mardi 19 mars 2013

Quatrième image: un étranger


VERSION DE I REMEMBER NOTHING

Nous étions étrangers
Étrangers depuis si longtemps

Ensemble nous ne faisions que passer le temps
Nos corps immobiles assis côte à côte
Nos têtes collées mais nos esprits divergents
Ignorant tout de la vie l’un de l’autre
                        Ça faisait si longtemps
                        Nous étions quelqu’un d’autre 

Soudain mon corps tressaute violemment
Le tien réagit puis retombe sans bouger
Nos corps s’affaissent désespérément
S’abandonnent au vide comme deux crucifiés
Mon âme s’enfuit dans un monde mort-vivant
La tienne s’éteint comme une fin de journée           

Depuis longtemps, deux étrangers
 

Mais qu’est-ce que je viens d’écrire? 

Le troisième thème m’a été difficile, et je suis dans les faits en retard d’une semaine – j’aurais dû le déclarer comme échec bien avant. Les raisons sont multiples : le travail encore, les soucis aussi (c’est joli, « les soucis aussi »), et l’inspiration. J’ai eu bien des idées, quelques ébauches – l’étranger est un thème qui m’est habituellement plus facile, qu’il soit moi, un autre, ou personne. C’est peut-être à trop forcer, justement, pour sortir de mes lieux-communs, qui me semblaient depuis deux semaines un peu clichés, que je me suis retrouvé devant une impasse. 

Hier, en mettant de la musique dans ma voiture, je me suis soudainement souvenu de I remember nothing de Joy Division. En fait, je ne me souvenais plus du titre. Et que vaguement des paroles. Mais je me souvenais de cette première phrase – we (eeeeeeeee) were strangers – et j’ai pensé que ça pourrait être une piste. De retour en soirée à la maison, je suis descendu dans mon antre, chargé Unknown Pleasures – un plaisir qui est effectivement inconnu de bien des gens, quel disque! – puis j’ai trouvé les paroles sur le web. Évidemment, les lyrics de Ian Curtis sont un peu plus obscurs que ceux de Justin Bieber (me dit-on), mais j’avais là une source certaine pour une version qui pouvait devenir intéressante. Je m’y suis mis hier soir, un peu ce midi, puis ce soir.

Alors, je le répète, qu’est-ce que je viens d’écrire? 

Sincèrement, je ne sais pas trop, et je n’ai pas vraiment envie d’en faire l’exégèse. Je suis loin d’une traduction du texte de Curtis, mais je crois avoir respecté sensiblement l’ambiance de l’original, et même son thème, même si celui-ci est sujet à de multiples interprétations. Tout Unknown Pleasures est un ouvrage d’ambiance, et I remember nothing l'est encore davantage. 

Je ne peux toutefois dire que je suis pleinement satisfait du résultat. Je trouve cette pièce décevante. J’y ai planché pas mal, redressant des vers qui ne me plaisaient pas, parfois juste pour un mot que je n’aimais pas, parfois pour la mesure – ce que j’avais laissé de côté dans mes derniers textes. Dans ce cas-ci, je trouve que le rythme a bénéficié beaucoup d’avoir une certaine régularité dans la longueur des vers. Mais bon, peut-être à cause de l’obscurité du tout, j’ai un peu de misère à l’apprécier. J’aime les choses qui veulent dire quelque chose, habituellement. Le sens, caché, se révélera peut-être pour celui qui le lira.

mardi 5 mars 2013

Troisième image: Mains

DELPHINE

Ta petite main
A tenu une dernière fois son doigt
Alors qu’elle glissait
            Doucement
Juste un peu plus loin.

Sa main toute douce
Ne caressera plus
            Ta joue
Quand elle sera humide,
Mais tu ne le sais pas.
            Pas encore.

Mais sa main, invisible
Sur ton épaule
            Quand tu lèveras la tienne,
            Quand tu donneras la tienne,
            Quand la tienne sera tenue
                        Par de petits doigts;

Sa main, toujours,
Restera sur ton épaule,
            Invisible.

Je n’ai pas l’habitude de publier à partir de mon bureau trifluvien, mais si j’attends d’être de retour à la maison les soirs où je décide de rester plus longtemps, ça fait que je me couche trop tard. Alors je fais exception et je publie ceci d’un bureau qui ne m’est pas aussi confortable que mon antre habituel. J’attends que mon café coule avant de retourner travailler, et je serai donc moins volubile. Une bonne chose, diront certains.

Une bonne chose, car ce texte ne devrait pas être trop expliqué, explicité, comme je le fais souvent. Simple mise en contexte qui s’impose : une petite cousine est décédée récemment du cancer, à 32 ans – et deux petites filles ont perdu leur mère, dont la plus jeune, Delphine, âgée de 19 mois à peine. C’est à elle, et à toute la famille, que j’ai pensé.

Et c’est tout. C’est la première fois que ce que j’écris pour J’Inexiste me donne le moton. Ça n’a sans doute rien à voir avec le texte, mais plutôt avec ce à quoi ça me fait penser.