Puis tu me dégringoles
Tu fais la chaude
Et je fais le mongol
Tu me fais marcher
À la poursuite d’une ombre
Tu donnes espoir,
Puis me donnes perdant
Me fais croire
Que je rêve tout le temps
Tu as condamné
Mon cœur au creux d’une tombe
Si tu oses prétendre
Que je n’y étais pas
Quand j’étais à
t’attendre
Juste à côté de toi
Si tu oses prétendre
Que je n’y étais pas…
Je n’arrive plus à te
croire
Les derniers mois ont été silencieux de ma part, une paresse
littéraire semble s’être emparé de moi et je pourrais tenter de la justifier de
mille et une façons, juste pour me la rendre acceptable à moi-même car ça ne
concerne personne d’autre, mais il faut simplement se rendre à l’évidence :
arrive un temps, dans la trentainte-avec-des-enfants-pis-une-job, où le temps,
eh bien, il n’arrive pas. J’en ai eu deux confirmations au hasard de la semaine
dernière.
La première, dans un dédale de cliques et recliques sur la
grande Toile inutile, où je suis arrivé sur le côté anglo du blog d’une
écrivaine ontarienne bilingue – toujours comique de lire les autobiographies
d’auteurs semi-professionnels sur leur blogue, dans lesquelles chaque petit événement
de la lointaine enfance a un impact fondamental sur leur personnalité
littéraire actuelle : « quand j’étais garçon, je pêchais des têtards
dans le fossé de la 8e avenue, et depuis, je n’ai arrêté de vouloir
franchir l’onde pour aller fouiller la vase dans le fond de l’habitat des
têtards qui m’entourent », tiens, je viens de commencer mon
auto-biographie. Outre ses souvenirs intra-utérins (je caricature), il y avait
un commentaire qui s’adressait on aurait dit à moi, où elle
écrivait « Louis, le plus dur quand on écrit, eh bien c’est de
écrire », et où elle se plaignait qu’il fallait qu’elle élève ses enfants,
qu’elle aime son chum, et puis qu’elle travaille (au gouvernement – au moins,
elle, elle aura une pension, la fonctionnaire!). C’était joliment dit, et
combien vrai : quand on veut écrire, il faut simplement écrire, mais pour
ça, il faut écrire. Au moins, je continue d’y penser, ce que je ne faisais plus
depuis belle lurette avant janvier dernier – l’année aura au moins servi à ça.
L’autre confirmation, c’était en espionnant des
conversations pas rapports de copains facebookiens. Quelqu’un que je connais
disait qu’elle n’avait plus temps de faire de la photo et qu’elle s’en ennuie,
et puis un autre quelqu’un que je ne connais pas qui répondait il faut prendre
le temps de prendre le temps, wow merci, et puis un autre inconnu qui
rerépondait à l’autre inconnu haha le temps les enfants les parents la job la
vie dans la même phrase haha ben oui. Comme quoi, juste cette semaine, on a
l’air d’être une couple de personnes qui prennent le temps de penser au temps. C’est
déjà ça.
Mais j’en ai du temps, avec la route pour me rendre
n’importe où, mais ce n’est pas facile d’écrire en conduisant – et la télé me
dit que c’est pas une bonne idée non plus. Je pense à des trucs, parfois, et il
m’est même déjà arrivé de me ranger pour l’écrire, mais pas souvent parce que,
quand je suis sur la route, j’ai souvent faim ou je suis endormi. Alors, je
veux me rendre n’importe où. Et puis, depuis que je suis équipé d’un téléphone
semi-intelligent, dixit le vendeur de Vidéotron (je n’aime pas les machines
plus intelligentes que moi), j’ai une joyeuse fonction qui s’appelle
« enregistrer des mots en rentrant dans le cul du 10 roues qui me
précède ». Et c’est par cette fonction, en revenant de Trifluvie jeudi
dernier, que j’ai mémorisé les quatre premiers vers de cette version de The Ubiquitous Mr Lovegrove de Dead Can Dance. J’ai poursuivi l’écriture sur la
table de la cuisine avant d’aller me coucher, puis un peu le vendredi, ce
week-end, hier…
C’est en écoutant la pièce, fort jolie et beaucoup plus
poétique que ma vulgarisation, ou québéquisation, que j’ai pensé aux premiers
vers que j’ai trouvé bien comiques. J’ai voulu poursuivre avec ce même ton un
peu casual, mais mes vieilles
habitudes sont revenues. Le rythme s’est installé et je l’ai peaufiné un peu –
il rappelle un peu celui de la pièce musicale, mais avec la rigidité de la
métrique écrite. Rigidité, ici, qui m’agace : je lis « Moi j’fais
l’mongol » plutôt que « Moi je fais le mongol », et c’est comme
ça partout. Mais j’ai déjà dit que je n’aimais pas les raccourcis de métrique
comme les interjections ou les élisions à l’écrit.
Je suis déçu d’avoir perdu un vers. À l’origine, la fin de
la première strophe se lisait ainsi :
Tu me fais danser
Au rythme de ta déhanche
J’aimais bien cette idée d’être esclave – concept
directement repris du vers original – d’un coup de hanche volontairement jeté
dans sa direction avec une négligence étudiée. Ça allait bien avec l’esprit de la pièce. Mais je
n’arrivais pas à le faire suivre, à la fin de la deuxième strophe. J’aurais pu
sacrifier la rime, mais une rime sacrifiée dans un ensemble rimé, ça fait
cheap. Ça m’a toutefois permis d’emprunter l’image de la tombe, elle aussi
liftée du vers original qui a toutefois beaucoup plus de mérite :
Now I’m serving time in a domestic graveyard
La dernière strophe est arrivée comme un a posteriori, comme dans la chanson
aussi, où ce propos est aussi mis à l’écart de la mélodie principale, comme
épilogue à la pièce. J ’aime
l’effet que ce changement de rythme apporte à la finale.
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