lundi 27 février 2012

Le Minotaure


Je me perds dans ce labyrinthe aux portes closes
Traînant derrière moi un sombre nuage
Mon regard abattu sur les murs moroses
À la poursuite d’un étrange mirage

Je marche silencieux la tête basse le dos penché
            Cherche l’origine de ce son que j’entends
            La mélodie d’une cascade enchantée
            Qui n’existe que dans mon esprit dément

J’ai pénétré cet antre tout à fait consciemment
            Sachant déjà que j’y rencontrerais la mort
            Qu’il serait impossible de faire autrement
            Que d’y affronter le terrible Minotaure

J’ai hésité avant de publier ceci. En fait, je me pose la question depuis la mise en ligne de J’inexiste si je me limite aux défis, aux exercices, ou si je me permets d’en mettre plus. Il n’y a rien d’engageant, sauf la mise en évidence de lacunes dans ma plume et de prétentions dans mes commentaires, à écrire une strophe sur Mickey Mouse ou à traduire une pièce d’un chanteur anglophone. Mais d’aller vers des vers (c’est drôle quand c’est écrit, ça, « vers des vers ») qui viennent de nulle part ailleurs que moi, c’est plus… intimidant.

Alors j’ai d’abord enregistré ce texte sur mon ordi, pour aller rejoindre tous les autres qui n’en sont jamais sortis, et qui n’ont pas été lus par personne, jamais. Parmi ceux-ci, il y a des merdes incroyables (comme un poème savamment intitulé « Merde dans un bar »), mais il y a aussi des pièces plutôt charmantes (comme ce fragment que j’avais intitulé « La nouvelle iconoclastie », et que je ne vois plus comme un fragment). Par un hasard sans doute volontaire quoiqu’inconscient, j’en arrive à me questionner sur l’existence de ces nombreux textes – que sont-ils, s’ils sont là pour être perdus quand mon disque dur va se crasher? (oui, il faudrait que je me fasse des copies, parce que je n’ai plus les versions originales papier de plusieurs de ces trucs…). Ils n’auront jamais existé, ailleurs que dans ma tête. J’aurai jeté sur papier quelques pensées qui n’auront jamais été lues, vues, cette écriture aura été personnelle, égoïste, sans conséquence… comme une branlette. Dommage peut-être, peut-être pas.

Je suis ambivalent sur le rôle que joue l’écriture dans ma vie. Longtemps un besoin, c’était parti avec la routine. En revenant, elle m’a fait reprendre de vieilles habitudes – il m’arrive même d’avoir envie de fumer quand je suis penché au-dessus d’une feuille un crayon à la main. Et le spleen semble aussi plus… présent. Comme pour plusieurs, l’écriture est un exutoire – rien d’original là-dedans. Mais j’aime également me faire lire, dans certains contextes, et pas toujours. Ce qui me fait surtout hésiter, présentement, c’est la nature de la « micropublication » sur le web, par le biais d’un blogue. Ça me semble tellement plus intime, et je ressens, étrangement, une plus grande proximité potentielle avec le lecteur que je ne suis pas certain d’apprécier. Une plus grande proximité, et une plus grande gêne. Je ne saurais dire pourquoi – peut-être à cause de l’instantanéité de la chose, et de sa fatalité. Démonstration : je viens de parler de branlette dans le paragraphe précédent, ce qui pourra être lu par n’importe qui – employeurs, collègues, amis, famille… Quand je fais lire des pages imprimées, je choisis qui me lira. Et si c’était un livre publié, je ne choisirais plus, mais je serais rendu bien loin des textes. Il n’y aurait plus cette proximité.

Mais bon, tant qu’à avoir un blogue publiant ce que j’écris de temps à autre, pourquoi ne pas y publier ce que j’écris, de temps à autre…? Ces vers ont été écrits, je l’ai dit, mercredi passé. Une mauvaise journée sans raison. Je le disais plus haut, depuis que je me suis remis à l’écriture, on dirait que je deviens plus sensible au spleen. Je ne sais pas trop pourquoi, peut-être parce que je baisse ma garde lorsque je prends un crayon (ça m’arrive moins avec un clavier, comme je le fais présentement, mais mon écriture devient aussi plus cartésienne). Ce poème est un autre exemple de vers spontanés, comme j’en parlais pour mes Vers d’une nuit. Il s’écrivait ligne par ligne, vers par vers, sans que je sache vraiment ce que le prochain allait dire, et où ça allait finir. Le titre a été ajouté à la toute fin, après ma première relecture. Les modifications et réajustements après le premier jet sont minimes (et pour la plupart ont été faites sur la version numérique, d’où l’absence de ratures sur l’original). Il est difficile de commenter quelque chose d’aussi irréfléchi, de quasiment automatique. Mais j’aime bien le résultat, que je trouve très romantique, dans le sens classique du terme

mercredi 22 février 2012

Semaine 8: Personnage animé préféré


Je ne crois pas que Disney ait été fasciste… 

… Mais le meilleur ami de Mickey est Dingo
En même temps que Mickey possède Pluto…
… C’est donc dire que s’il n’a pas été facho… 

... Walt Disney était sans nul doute esclavagiste 

(pour Léonard, quand il sera assez vieux) 

Ces vers sont apparus à la toute fin de la journée, entre Trois-Rivières et Québec où j’allais chercher les petits. J’ai pensé devoir déclarer forfait, cette semaine, n’arrivant pas à me fixer sur aucun personnage animé. Non pas que je n’en connais pas, ou que je n’en aime pas, mais rien n’excitait ma plume… J’aurais aimé pouvoir écrire sur Les mystérieuses cités d’or, mais étonnamment la chanson du générique n’est pas battable : 

Enfant du Soleil
Tu parcours la terre le ciel
À bord du grand condor
Tu recherches les Cités d’or 

Rien à faire, c’est trop excellent! Alors, j’ai pensé déclarer forfait. Ensuite, j’ai pensé tricher. J’ai écrit, en fin de journée, un truc un peu déprimant (ma journée n’allait pas bien, j’échappais des papiers partout, je n’avais aucune motivation) que j’ai intitulé Le Minotaure. Alors, j’ai googlé « dessin animé Minotaure », pour tomber sur une série que je me souviens avoir adorée, Ulysse 31, avec un épisode disponible en ligne intitulé… Le labyrinthe du Minotaure… J’aurais pu associer mon truc a posteriori, avoir l’air d’avoir une mémoire d’éléphant pour les dessins animés de mon enfance, et c’est toujours winner, en poésie classique, de faire des trucs mythologiques. Win-win, comme on dit, et comme nous l’a appris Cartman dans South Park, il faut savoir bien tricher si on veut arriver dans la vie… 

Dans la voiture, j’ai pensé voir ailleurs, non pas des personnages animés que j’aimais ou me souvenais de mon enfance, mais voir chez ceux que je regarde obligatoirement de par mon rôle de père… Bon, pas facile d’écrire quelque chose de sérieux sur Dora, Bugs Bunny, Toupie et Binou ou n’importe quoi… Léonard, mon plus vieux, adore les Mickey Mouse, que ce soit les vintages réédités en DVD ou la version animée par ordinateur de Disney Channel. Et, un moment donné, je me suis rendu compte d’une étrange situation dans toutes les versions de Mickey Mouse. 

Mickey, une souris, est ami avec un canard (Donald) et avec un chien (Dingo, ou Goofy). Mickey possède également un chien, Pluto. Dans le même cadre de référence, dans le même univers imaginaire, les chiens sont à la fois des personnes (Dingo) et des animaux domestiques (Pluto). Ça me rend un peu mal à l’aise, particulièrement quand on voit Mickey, Dingo et Pluto ensemble… Comment Dingo peut-il être ami avec une souris qui possède un membre de son espèce? Est-il déjà arrivé que Dingo lance un bout de bois à Pluto, et si oui, comment a-t-il pu dormir cette nuit-là? 

Mes conclusions :

1)      Mickey Mouse est une souris sudiste pour qui les chiens ne sont pas des personnes à part entière, mais se justifie en disant « je ne suis pas raciste, mon meilleur ami est un chien »;
2)      Dingo est un traître à sa race, qui laisse exploiter ses frères simplement pour profiter du confort relatif qu’a l’élite dirigeante du monde disneyen, soit les souris (car tout le monde sait que Donald est pauvre, et que Picsou est une exception). 

La rumeur selon laquelle Disney aurait été fasciste existe bel et bien – just google it for fun...

lundi 20 février 2012

Love Letter


Je tiens une courte lettre à la main
Une demande, un plaidoyer, une prière
Le cri de mon cœur qui la réespère
Qui ne peut pas supporter que ce soit la fin

J’embrasse l’enveloppe avec espoir
Mes lèvres caressent son joli nom
Si peu de mots pour en dire si long
Alors que se gonfle dans la nuit le ciel noir

Douce missive,
Va la quérir
Douce missive,
Va le lui dire 

Soudain souffle et m’ébranle un triste vent
Qu’une poignée de mots pour tout changer
Je l’aime et pour toujours je l’aimerai
Même si le ciel m’inonde de ses tourments 

« Ce que j’ai dit je ne le pensais pas vraiment
C’est une erreur je ne le pensais pas vraiment
Je te jure je ne le pensais pas vraiment
            C’est sorti, n’importe comment »

Douce missive,
Va le lui dire
Douce missive,
Va la quérir

Que tes baisers pleuvent sur moi
Oui, qu’ils pleuvent comme un orage
Je te vois t’approcher comme un mirage
J’hallucine c’est faux ce n’est pas toi 

Où suis-je que fais-je je perds l’esprit
Debout sous cette pluie et ce tonnerre
Dans mes mains une lettre, dans mon cœur une prière
            Murmurée dans la pluie…

… Reviens.

Une nouvelle traduction, que je devrais plutôt appeler « interprétation ». Cette fois-ci, c’est à la poésie de Nick Cave que je m’attaque, avec sa pièce Love Letter. Je reprends cette fois-ci uniquement le propos, me distançant tant de la rime que du rythme de l’original. Celui-ci étant une chanson, j’en fais un poème, qui permet moins de liberté avec la métrique (car en chantant on peut toujours allonger les sons, ou les raccourcir). Et je découvre par la même occasion à quel point il est intéressant de faire cet exercice, pas uniquement comme activité d’écriture, mais aussi pour comprendre, ou s’approprier, une pièce. 

La chanson de Nick Cave semble plutôt évidente, de premier niveau : un homme a écrit une lettre à sa bien-aimée qui l’a quitté, et est sur le point d’aller la poster. Cette lettre serait l’espoir qu’elle revienne. À travers cela, on trouve quelques références au temps qu’il fait, qui s’annonce mauvais, et que j’avais toujours comprises simplement comme un décor lors de mes écoutes distraites. Et puis, à l’écriture de ma version, j’ai été confronté à ces vers de la dernière strophe (en fait, ces lignes du dernier couplet…) :  

And for all who’ll come before me
In your slowly fading forms
I’m going out of my mind
Will leave me standing in
The rain with a letter and a prayer 

J’ai soudain réalisé (peut-être à tort) que cet homme attend sous la pluie, et qu’il reste seul, que sa lettre est restée, well, lettre morte. En fait, qu’il ne l’a pas même postée. En première écriture, j’en ai sorti mes deux dernières strophes, dont la forme visait à illustrer une folie, et une panique en prenant conscience de cette folie, qui envahit le narrateur. Il voit la pluie comme la douce caresse de son amour, qu’il voit s’approcher dans la nuit, avant de prendre conscience qu’il est toujours là, toujours avec sa lettre.  

En deuxième écriture, j’ai réinterprété le sens que je donnais aux détails météorologiques. Dès le départ, l’homme sait que sa lettre sera inutile, mais il espère tout de même. Le ciel qui se gonfle, c’est le malheur qui s’annonce. Le vent qui ébranle, c’est le doute qui s’installe, mais tant pis il accepte déjà d’accepter la souffrance du refus. Puis, il se relit. Cette excuse qui se répète – il faut entendre Nick Cave répéter sa phrase Said something I did not mean to say en ne changeant que l’intonation de certains mots, comme si c’était trois arguments différents (à 2:04 dans le lien)– c’est l’excuse éternelle du regret, d’avoir fait ou dit quelque chose qu’il ne fallait pas. Le narrateur réalise que ce n’est pas suffisant, que ça ne peut plus être suffisant. Sous la pluie, il rêve que d’une façon magique tout est revenu comme avant, puis réalise qu’il est toujours là, dans la rue, sous la pluie, sans plus de raison. 

L’avant-dernier vers de la dernière strophe ne respecte plus du tout la métrique du reste du poème – le narrateur a abandonné, il n’essaie plus. Un dernier soupir, et puis il retourne chez lui, abandonnant à la tempête sa lettre.

mercredi 15 février 2012

Semaine 7: Film préféré


Dans un monde d’acier électronique
            Quelqu’un fuit
Il veut vivre même s’il n’est personne
Même s’il pense, s’il sent, s’il raisonne
Qu’est-ce que la vie sinon d’exister?
Pourquoi est-il privé d’humanité?
            Parce qu’endormi
Il a rêvé de moutons électriques

Ouf. Ça n’a pas été facile cette semaine, et je crois que ça paraît dans ces vers. Pratiquement aucune inspiration, et quand ça venait ça ne faisait pas long feu, et c’était médiocre. J’ai attendu que ça vienne, mais ce soir je me suis dit que j’avais assez retardé, qu’il fallait écrire, même si je ne le sentais pas. C’est dans des moments comme ça que le défi prend tout son sens.

(Bon, je viens de recevoir de l’inspiration liquide (jeune depuis 1903!) qui m’aurait été bien utile plus tôt, sans doute…)

J’épargne cette semaine la quête du sujet, encore une histoire de « préféré »… On peut aller voir à la semaine dernière ce que je pense de la notion de « préféré ». J’ai choisi ici un chef-d'œuvre (quand même) de la science-fiction (encore) : Blade Runner de Ridley Scott (1982). Petit topo rapide s’il y a des incultes de l’autre côté de la vitre : Deckard est un Blade Runner, un agent chargé de trouver et d’éliminer les Réplicants, des androïdes pratiquement identiques à des humains, développés pour des tâches ingrates, dans des environnements hostiles. Un synopsis qui peut sembler un peu léger, mais le film le dépasse rapidement. Il s’agit d’une fable sur l’humanité, sur ce que c’est que d’être humain.

Si j’ai vu ce film pendant mon adolescence, intéressé par le monde cyberpunk qu’il dépeignait, c’est au Cégep qu’il a pris pour moi tout son sens, alors que le prof de Théorie de la connaissance (un équivalent béiste de philo, finalement) l’a projeté en classe. C’était dans le cadre de la réflexion qu’il nous faisait faire sur les concepts d’humain et de personne. J’avais bien aimé ce cours, qui m’avait permis de m’interroger, dans un travail de session, sur l’humanité du monstre de Frankenstein…

Je n’ai pas vu le film récemment. En fait, j’ai vu très peu de films, et à peu près aucun marquant, récemment, ce qui a certainement joué sur mon absence d’inspiration avec ce thème. Sans doute si je l’avais revu avant, j’aurais produit quelque chose de plus poussé, de plus proche du thème / style / questionnements du film. Comme ce passage.

Ma première approche visait à ajouter une scène à la fin du film, en prenant parti dans une question ouverte : est-ce que Deckard est un réplicant? J’allais proposer qu’il acceptait sa condition, pour l’amour de Rachael et pour choisir la vie. De ce fait, il allait devenir lui-même traqué, mais son acceptation l’aurait tout de même libéré – d’où le titre Deckard libéré. Je dois par ailleurs donner l’inspiration de ce titre à Frankenstein Unbound de Brian Aldiss, un livre moyen dont on a fait un mauvais film de SF de série B. Mais ça ne sortait pas, ou ça sortait très mal.

J’ai abandonné donc l’idée de raconter un truc précis pour plutôt effleurer le thème du film : des robots qui veulent être humains sont pourchassés. Le dernier vers « Il a rêvé de moutons électriques » est une citation quasiment directe de la nouvelle de Phillip K. Dick qui a inspiré le film, Do Android Dream of Electric Sheep? C’est sans doute ce que je préfère dans mon texte – l’absence de vocabulaire robotique, mais cette allusion dans le dernier vers qui ne laisse pas de doute (ou ne devrait pas en laisser à quelqu’un qui connaît un peu sa science-fiction).

Bah. Ça sera peut-être mieux la semaine prochaine. Avec quoi, déjà? « Fav animated char. ». Oh, damn! Commençons déjà :

Batman et Robin
Sentent la robine

Wow! Je sens que ça va être de l’art!

samedi 11 février 2012

Vers d'une nuit


J’ai cru t’apercevoir
Dans un rêve amoureux
Ton sourire dans le noir
Une lueur dans les yeux 

Je t’ai vue t’approcher
Me prendre dans tes bras
Me sourire m’embrasser
Puis…
tu n’étais plus là

Alors voilà pourquoi j’ai décidé de faire le défi 30 semaines. Comme je le disais déjà, l’écriture est un muscle qui doit être entraîné, comme la pensée, comme la raison, et il semble bien que, comme pour le corps, l’entraînement de l’esprit puisse apporter des résultats assez rapidement. Ça fait six semaines que je me soumets à ce petit jeu, et déjà des vers me viennent spontanément en tête, déjà tout formés que je n’ose les retoucher.

Quand j’étais plus jeune – beaucoup plus jeune, au secondaire –, j’avais lu ou entendu quelque part quelqu’un qui disait qu’une fois qu’un vers avait été conçu par l’esprit, il devait disparaître. On devait cesser d’y penser afin que se poursuive sa gestation. Éventuellement, disait ce quelqu’un, le vers allait revenir, complètement formé. C’était donc enlever toute responsabilité à l’auteur, le vers existait de lui-même et on n’était qu’une interface pour lui donner vie en dehors de l’esprit. J’ai cru, un peu, à cette approche pendant un temps, pensant ici et là des vers incomplets que j’oubliais rapidement – et comme ils étaient oubliés, je ne sais pas s’ils n’ont jamais pris forme. Et puis, je n’y ai plus cru, jetant sur papier, de peur d’oublier justement, tous ces vers qui me passaient par la tête, en me disant que j’y reviendrais éventuellement. Je n’y revenais jamais.

Puis, parfois, arrivent des vers comme ceux-ci. Le premier quatrain est apparu, tout formé, vers 4 h dans la nuit de jeudi à vendredi. Je me suis réveillé, et ils étaient là, dans ma tête, sans raison. Peut-être y ai-je pensé en rêve, je l’ignore, je ne me souviens plus de mes rêves depuis longtemps (quelque chose qu’il faudrait éventuellement que je répare…). Je les ai mis sur papier le lendemain matin. Puis, dans le courant de la journée, alors que je travaillais (sur quelque chose de particulièrement plate…), la deuxième strophe est venue s’ajouter. Pour le compléter, car je trouve maintenant qu’ils forment ensemble un tout – ce n’est pas un fragment comme ce que j’écrivais principalement depuis longtemps. Alors, que je me dis, peut-être après tout que c’est vrai, cette histoire de vers qui disparaissent pour murir, et qui reviennent adultes…

J’aime le rythme de ces petits vers couplés – 6-6/7-7 6-6/6-6 – qui était là dès le premier jet, sans que j’aie besoin de retoucher la métrique. Je trouve que ça donne une teinte à l’ensemble, une odeur de naïveté un peu enfantine. Ce rythme et cette naïveté me rappellent un fragment que j’ai écrit il y a plus de 10 ans, en 2001, sur un thème semblable par ailleurs :

Dehors il vente
            Et le Soleil se couche
Mais dans la tourmente
            Ton sourire me touche 

Tes yeux charmants
            Et ta peau si douce
Un baiser d’enfant
            Au coin de la bouche…

mardi 7 février 2012

Semaine 6: Livre préféré


L’humanité est tel’ qu’il faille un peu d’humour
Pour espérer un jour franchir l’espace-temps
Comme il est improbable qu’on le puisse un jour
On y arrivera, su’l’ pouce, assurément

Je ne pensais pas arriver si rapidement à des constats sur moi-même par ce petit jeu de vers, mais en voici un : je suis à peu près incapable de dire quel est « mon préféré », peu importe de quoi on parle. C’est comme si ça dépendait de tellement de facteurs que je ne peux arrêter mon choix. Cette semaine, par exemple, je devais choisir un livre préféré. Je me suis posté à quelques reprises devant mes bibliothèques pour me rendre compte de deux choses : mes goûts littéraires sont vraiment et étrangement variés, et je ne pouvais pas dire lequel je préférais, même par style. Peut-être est-ce parce que je n’ai pas encore été frappé par la foudre du livre, mais je crois plutôt que c’est parce que pour toutes les préférences, quand on y pense, il y a une question de contexte.

Bref, je choisis un peu ce qui m’inspire – quoique je crée aussi l’inspiration avec ces thèmes, car il est difficile d’être inspiré sur un repas ou un animal… Depuis que je réfléchis à ce que j’allais écrire, je suis passé par plusieurs idées, plusieurs livres – Byron, Beaudelaire, ou les vieux Lagarde et Michard sur la tablette en bas à gauche qui ramassent la poussière; Lovecraft, Poe, ou même Stephen King pour sa modernité et son storytelling terriblement efficace; Zola, pour ses Rougon-Macquart qui m’accompagnent sur chacun de mes terrains un peu loin, un peu long; Dune, Fondation, ou pourquoi pas la Bible, mais alors là on n’est certainement plus dans les préférés… J’avais chaque fois des vers qui prenaient un peu forme, mais jamais très clairement, et jamais satisfaisants.

Étrangement, c’est ce livre sans une once de prétention qui m’a finalement fait écrire ma première ligne ce soir – The Hitch Hiker’s Guide to the Galaxy, de Douglas Adams. Une trilogie (!) de cinq volumes (six en comptant le plus faible And Another Thing posthume). Sept cent soixante-seize pages de science-fiction humoristique très british racontant l’histoire d’un Arthur Dent en robe de chambre qui apprend que sa maison sera détruite afin de faire passer une bretelle d’autoroute… tout comme la Terre, en passant. Une saga de président à deux têtes, de dauphins, de souris, de robots dépressifs – et de serviettes – qui devrait être lu par tous les amateurs de science-fiction. À peu près aucune valeur littéraire, par contre – c’était à l’origine un roman-radio…

Je ne voulais pas réécrire un épisode du livre en vers, mais visais plutôt à parler de lui, ou parler dans son langage, de sa réalité, en vers. Il faut se rappeler que ces thèmes sortent d’un défi de dessins – c’est plus naturel de représenter un livre par une illustration que par un quatrain. Il me fallait donc choisir des images fortes du livre. Et je voulais éviter les clichés, comme le fameux 42 ou Marvin le robot, quoique ça aurait pu donner lieu à quelque chose de comique aussi.

J’ai représenté le thème de la science-fiction avec le voyage dans l’espace-temps – plus qu’un simple Space Opera, Arthur Dent se rendra au restaurant à la fin de l’Univers, et dans la préhistoire terrestre. Le clin d’œil particulier au livre est dans les deux derniers vers, et touche un de mes aspects préférés (wouhou! Je suis capable!) de toute la série : le Infinite Improbabilty Drive permettant de dépasser la vitesse de la lumière par le contrôle de l’improbabilité. Technologie complexe, qui fait en sorte que plus quelque chose est improbable, plus il y a de chances qu’elle se produise, dit grossièrement. Comme un géranium et une baleine apparaissant soudainement et simultanément dans la stratosphère. Ma chute s’explique d’elle-même (la leur, au géranium et à la baleine, Adams prend bien le temps de la décortiquer) – il est à peu près impossible que ce qui se passe dans le livre se réalise (!), alors selon sa réalité, ça se produira certainement.

J’ai triché sur la métrique, avec une élision forcée juste avant la césure du premier vers, et la transcription orale de « sur le pouce » dans le dernier vers. À ma défense, j’ai écrit ça il y a à peu près une heure, et je n’y pas mis beaucoup de temps après le premier jet parce que je l’aimais bien. Retoucher la métrique, surtout avec des mots de quatre pieds, aurait sans doute mené à une transformation dans le sens, ou alors il m’aurait fallu tout reprendre.

En passant, je fais exprès pour choisir plein de papiers laids qui traînent autour de moi. Ça met de la couleur, et de la variété.

mercredi 1 février 2012

Semaine 5: Meilleur Ami



Je me rends jusqu’au Pub
Je me sens assez sobre
Peut-être y reste-t-il de mes amis
Oui – à votre santé
Pour m’avoir pardonné
Ou peut-être pour n’avoir rien compris

Le thème imposé cette semaine me permettait d’aller dans plusieurs directions. J’ai essayé d’aller sur une route particulière, mais ça n’a pas fonctionné : quand j’ai tenté cette voie, je sentais que je restais en surface, et un tel sujet ne pouvait se contenter de vers superficiels – pour avoir une quelconque valeur, ça aurait dû être des tripes, ou rien du tout. J’ai choisi rien du tout. Ce n’est pas l’objectif du défi que d’exposer mes tripes.

Ça m’a permis de faire quelque chose que je voulais faire depuis quelque temps : de la traduction. Un original qui m’impose un propos et une forme. Je demeure ici très près de l’original – c’est ma première tentative –, mais éventuellement, à mesure que je reprendrai confiance dans ma plume, je pourrais tenter de m’en éloigner.

L’original est de Leonard Cohen – je fais cet exercice en toute humilité, et avec admiration, car rien de ce que j’écris ne peut arriver près de l’ombre de Cohen. Nombreuses sont ses pièces dans lesquelles la poésie semble pouvoir à elle seule créer pour moi une très forte réaction émotionnelle. La musique aide, bien entendu, mais ce sont les mots qui sont mis de l’avant. La pièce est The Night Comes On, c’est le dernier couplet (à 3:25 dans la version en lien):

Now the crickets are singing
The vesper bells ringing
The cat’s curled asleep in his chair
I’ll go down to Bill’s Bar
I can make it that far
And I’ll see if my friends are still there
Yes, and here’s to the few
Who forgive what you do
And the fewer who don’t even care […]


Je voulais respecter la rime et le rythme, mais je dois avouer ne rien connaître à la métrique anglophone – si on compte les pieds à la française, ou presque, on a 6/6/9 - 6/6/9 (j’ai dit presque), qui suit évidemment la rime. C’est ce que j’ai tenté de reproduire (j’ai fait 6/6/10, je sais). Heureusement, dans un tel cas, la musique aide à maintenir le rythme, alors c’est plus facile.

Je voulais aussi me coller au propos, mais je dois nécessairement faire ma propre interprétation du sens, tout en le rendant plus signifiant pour moi. Je crois que Cohen raconte l’histoire du point de vue de la fin de la vie du narrateur (les trois premiers vers que je n’ai pas traduits) – pas moi. Le toast à ceux qui pardonnent, qui s’en foutent (pour Cohen) ou qui n’ont pas saisi que je n’y étais plus (pour moi), je le vois comme un remerciement de ne pas demander pourquoi il était parti ni ce qu’il a fait, et de l’accueillir comme s’il avait toujours été là, comme s’il n’avait pas changé lui non plus. Car ce sont là les meilleurs amis, ceux qu’on n’a pas vus depuis des années, et qu’on retrouve comme si c’était hier.

« I can make it that far » m’a donné une certaine difficulté à l’interprétation (et aussi à la rime une fois que j’eus choisi le Pub comme décor…). Si, pour Cohen, il s’agissait de distance temporelle, et (surtout) émotionnelle (c’est mon interprétation que je sors de nulle part) – je peux y aller, même si c’est loin dans le temps et loin dans mon cœur – je prends plutôt la route du souvenir – je peux y aller, car je n’ai pas encore oublié, je ne suis pas encore trop saoul de quotidienneté pour oublier mon passé.