aime ce nouveau verbe, il faudra que je l’utilise dans la vie de tous les jours. 

L’autre truc qui m’agace est le maudit mot « même », que j’ai fait rimer avec je t’aime. J’ai gossé sur le son de « même » pendant une demie-heure, après le souper, fouillant dictionnaire, papiers et électroniques, pour tenter de comprendre ce que je ne comprends manifestement pas dans la phonétique. Si je n’ai jamais prononcé « même » de la même façon que je prononce « j’aime », ou « crème » ou « bohême », selon toutes mes sources ça devrait sonner pareil : -ɛm. Ce qui explique peut-être pourquoi je n’arrivais pas à trouver un mot qui rimait avec la façon que je prononce « même » - apparemment, ce son n’existe pas! Un problème de la langue française telle que pratiquée au Québec? Pourtant, si je me fis à Renaud :

Germaine! Germaine! Une java ou un tango
C’est du pareil au mêêêême, pour te dire que je t’aaaiiiime

(bon, ça parait pas, mais le t’aaaiiiime est assez massacré par Renaud [écouter autour de 30 sec]) 

Je l’ai finalement gardé, me disant que trois dictionnaires et des banques sur Internet (dont le fameux et redoutable Wikitionnaire de Wikipedia) ne peuvent pas être tous dans l’erreur, et que je dois avoir un accent bizarre. Quand je le relis, je ne vois pas toujours le problème de la rime avec même, mais c’est peut-être parce que la rime alterne en –ienne ressemble au  t’aime placé juste après, et que le vers avec même ne fait que huit pieds et est un peu placé à part, ce qui semble l’exclure de la rime. 

Un aspect que j’aime bien de ce fragment est que pour l’instant, même si je l’ai écrit en ayant en tête une pièce sur mes enfants et leur impact sur ma vie, on pourrait tout aussi bien l’utiliser dans un poème amoureux. Suffirait de changer l’avant-dernier vers pour quelque chose de quasiment identique, comme 

Te serrer dans mes bras, me lover sur ton corps 

Damn. C’est peut-être même meilleur.

vendredi 9 mars 2012

Semaine 10 bis: Friandise préférée


Je resterai, promis, si tu dis gente dame
Que si je reste ici, tu m’offres mon nanane.
Bon, elle était facile, et pour que ça finisse
Encore plus puérile…
                                   Accepte ma réglisse. 

Voilà ce premier texte que j’avais composé avec le thème de la semaine, sur les friandises (le deuxième a été publié hier). En me rendant au travail mercredi matin, je jouais en esprit avec le nanane comme friandise, de ce nanane dont parle Homer Simpson quand il se plaignait de ne pas l’avoir à la Saint-Valentin. Je commençais comme si je parlais à quelqu’un(e) et lui disais que je devais partir pour écrire sur une friandise. J’écrivais, donc, ce que j’allais écrire, tout en écrivant ce que j’allais écrire. Vous me suivez?

J’ai supprimé cette entrée en matière, pensant la remplacer par autre chose, par une autre raison qui aurait fait que je serais parti, mais que j’aurais pu décider de rester si.... Finalement, je l’ai laissé tombé complètement. Le résultat a plutôt l’allure d’un fragment qui terminerait un plus long poème. Un quatrain, plutôt que le « sextain » dont je parlais hier, que je pourrais sans doute mettre en lien avec cette bonne bouffe 

C’est écrit en alexandrins tout classiques, avec la césure juste à la bonne place (mais je me souviens jamais de la règle du e muet dans la césure – tant pis). Je me suis également efforcé de garder la rime à l’intérieur. Je reconnais que la métaphore de la réglisse, bien que l’on peut la comprendre, est un peu boîteuse – elle n’est bonne que dans le contexte de la friandise, et uniquement parce qu’elle plaît à la rime… 

Oh, et en passant: je sais que c'est un peu beaucoup colon.

jeudi 8 mars 2012

Semaine 10: bonbon préféré


Parmi tous les plaisirs de mon palais
            Deux me sont essentiels
Deux dames dont jamais j’me passerais
            Plus douces que le miel
La première est blonde comme le blé
            L’autre brune foncée
J’embrasse celle-là le soir venu
            L’autre à l’aube torse nu 

On aura reconnu ma tasse de café
Et la bière que je bois avant le coucher 

J’en ai assez de ces thèmes de préférence! Mais étonnamment, j’ai réussi à écrire non pas un truc, mais deux ! sur celui de cette semaine. Le premier ici haut est en fait le second que j’ai écrit, inspiré hier soir par la machine à café qui me donnait mon jus après une longue attente (la salle était fermée, et le gardien était nulle part…). L’odeur du café semblait m’enrober, tellement je l’avais attendu. Et on ne parle pas ici d’un petit café gourmet, non, on parle d’un bon café filtre de machine, variété : « Corsé », degré : « Fort ». Bip, bip, grondement, silence… et cette mélodie liquide du nectar qui s’écoule. Je crois que j’avais besoin de café. Et je savais que je voudrais plus tard une bière. D’où ces deux maîtresses qui ponctuent ma vie – café le matin, bière le soir (pas tous les soirs, bien sûr, j’ai une bedaine à perdre, mais quand même…) 

L’idée était de parler de ces deux breuvages communs, mais sans le dire avant la toute fin. Les personnifier, sous les traits de demoiselles. Le premier vers laisse entendre que c’est une métaphore, mais c’est tout, jusqu’à la chute. Celle-ci est un peu plate, et pourrait être élaborée davantage. 

La métrique est schmou. Le troisième vers fait 10 pieds, mais en trichant. Je n’aime pas ces contractions orales dans l’écrit, l’équivalent négatif, pour moi, que d’ajouter des Oh! et des Ah! quand on veut augmenter le nombre de pieds. Ça peut parfois être justifié, parfois même nécessaire dans certains contextes. Voir cette première strophe extraordinaire de la Translation of a Romaic Love Song de Lord Byron, l’un de mes poèmes préférés : 

Ah! Love was never yet without
The pang, the agony, the doubt
Which rends my heart with ceaseless sigh,
While day and night roll darkling by. 

Non, l’interjection n’est pas métrique là, elle est là où elle doit être, elle a un sens. Tout comme ce Oh! dans Le Lac de Lamartine : 

Oh! Temps, suspend ton vol, et vous, heures propices
            Suspendez votre cours!
Laissez-nous savourer les rapides délices
            Des plus beaux de nos jours 

J’adore Le Lac de Lamartine (mais j’ai oublié la ponctuation). Cette strophe est possiblement l’une des plus belles de la poésie française. 

Pour en revenir à ma métrique, ce j’me m’est devenu incontournable, car mon alternative était illisible : 

Deux dames dont je ne me passerais 

Le je ne me sonnait faux. L’autre problème est au dernier vers de la première strophe, qui fait sept pieds au lieu d’en faire six. Mais j’aime le son de L’autre à l’aube. À la lecture, le rythme ne me paraît pas trop brisé, mais c’est peut-être parce que j’élise le e de aube. 

Est-ce que je vais mettre en ligne le premier sizain que j’avais écrit (dont le terme sextain serait sans doute plus approprié…)? Peut-être plus tard, quand j’aurai eu le temps d’y retoucher…

samedi 3 mars 2012

Semaine 9: Série télé préférée


Eh bien, je dois m’avouer vaincu pour la première fois dans ce défi. Je n’ai pas réussi à pondre quelque chose d’intéressant, ou de lisible même, concernant ce thème depuis plus d’une semaine. 

J’aimerais pouvoir dire quelque chose comme « c’est parce que je n’écoute pas assez la télé », mais ce serait mentir de façon aussi effrontée qu’un conservateur. Je suis et j’ai suivi plusieurs séries qui auraient dû me fournir une matière première suffisante pour arriver à écrire quelque chose – damn, j’ai écrit quelque chose sur Mickey Mouse! –, mais non. Mais je pense savoir pourquoi. D’abord, je suis pas mal occupé ces temps-ci et je ne prends pas le temps de m’arrêter pour écrire. Quand je travaille au sous-sol jusqu’à 22 h ou 22 h 30, je n’ai aucune motivation par la suite à écrire quelque chose. Quand je ne travaille pas, eh bien, je profite du fait que je ne travaille pas. Une pente glissante et dangereuse : c’est pour ça que j’avais arrêté d’écrire, il y a quelque temps. Deuxième, et possiblement principale raison : je me suis peut-être trop concentré sur une idée unique, avec des restrictions particulières que je n’étais pas prêt à surmonter. 

À la fin de 2011, quand j’ai décidé de tenter ce défi, que je me suis fixé mes propres règles, j’avais survolé la liste des thèmes. Déjà, certains me faisaient grimacer, et m’ont fait hésiter à entreprendre cet exercice – est-ce que des thèmes d’un défi de dessins peuvent s’appliquer à un défi d’écriture? Parmi ceux-ci ne se trouvait pas celui de « série télé préférée ». Celui-là, je savais déjà ce que j’allais en faire. En choisissant la série The Walking Dead, je voulais écrire quelques lignes sur l’apocalypse zombie. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai consciemment écarté tous mes nombreux films de zombies lors de mon choix de la Semaine 7 – je sens que chaque film de la trilogie de Romero aurait pu m’inspirer beaucoup plus que Blade Runner ou n’importe quoi d’autre, ne serait-ce parce que je les connais sur le bout des doigts (ensanglantés) –, mais je voulais garder ce thème pour cette semaine. Et, non seulement voulais-je écrire sur The Walking Dead, je voulais en plus reprendre la forme de ces vers de Byron, qui m’ont emmené vers le reste de sa poésie : 

But first, on earth, as vampire sent
Thy corpse shall, from its tomb, be rent
Then ghastly haunt thy native place
And suck the blood of all thy race

J’ai connu ces vers plus jeune, dans un livre d’un jeu de rôle sur les vampires. On donnait comme source The Giaour, de Lord Byron. Ce fut plutôt une surprise quand j’ai découvert que ce long poème (dont le titre signifie L’Infidèle, me dit Wikipedia) raconte l’histoire supposément turque de l’amour entre une femme musulmane et un « infidèle », et le meurtre subséquent de cette femme par noyade. Immense poème narratif de quelque chose comme 1500 vers, organisés en très longues strophes, le tout en vieil anglais – je n’ai jamais été capable de garder l’intérêt assez longtemps pour me rendre au passage en question. Mais, pris hors contexte, pour quelqu’un qui tripe horreur, ces quatre vers sont extraordinaires.

J’adore leur rythme, dicté par la syntaxe : 2-2-4/3-3-2/4-4/4-4. Je trouve qu’il ajoute une autorité aux propos sentencieux qui sont rapportés. Et je voulais émuler ce rythme dans un quatrain sur The Walking Dead. Si écrire des vers de huit pieds aurait été plus simple et m’aurait sans doute permis de m’en sortir avec quelque chose de potable, l’ajout d’une contrainte à l’intérieur de chaque vers rendait la chose beaucoup plus ardue. Très difficile que de tenir un propos qui fasse un sens, sans trop user de licence poétique – je veux dire par là en faisant tout de même des vers qui sont grammaticalement corrects (pas question de lancer trois mots sans lien, ou d’omettre un verbe) – tout en se contraignant à des pauses « naturelles » après deux ou trois pieds.

J’étais tellement pris de cette idée que j’ai essayé, et essayé, et réessayé, sans succès. J’ai par la suite lancé quelque chose de plus simple, une narration en vers sans autre contrainte que la rime d’un homme confronté au choc de l’arrivée des zombies, mais je me suis rapidement fait bouffer moi-même. Je suis revenu à l’idée de départ, sans plus de succès. Et j’étais devant une page blanche dès que j’essayais quelque chose d’autre. Rien n’y faisait, et le temps est passé. 

Voici donc mon premier échec.

mercredi 22 février 2012

Semaine 8: Personnage animé préféré


Je ne crois pas que Disney ait été fasciste… 

… Mais le meilleur ami de Mickey est Dingo
En même temps que Mickey possède Pluto…
… C’est donc dire que s’il n’a pas été facho… 

... Walt Disney était sans nul doute esclavagiste 

(pour Léonard, quand il sera assez vieux) 

Ces vers sont apparus à la toute fin de la journée, entre Trois-Rivières et Québec où j’allais chercher les petits. J’ai pensé devoir déclarer forfait, cette semaine, n’arrivant pas à me fixer sur aucun personnage animé. Non pas que je n’en connais pas, ou que je n’en aime pas, mais rien n’excitait ma plume… J’aurais aimé pouvoir écrire sur Les mystérieuses cités d’or, mais étonnamment la chanson du générique n’est pas battable : 

Enfant du Soleil
Tu parcours la terre le ciel
À bord du grand condor
Tu recherches les Cités d’or 

Rien à faire, c’est trop excellent! Alors, j’ai pensé déclarer forfait. Ensuite, j’ai pensé tricher. J’ai écrit, en fin de journée, un truc un peu déprimant (ma journée n’allait pas bien, j’échappais des papiers partout, je n’avais aucune motivation) que j’ai intitulé Le Minotaure. Alors, j’ai googlé « dessin animé Minotaure », pour tomber sur une série que je me souviens avoir adorée, Ulysse 31, avec un épisode disponible en ligne intitulé… Le labyrinthe du Minotaure… J’aurais pu associer mon truc a posteriori, avoir l’air d’avoir une mémoire d’éléphant pour les dessins animés de mon enfance, et c’est toujours winner, en poésie classique, de faire des trucs mythologiques. Win-win, comme on dit, et comme nous l’a appris Cartman dans South Park, il faut savoir bien tricher si on veut arriver dans la vie… 

Dans la voiture, j’ai pensé voir ailleurs, non pas des personnages animés que j’aimais ou me souvenais de mon enfance, mais voir chez ceux que je regarde obligatoirement de par mon rôle de père… Bon, pas facile d’écrire quelque chose de sérieux sur Dora, Bugs Bunny, Toupie et Binou ou n’importe quoi… Léonard, mon plus vieux, adore les Mickey Mouse, que ce soit les vintages réédités en DVD ou la version animée par ordinateur de Disney Channel. Et, un moment donné, je me suis rendu compte d’une étrange situation dans toutes les versions de Mickey Mouse. 

Mickey, une souris, est ami avec un canard (Donald) et avec un chien (Dingo, ou Goofy). Mickey possède également un chien, Pluto. Dans le même cadre de référence, dans le même univers imaginaire, les chiens sont à la fois des personnes (Dingo) et des animaux domestiques (Pluto). Ça me rend un peu mal à l’aise, particulièrement quand on voit Mickey, Dingo et Pluto ensemble… Comment Dingo peut-il être ami avec une souris qui possède un membre de son espèce? Est-il déjà arrivé que Dingo lance un bout de bois à Pluto, et si oui, comment a-t-il pu dormir cette nuit-là? 

Mes conclusions :

1)      Mickey Mouse est une souris sudiste pour qui les chiens ne sont pas des personnes à part entière, mais se justifie en disant « je ne suis pas raciste, mon meilleur ami est un chien »;
2)      Dingo est un traître à sa race, qui laisse exploiter ses frères simplement pour profiter du confort relatif qu’a l’élite dirigeante du monde disneyen, soit les souris (car tout le monde sait que Donald est pauvre, et que Picsou est une exception). 

La rumeur selon laquelle Disney aurait été fasciste existe bel et bien – just google it for fun...

mercredi 15 février 2012

Semaine 7: Film préféré


Dans un monde d’acier électronique
            Quelqu’un fuit
Il veut vivre même s’il n’est personne
Même s’il pense, s’il sent, s’il raisonne
Qu’est-ce que la vie sinon d’exister?
Pourquoi est-il privé d’humanité?
            Parce qu’endormi
Il a rêvé de moutons électriques

Ouf. Ça n’a pas été facile cette semaine, et je crois que ça paraît dans ces vers. Pratiquement aucune inspiration, et quand ça venait ça ne faisait pas long feu, et c’était médiocre. J’ai attendu que ça vienne, mais ce soir je me suis dit que j’avais assez retardé, qu’il fallait écrire, même si je ne le sentais pas. C’est dans des moments comme ça que le défi prend tout son sens.

(Bon, je viens de recevoir de l’inspiration liquide (jeune depuis 1903!) qui m’aurait été bien utile plus tôt, sans doute…)

J’épargne cette semaine la quête du sujet, encore une histoire de « préféré »… On peut aller voir à la semaine dernière ce que je pense de la notion de « préféré ». J’ai choisi ici un chef-d'œuvre (quand même) de la science-fiction (encore) : Blade Runner de Ridley Scott (1982). Petit topo rapide s’il y a des incultes de l’autre côté de la vitre : Deckard est un Blade Runner, un agent chargé de trouver et d’éliminer les Réplicants, des androïdes pratiquement identiques à des humains, développés pour des tâches ingrates, dans des environnements hostiles. Un synopsis qui peut sembler un peu léger, mais le film le dépasse rapidement. Il s’agit d’une fable sur l’humanité, sur ce que c’est que d’être humain.

Si j’ai vu ce film pendant mon adolescence, intéressé par le monde cyberpunk qu’il dépeignait, c’est au Cégep qu’il a pris pour moi tout son sens, alors que le prof de Théorie de la connaissance (un équivalent béiste de philo, finalement) l’a projeté en classe. C’était dans le cadre de la réflexion qu’il nous faisait faire sur les concepts d’humain et de personne. J’avais bien aimé ce cours, qui m’avait permis de m’interroger, dans un travail de session, sur l’humanité du monstre de Frankenstein…

Je n’ai pas vu le film récemment. En fait, j’ai vu très peu de films, et à peu près aucun marquant, récemment, ce qui a certainement joué sur mon absence d’inspiration avec ce thème. Sans doute si je l’avais revu avant, j’aurais produit quelque chose de plus poussé, de plus proche du thème / style / questionnements du film. Comme ce passage.

Ma première approche visait à ajouter une scène à la fin du film, en prenant parti dans une question ouverte : est-ce que Deckard est un réplicant? J’allais proposer qu’il acceptait sa condition, pour l’amour de Rachael et pour choisir la vie. De ce fait, il allait devenir lui-même traqué, mais son acceptation l’aurait tout de même libéré – d’où le titre Deckard libéré. Je dois par ailleurs donner l’inspiration de ce titre à Frankenstein Unbound de Brian Aldiss, un livre moyen dont on a fait un mauvais film de SF de série B. Mais ça ne sortait pas, ou ça sortait très mal.

J’ai abandonné donc l’idée de raconter un truc précis pour plutôt effleurer le thème du film : des robots qui veulent être humains sont pourchassés. Le dernier vers « Il a rêvé de moutons électriques » est une citation quasiment directe de la nouvelle de Phillip K. Dick qui a inspiré le film, Do Android Dream of Electric Sheep? C’est sans doute ce que je préfère dans mon texte – l’absence de vocabulaire robotique, mais cette allusion dans le dernier vers qui ne laisse pas de doute (ou ne devrait pas en laisser à quelqu’un qui connaît un peu sa science-fiction).

Bah. Ça sera peut-être mieux la semaine prochaine. Avec quoi, déjà? « Fav animated char. ». Oh, damn! Commençons déjà :

Batman et Robin
Sentent la robine

Wow! Je sens que ça va être de l’art!

mardi 7 février 2012

Semaine 6: Livre préféré


L’humanité est tel’ qu’il faille un peu d’humour
Pour espérer un jour franchir l’espace-temps
Comme il est improbable qu’on le puisse un jour
On y arrivera, su’l’ pouce, assurément

Je ne pensais pas arriver si rapidement à des constats sur moi-même par ce petit jeu de vers, mais en voici un : je suis à peu près incapable de dire quel est « mon préféré », peu importe de quoi on parle. C’est comme si ça dépendait de tellement de facteurs que je ne peux arrêter mon choix. Cette semaine, par exemple, je devais choisir un livre préféré. Je me suis posté à quelques reprises devant mes bibliothèques pour me rendre compte de deux choses : mes goûts littéraires sont vraiment et étrangement variés, et je ne pouvais pas dire lequel je préférais, même par style. Peut-être est-ce parce que je n’ai pas encore été frappé par la foudre du livre, mais je crois plutôt que c’est parce que pour toutes les préférences, quand on y pense, il y a une question de contexte.

Bref, je choisis un peu ce qui m’inspire – quoique je crée aussi l’inspiration avec ces thèmes, car il est difficile d’être inspiré sur un repas ou un animal… Depuis que je réfléchis à ce que j’allais écrire, je suis passé par plusieurs idées, plusieurs livres – Byron, Beaudelaire, ou les vieux Lagarde et Michard sur la tablette en bas à gauche qui ramassent la poussière; Lovecraft, Poe, ou même Stephen King pour sa modernité et son storytelling terriblement efficace; Zola, pour ses Rougon-Macquart qui m’accompagnent sur chacun de mes terrains un peu loin, un peu long; Dune, Fondation, ou pourquoi pas la Bible, mais alors là on n’est certainement plus dans les préférés… J’avais chaque fois des vers qui prenaient un peu forme, mais jamais très clairement, et jamais satisfaisants.

Étrangement, c’est ce livre sans une once de prétention qui m’a finalement fait écrire ma première ligne ce soir – The Hitch Hiker’s Guide to the Galaxy, de Douglas Adams. Une trilogie (!) de cinq volumes (six en comptant le plus faible And Another Thing posthume). Sept cent soixante-seize pages de science-fiction humoristique très british racontant l’histoire d’un Arthur Dent en robe de chambre qui apprend que sa maison sera détruite afin de faire passer une bretelle d’autoroute… tout comme la Terre, en passant. Une saga de président à deux têtes, de dauphins, de souris, de robots dépressifs – et de serviettes – qui devrait être lu par tous les amateurs de science-fiction. À peu près aucune valeur littéraire, par contre – c’était à l’origine un roman-radio…

Je ne voulais pas réécrire un épisode du livre en vers, mais visais plutôt à parler de lui, ou parler dans son langage, de sa réalité, en vers. Il faut se rappeler que ces thèmes sortent d’un défi de dessins – c’est plus naturel de représenter un livre par une illustration que par un quatrain. Il me fallait donc choisir des images fortes du livre. Et je voulais éviter les clichés, comme le fameux 42 ou Marvin le robot, quoique ça aurait pu donner lieu à quelque chose de comique aussi.

J’ai représenté le thème de la science-fiction avec le voyage dans l’espace-temps – plus qu’un simple Space Opera, Arthur Dent se rendra au restaurant à la fin de l’Univers, et dans la préhistoire terrestre. Le clin d’œil particulier au livre est dans les deux derniers vers, et touche un de mes aspects préférés (wouhou! Je suis capable!) de toute la série : le Infinite Improbabilty Drive permettant de dépasser la vitesse de la lumière par le contrôle de l’improbabilité. Technologie complexe, qui fait en sorte que plus quelque chose est improbable, plus il y a de chances qu’elle se produise, dit grossièrement. Comme un géranium et une baleine apparaissant soudainement et simultanément dans la stratosphère. Ma chute s’explique d’elle-même (la leur, au géranium et à la baleine, Adams prend bien le temps de la décortiquer) – il est à peu près impossible que ce qui se passe dans le livre se réalise (!), alors selon sa réalité, ça se produira certainement.

J’ai triché sur la métrique, avec une élision forcée juste avant la césure du premier vers, et la transcription orale de « sur le pouce » dans le dernier vers. À ma défense, j’ai écrit ça il y a à peu près une heure, et je n’y pas mis beaucoup de temps après le premier jet parce que je l’aimais bien. Retoucher la métrique, surtout avec des mots de quatre pieds, aurait sans doute mené à une transformation dans le sens, ou alors il m’aurait fallu tout reprendre.

En passant, je fais exprès pour choisir plein de papiers laids qui traînent autour de moi. Ça met de la couleur, et de la variété.

mercredi 1 février 2012

Semaine 5: Meilleur Ami



Je me rends jusqu’au Pub
Je me sens assez sobre
Peut-être y reste-t-il de mes amis
Oui – à votre santé
Pour m’avoir pardonné
Ou peut-être pour n’avoir rien compris

Le thème imposé cette semaine me permettait d’aller dans plusieurs directions. J’ai essayé d’aller sur une route particulière, mais ça n’a pas fonctionné : quand j’ai tenté cette voie, je sentais que je restais en surface, et un tel sujet ne pouvait se contenter de vers superficiels – pour avoir une quelconque valeur, ça aurait dû être des tripes, ou rien du tout. J’ai choisi rien du tout. Ce n’est pas l’objectif du défi que d’exposer mes tripes.

Ça m’a permis de faire quelque chose que je voulais faire depuis quelque temps : de la traduction. Un original qui m’impose un propos et une forme. Je demeure ici très près de l’original – c’est ma première tentative –, mais éventuellement, à mesure que je reprendrai confiance dans ma plume, je pourrais tenter de m’en éloigner.

L’original est de Leonard Cohen – je fais cet exercice en toute humilité, et avec admiration, car rien de ce que j’écris ne peut arriver près de l’ombre de Cohen. Nombreuses sont ses pièces dans lesquelles la poésie semble pouvoir à elle seule créer pour moi une très forte réaction émotionnelle. La musique aide, bien entendu, mais ce sont les mots qui sont mis de l’avant. La pièce est The Night Comes On, c’est le dernier couplet (à 3:25 dans la version en lien):

Now the crickets are singing
The vesper bells ringing
The cat’s curled asleep in his chair
I’ll go down to Bill’s Bar
I can make it that far
And I’ll see if my friends are still there
Yes, and here’s to the few
Who forgive what you do
And the fewer who don’t even care […]


Je voulais respecter la rime et le rythme, mais je dois avouer ne rien connaître à la métrique anglophone – si on compte les pieds à la française, ou presque, on a 6/6/9 - 6/6/9 (j’ai dit presque), qui suit évidemment la rime. C’est ce que j’ai tenté de reproduire (j’ai fait 6/6/10, je sais). Heureusement, dans un tel cas, la musique aide à maintenir le rythme, alors c’est plus facile.

Je voulais aussi me coller au propos, mais je dois nécessairement faire ma propre interprétation du sens, tout en le rendant plus signifiant pour moi. Je crois que Cohen raconte l’histoire du point de vue de la fin de la vie du narrateur (les trois premiers vers que je n’ai pas traduits) – pas moi. Le toast à ceux qui pardonnent, qui s’en foutent (pour Cohen) ou qui n’ont pas saisi que je n’y étais plus (pour moi), je le vois comme un remerciement de ne pas demander pourquoi il était parti ni ce qu’il a fait, et de l’accueillir comme s’il avait toujours été là, comme s’il n’avait pas changé lui non plus. Car ce sont là les meilleurs amis, ceux qu’on n’a pas vus depuis des années, et qu’on retrouve comme si c’était hier.

« I can make it that far » m’a donné une certaine difficulté à l’interprétation (et aussi à la rime une fois que j’eus choisi le Pub comme décor…). Si, pour Cohen, il s’agissait de distance temporelle, et (surtout) émotionnelle (c’est mon interprétation que je sors de nulle part) – je peux y aller, même si c’est loin dans le temps et loin dans mon cœur – je prends plutôt la route du souvenir – je peux y aller, car je n’ai pas encore oublié, je ne suis pas encore trop saoul de quotidienneté pour oublier mon passé.

lundi 23 janvier 2012

Semaine 4: Endroit favori



Mon meilleur endroit, c’est toi

Car rien n’est plus merveilleux
Que l’étincelle dans tes yeux
Quand tu vois la première fois

            N’importe où.

Toujours dans les thèmes de favoris, encore une fois je le dévie peut-être un peu de son intention pour le traficoter. Ici, cet endroit est une émotion – je pourrais être n’importe où, du moment que je vois dans tes yeux que tu es émerveillé. D’un point de vue personnel, j’adresse ceci à mes garçons, bien sûr, mais ces lignes pourraient aussi célébrer la naïveté et la découverte.

La première version était beaucoup plus classique, deux alexandrins alternés de deux hexasyllabes, avec une rime plate à tous les six pieds :

Il n’existe de lieux qui soient plus merveilleux
            Que derrière tes yeux
Car le plus bel endroit est celui que tu vois
            Pour la première fois

C’est peut-être à cause des rimes, mais je le trouvais effectivement plate. Puéril. Facile. Ou peut-être trop naïf. C’est peut-être aussi à cause de la trop grande régularité du rythme, 6/6/6 – 6/6/6. On dirait quelque chose d’écrit dans un cours de français au secondaire…

J’aime mieux la nouvelle version, plus éclatée, d’apparence plus libre aussi, mais dans laquelle je tente d’imposer un rythme au lecteur. Les lignes blanches servent à provoquer un arrêt, pas tant pour ralentir le changement de vers que pour accélérer la lecture des trois vers centraux, presque sans pause. Puis, une nouvelle pause, plus longue, avec l’alinéa, avant d’ouvrir le lieu à partout, tout en baissant la voix, et le regard, vers ses yeux. Car c’est là le lieu où je veux être.

J’avais aussi pensé finir avec « n’importe quoi », mais j’ai eu l’impression qu’en élargissant trop le propos (n’importe quoi contenant beaucoup plus que n’importe où, car les où sont des quoi, après tout), je perdais un peu de focus dans le propos. Et la rime « fois/quoi » aurait été de trop, il me semble. La coupure dans les rimes au dernier vers a un impact sur le rythme, il me semble, et fait baisser encore plus la voix, détache la finale des autres vers. Peut-être aussi à cause du son, tout simplement, le « ou » allant en s’adoucissant, alors que le « oua » va en grandissant… Je ne sais pas, je ne suis pas analyste littéraire…

mardi 17 janvier 2012

Le défi


Je n'ai pas mis ici la liste des thèmes du défi 30 semaines, ni expliqué vraiment ce que je fais ici... Ce serait peut-être une bonne idée de me justifier, de justifier, finalement, cette inexistence.

J'ai pris en 2012 la résolution de me remettre à l'écriture de plaisir. Rien de sérieux, du moins, pas encore, mais écrire pour m'amuser. J'ai scribouillé pendant longtemps sur des papiers qui traînaient, je me suis longtemps promené avec un carnet dans les poches (maintenant à 30% illisible - maudit alcool), et je me suis souvent fait dire que j'avais un certain talent. Mais, comme on sait, un talent, c'est du travail, et, comme le disait Obi Wan Kenobi (ou l'aurait dit si c'était venu sur le sujet pendant le voyage vers Alderaan), la Force diminue si on ne l'exerce pas. La vie courante, le travail, les enfants, et la vieillesse en pantoufle devant la tévé m'ont fait négliger mon stylo, et les papiers brouillons inutilisés se sont accumulés. Je n'avais pas le temps d'écrire, mais surtout, je ne prenais pas le temps. De temps à autre, je vomissais quelques lignes ici et là, qui souvent finissaient perdues quelque part ( j'ai un vers sur la gamme de do que je trouve excellent quelque part, très beau, mais je ne sais plus où. Évidemment, si je le réécris, il ne sera plus pareil, alors, il fait partie de ces vers disparus. Je ne sais pas s'ils ont une société, eux...). Je me suis souvent dit que je devrais m'y remettre, juste comme ça, pour réaiguiser ma plume et user du papier. Anyway, que je me dis, ça ne peut pas être pire que Jonathan Painchaud ou Boom Desjardins...

Il y a un bout (entre 1954 et 2011), un ami a fait un défi de dessins sur Facebook, le Thirty Day Drawing Challenge. Chaque jour, il devait faire un dessin en se basant sur le thème suggéré. Les thèmes étaient les suivants:


Le temps est une ressource rare et non renouvelable, alors il m'est absolument impossible de même prétendre penser pouvoir écrire tous les jours. Je ferais cinq heures trente-sept minutes, pis je me crasherais dans ma résolution. J'ai donc été raisonnable: plutôt que des jours, j'en fais des semaines. Quelques vers sur un thème par semaine. Pas des poèmes, pas des textes, des extraits. Des exercices. Je vais commencer avec ça, et puis, on verra bien où ça mènera. Sans prétention.

L'objectif: toujours être meilleur que Jonathan Painchaud ou Boom Desjardins. Parce que, avec eux autres, j'ai de la misère, mon calvaire, j'ai du ressentiment dans le sang c'est comme la rage dans une cage, retiens-moi, j'me dévore le corps...

Semaine 3: Nourriture préférée...



Je pourrais être fin, te dire gentiment
Que mes meilleurs repas étaient ceux avec toi
Mais toi tu me connais, tu saurais que je mens
Que les meilleurs repas, nous les mangeons à trois...

(excusez là)

Avec un thème comme bouffe préférée après animal préféré, ce n'est pas un défi d'écriture que j'ai l'impression de faire, mais un jeu de maternelle... J'ai passé plus de temps à chercher quel était effectivement mon mets favori plutôt que de penser aux mots eux-mêmes, ce qui m'enlève un peu d'intérêt pour le jeu... Ce n'est pas une activité de croissance personnelle que je cherche, bien que l'écriture est toujours introspective, mais des exercices avec les mots, des jeux de vers.

J'ai pensé un moment donné aller vers la sentimentalité à deux sous - Aahh! manger avec toi, comme j'aime ça - mais je n'ai plus 14 ans non plus, alors non, ça n'allait pas (mais cela a tout de même mené aux deux premiers vers...). Alors j'ai cherché dans la dérision, par une chute qui se voudrait un finger au thème lui-même: ma bouffe préférée, ce n'est pas de la bouffe. On peut voir, biffée, la première idée - c'est bon si je ne fais pas la vaisselle. Égoïste, anti-romantique, quelle belle poésie! Une petite blague, à l'impromptue un peu, un quatrain pour dérider.

Puis, finalement, je me suis souvenu de ce à quoi on s'attend de moi, du moins, dans certains cercles. J'ai visé le double sens, dont le deuxième sens est bien entendu vulgairement sexuel - qu'est-ce que j'aime manger? eh bien, ma p'tite dame, je vais vous le dire, ce que j'aime manger! Dans cette optique, je pense que la chute est un peu ratée, mais j'arrivais à mon temps limite, alors tant pis.

Côté forme, je renoue plutôt facilement avec l'alexandrin, qui me revient encore souvent naturellement, ou presque. Mais dans ce cas-ci, malgré qu'ils soient symétriques, je trouve qu'ils manquent de rythme. Je pense que le rythme doit émaner du vers, que le lecteur le (re)découvre lui-même comme il a été écrit. Ce n'est pas le cas ici.

Finalement, je découvre une toute nouvelle utilité à mes longues minutes de transport. Ça fait quelques fois que les vers me viennent derrière le volant, et que je les laisse murir sur la route. Les deux premiers vers ici ont été pensés hier soir, Cap-Santé - Limoilou. Le troisième est né ce matin, Cap-Santé -Trois-Rivières, mais il a tout de même nécessité une chirurgie ce midi au dîner. Le dernier vers - la chute - a été plutôt difficile. C'est évident, bien sûr - c'est dans les derniers six pieds que tout doit tomber en place, c'est court pour déconstruire 42 pieds...

Oh, et dois-je spécifier que dans ce cas-ci, il n'y a rien d'autobiographique? (ajouterais-je, yet...?)

lundi 9 janvier 2012

Semaine 2: Animal favori


Hé, Sam, viens mon chien! Hé, viens ici!
            Viens avec moi marcher dans la nuit
            Lentement errer dans la forêt noire
            Doucement flotter sur le lac miroir
Compagnon de boisson, compagnon d’infortune
            Viens avec moi naviguer vers la Lune
Allez!  Je te gratterai derrière l’oreille
            Que tu m’écoutes à défaut d’être de conseil
Allez mon chien, allez, au pied
Allez vieux frère, viens te promener

Avec les sujets que m'impose le défi 30 semaines, je me disais au début que ça serait difficile pour mon écriture habituellement plus intuitive que technique. Je me disais justement que j'allais en profiter pour m'exercer à formaliser un peu plus mes vers, m'amuser à des jeux de rythme ou de sons. Pourtant... avec un thème imposé de "fav. animal", qui me laissait froid depuis mardi dernier, avec aucune idée de comment l'aborder - en fait, aborder quoi? - je ne pensais pas pouvoir produire quelque chose de senti plutôt que de construit.

Ceux qui me connaissent un peu plus auraient pu me penser plus prévisible et aller vers mon animal emblématique habituel, mais l'oiseau noir aurait été sans doute été la cause d'une versotte (wouhou, j'invente des mots!) d'allure puérile gothisante (...). Comme je ne suis pas emo, je voulais quelque chose de plus ludique. Enter Samuel, le chien de mon père, maintenant au paradis des chiens depuis quelques années déjà. C'est sans doute l'animal-individu avec lequel j'ai eu la plus longue relation. Ce qui m'a mené à ces vers autobiographiques, si l'on veut. Pas de calcul ici, c'est jeté sur le papier comme c'est venu dans ma tête, ou à peu près. Ce qui est de circonstance, étant donné que je parle ici de soirées de boisson, alors que mon écriture était toujours spontanée, pour ne pas dire automatique.

Et, pour l'histoire, c'est presque tout vrai - les nuits où j'arrivais à 3 h du matin chez mon père, que je faisais sortir le chien pour aller marcher dans la forêt ou sur le bord du lac. Quand le canot était déjà à l'eau, il m'est arrivé d'aller au milieu du lac regarder les étoiles et la Voie lactée. Le reflet de la lune faisait comme un chemin, qui donnait l'impression de monter au ciel. Je ne crois pas, toutefois, que j'ai déjà été assez con pour faire embarquer Sam dans le canot, la nuit, quand j'étais pompette. J'ai quand même un minimum de bon sens. À moins que je ne m'en souvienne pas.

lundi 2 janvier 2012

Semaine 1: Sur moi


Pourrais-je s’il-vous-plaît ne pas me présenter
Que doucement s’éveille ma plume endormie
Il me faut prendre le temps de me dérouiller
Avant de prétendre vous raconter ma vie.

Et c'est parti, avec quelque chose que je n'aime pas faire publiquement, parler de moi. Alors, je fais ceci: parler de moi qui n'aime pas parler de moi. Quatre vers tout simples, pas trop réfléchis, et de peu de rythme. J'ai triché un peu ici et là sur mon sens premier, et je n'aime pas le mot "dérouiller". Il sonne mal, je trouve. Mais bon, on commence, alors... on saura m'être indulgent. Je ne suis pas tout à fait content de la deuxième moitié du quatrain.