dimanche 25 mars 2012

Vénusse



VÉNUSSE 

Légèrement vêtue comme une brune Vénus
Servant son nectar aux barbares rassemblés
Exposant aux regards son magnifique buste
La courbe magique de son muscle fessier
Elle pourrait causer des guerres
            Sur la Terre entière
Et n’aurait qu’à se pencher
            Pour les arrêter 

L’autre soir, je me suis arrêté pour boire une grosse bière au Pub O’Totem de Donnacona, en revenant du travail. Étonnamment, c’est plein le jeudi soir – je ne pensais pas qu’il y avait un night life à Donnacona, me voilà renseigné. Sans doute que le karaoké aide à attirer des clients (et non, je n’ai pas chanté, j’ai déjà eu ma leçon), mais ce sont sans doute les barmaids qui sont la cause principale de la grande quantité de testostérone dans le bar. Je dédie ces vers, gribouillés dans mon petit carnet de cuir qui a repris du service, à l’une d’elles. Une barmaid en plastique au corps de revue, et au sourire aussi sincère que… bon, je ne trouve pas de comparaison, je me suis perdu dans le souvenir de la contemplation de ce que peut faire la nature quand elle est un juste petit peu aidée par des vêtements trop serrés et, qui sait, d’un ou deux coups de bistouri… 

Le titre, Vénusse, réfère à la déesse romaine, bien entendu, mais telle qu’elle serait nommée par ces hommes un peu saouls qui vont commander leur Coors Light dans le décolleté de la mam’zelle (pas moi – moi, je suis Molson Ex). Tous ceux qui venaient au bar chercher leur breuvage se sentaient obligés de laisser tomber un commentaire un peu épais ou un peu grossier, avant de repartir avec leur rire un peu gras. Manque de classe, que je me disais, bien assis à ce même bar – moi, j’avais au moins la décence de garder le silence. Il ne faut pas être bavard devant une statue romaine (à laquelle on aurait réduit la taille et grossit la poitrine, bien sûr; les canons évoluent…). 

Le propos est superficiel, et traite de superficialité. Oui, je réduis cette demoiselle à son seul corps – ce n’est sans doute pas correct, mais je l’assume entièrement. Je n’ai aucune envie de jaser avec la dite dame, mais je retournerais bien lui acheter une bière… Je célèbre donc au départ son corps, ce qui est superficiel peut-être, mais tout de même gentil, je crois. Les cinq et sixième vers rappellent encore le monde mythologique gréco-romain, en insinuant que cette « Vénusse » pourrait, à l’instar d’Hélène de Troie, être la cause d’une guerre (ou d’une bagarre de bar) si elle avait le malheur de battre les cils dans une mauvaise direction. Mais c’est dans la finale que je donne une teinte particulière à la pièce, à la façon d’un impromptu un peu baveux, et un peu déplacé. Si la dame devait me lire, son sourire flatté tomberait à la fin du septième vers, et elle pourrait vouloir ponctuer le suivant d’une gifle. 

Au départ, je visais un sizain d’alexandrins. Mais je n’arrivais pas à garder le sens que je voulais, exactement, dans les deux derniers vers, en réduisant le nombre de pieds à 12. J’avais besoin des deux pieds supplémentaires afin de garder l’aspect hypothétique – elle pourrait causer des guerres, et elle pourrait les arrêter. Réduire l’avant-dernier vers, et mon sens devenait qu’elle causait les guerres, ce qui est évidemment pas le cas d’une barmaid qui travaille dans un obscur débit de boisson de banlieue éloignée.  

J’ai donc choisi de les diviser, ce qui a de toute façon un impact que j’aime dans le rythme, pour la finale. La description garde ainsi un style classique, qui sied à la comparaison que je fais avec Vénus et laisse l’impression qu’il s’agit d’une pièce romantique un peu convenue. Le rythme change pour la finale, avec un 8-5 suivi d’un 7-5. J’utilise rarement des vers impairs, je ne sais pas pourquoi, et je dois avouer que j’ai cherché à faire du 8-6 – ou du moins, à les rendre constants (8-5-8-5, ou 7-5-7-5). Mais je n’aimais pas ce que ça donnait. 

Je suis assez content du résultat. J’aime la succession des sons et le rythme interne de chaque vers. Le travail que j’ai eu à faire après la première écriture disqualifie sans doute le qualificatif d’impromptu que j’aurais aimé leur donner, et qui aurait été un clin d’œil à un autre truc que j’ai écrit il y aura dix ans très exactement demain, à ce que je viens de voir (j’ai parfois noté la date de ce que j’écrivais) – comme quoi il semble y avoir un cycle dans mes mots. Pour votre plaisir, écrit le 26 mars 2002, au Palladium, si je me souviens bien : 

IMPROMPTU – À LA BARMAID 

Damoiselle, ce seigneur semble te trouver fort belle
De la façon dont te regardent ses yeux pervers
Dis-moi, qu’en serait-il si tu n’étais pas celle
            Qui lui apporte sa bière?

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