lundi 29 avril 2013

Septième image: bouton


Je t’ai vue comme une promesse :
Un bouton manquait au haut de ton chemisier.
Tu venais vers moi, doucement, avec paresse,
Un sourire délicatement dessiné
Sur tes lèvres et tes yeux charmants sur moi posés
Me regardaient, comme une première fois.
 
Je t’ai vue comme une promesse :
La ligne de ton soutien-gorge bleu foncé,
Sur ta blanche peau discrètement manifeste
Comme un horizon de souvenirs de tendresse,
Avait capturé mon regard embarrassé
Qui contemplait, comme une première fois.
 
Je prenais un verre assis à un bar quelconque, à Saint-Eustache, pas loin d’Oka où se tenait un colloque d’archéologues. Pourquoi étais-je seul à un bar de Saint-Eustache un soir de colloque d’archéologues à Oka, alors que l’on sait tous que la principale activité des archéologues en colloque est de prendre un verre quelque part, mais ensemble? C’est que je présentais le lendemain, et je devais garder des forces pour terminer de préparer ma présentation le lendemain avant-midi. J’avais donc abandonné collègues et amis sur la plage d’Oka pour revenir à mon pieu, me promettant que le lendemain j’en profiterais davantage, mais je n’allais tout de même pas aller me coucher là, comme ça, sans prendre un dernier verre – ça ne rendrait pas justice à la profession, à ma Beauce natale non plus, ni à ma réputation. (Pour la petite histoire, je n’ai pu célébrer beaucoup le lendemain, subitement atteint par un rhume qui nous avait attaqués, sans que je le sache, à la maison avant mon départ – annonce à mes collègues et amis : je vous ai peut-être infecté par mes poignées de mains ou bisous sur la joue, désolé).

Toujours est-il que je n’avais pas en tête les thèmes du présent défi, mais que j’avais envie de griffonner. J’avais un papier, et j’ai demandé un crayon à la barmaid habillée étrangement à la mode 80, avec une espèce de t-shirt gris, laid et trop ample, aux ouvertures pour les bras démesurément grandes, laissant entrevoir sous les bras les bandes latérales de sa brassière – brune tirant vers le chair. « Comme une promesse », me suis-je alors dit en voyant cette couleur qui rappelait celle de sa peau et qui donnait un peu la fausse impression d’être transparent, avant de sortir mon téléphone pour aller voir quel était le thème de la semaine.

Bouton, m’a-t-on dit. (J’ai relu cette phrase à voix haute, et ça sonne joliment… bouton, m’a-t-on dit, bouton matondi, bouton matondi!)

Et tout ça s’est mis en place. La rapidité et la fluidité de la première écriture me poussent à considérer ces vers comme spontanés, bien qu’il y ait eu exercice de réécriture par la suite – une première écriture vendredi dernier, et je l’ai retravaillé ce soir, lundi, en attendant que les petits soient bien endormis. J’ai tenté de redresser le rythme par une régularité des principaux vers, bien que la rime, elle, ne soit pas régulière. J’avais d’ailleurs un peu de difficulté avec l’écoulement des vers : ça bloquait un peu parfois. C’était peut-être dû à l’absence de ponctuation, que je viens d’ajouter et je trouve effectivement que ça aide. La séparation des sujets, verbes et compléments joue peut-être aussi…
 
Je suis content de la façon dont le thème de la semaine ne devient qu’une excuse pour écrire quelque chose, comme le point de départ, la provocation, à la création de toute une image, de toute une scène, et son point final. Ici, je pars du bouton, dont l’absence est présentée au premier vers qui décrit l’image. Puis, la caméra recule, vers un plan large où l’on voit la dame s’avancer vers moi. Finalement, elle revient, en zoomant, avec mon regard, sur cet endroit où devait se trouver le bouton.

Ce fragment de douze vers réussit ainsi bien, je trouve, à accomplir l’idée de faire des images, des dessins, des photos, avec des vers. Je le trouve évocateur, et je crois qu’il réussit à recréer, pour chaque lecteur (well, chaque lecteur masculin, du moins), une image qui lui parle. En tout cas, moi, ça me parle. Ce qui veut sans doute en dire plus sur moi que ça devrait…

Bon, ça va, je le mets dans les Perv' vers...

mardi 23 avril 2013

Sixième image: Souper


 
Chômage vient du latin Comare qui veut dire se reposer quand il fait chaud

 À peu près six heures, toujours rien à manger.
J’ai un peu mal au cœur, le frigo est à sec.
Et en plus, pour mal faire, un paiement doit passer,
Mon compte est découvert : on m’a coupé mon chèque.
 
Soudain, j’entends frapper, et d’entrer l’inspecteur,
Juste à temps pour souper. J’offre un bol de misère,
Un verre de piquette, au lieu d’un bras d’honneur,
Question qu’il accepte d’écouter ma colère.
 
C’est que depuis Harper, ma vie s’est réformée.
Moi qui étais chômeur, fus criminalisé.
On me dit si j’arrête de pêcher en hiver,
J’aurai droit qu’à des miettes, cueillies au diable au vert
 
Puis quand j’eus terminé, il m’a regardé, fret
M’a dit : « Pour travailler, c’est du cœur qu’il faut mettre
Toute votre misère, comme votre malheur,
Vient de votre carrière d’inutile pêcheur.
 
Parce que, je regrette, mais vous ne pouvez nier
Que ce qui vous endette, c’est votre choix de carrière...
Si vous aviez du cœur, vous déménageriez
Vendriez votre honneur à une pétrolière! »

À ces mots, l’inspecteur marqua dans son cahier
Quelques mots, j’en ai peur, qui allaient me couper
Debout et en colère, j’empoignai son jacket
Et le poussa par terre, lui cassant les lunettes
 
« Si tu penses, enculé, qu’une guerre aux chômeurs
Permettra de sauver les coffres de Harper!
Ils devront bientôt faire autre chose pour payer –
Le prochain en misère : l’inspecteur syndiqué! »

Trop tard, trop fatigué, trop crotté pour commenter. Juste dire qu’ici, on le voit à la version papier, j’ai renoué avec la contrainte. Presque tout en alexandrins avec une césure classique. Ou presque - je ne suis pas poète, je suis archéologue, alors les subtilités - tant pis, me dis-je ici. La séquence des rimes, doubles (rimes plates au premier hémistiche, plates ou alternes à la fin des vers) était décidée d’avance, sauf pour les deux dernières strophes, et je suis content d’avoir réussi, parfois tant bien que mal, à la respecter. Les sons de ces rimes ont été aussi décidés dès le début, avant d’écrire le premier vers (et quand je pensais faire quelque chose de beaucoup plus court), alors que j’ai dressé une série de mots thématiques que j’aurais pu utiliser.

J’ai eu de la misère avec la finale, à cause de cadre rigide que donnaient les sons, les rimes et le rythme. Alors s’ajoutait tout le temps une strophe, pour tenter de provoquer la finale dans ce cadre. Ce n’est pas la meilleure que j’aurais pu faire, mais l’idée s’y trouve : cet inspecteur deviendra lui-même chômeur un moment donné, même s'il se croit protégé par son syndicat (on le sait que Harper se fout des syndicat) – c’est une histoire de karma finalement.

Le titre vient de Richard Desjardins, pour ceux qui ne le savent pas (autour de 2 minutes dans le lien). J’aimais le contraste entre « se reposer quand il fait chaud », et l’histoire de ce pêcheur qui ne travaille pas l’hiver.

mardi 16 avril 2013

Cinquième image (prise deux): 10 AM


Dix heures du matin
Le vent entre par la fenêtre ouverte
Et porte vers moi l’odeur humide de la pluie
La mince couverture me drapant dans mon lit
Ne m’offre aucun réconfort dans la froideur de cet octobre tardif
Et la grisaille s’infiltrant doucement dans ma chambre
Vient déchirer ma peau comme des cristaux par milliers
 
Je soupire et gémis
Mais à chaque souffle l’air glacial me noie un peu
Je ne dors plus, je ne vis plus
Je suis une statue de glace, éphémère, qui flotte dans un nuage
Qui bien qu’immobile, se tortille par en dedans
Qui existe puis n’existe plus, puis revient, revient disparue
Je me suis évaporé, puis j’ai plu dans l’océan
Et les vagues m’ont porté
M’ont porté à mon lit 

J’ouvre les yeux doucement et les pose sur le cadran
Dévisage en silence mon reflet devant l’heure
Dix heures et une du matin
Je me retourne, je me rendors
Je m’éveillerai quand il ne mouillera plus dehors

Paragraphe générique sur le fait que je suis en retard dans mon défi et c’est toujours pour les mêmes raisons.

Je travaillais en fin de semaine sur le thème actuel, sur l’image que je n’ai pas encore livrée – un souper –, mais ce papier était resté quelque part chez moi. La radio me tapait sur les nerfs ce matin sur la route, alors je me suis mis à penser à cette image – 10 AM – que j’avais sautée (que j’avais échoué) en me disant que dix heures revient tous les jours. J’avais des trucs pas pires, des vers bien jolis, mais que je trouvais un peu trop premier niveau. Anyway, rendu au bureau, je n’avais pas fini, et je suis tombé soudainement dans le jus alors c’est resté immatériel.

À mon retour, j’ai tenté de reprendre le fil, mais je commençais sincèrement à trouver ces vers trop élémentaires. Il mouillaissait, puis pleuvait, avec du brouillard dans les fossés. J’ai repensé à une image que j’avais eue lors de ma première tentative – je suis étendu dans mon lit à 10 h, et le Soleil passe à travers les stores, et je veux rester couché – et je l’ai travesti pour fiter avec la météo du moment. Le premier bloc de vers a été écrit sur le bord de l’autoroute, parce que je savais que je l’oublierais, et que le dictaphone, ça ne marche pas. Quand j’y mets des vers, systématiquement, je les trouve mauvais au moment de les réécouter. À preuve, ce que j’avais tenté de faire le matin. C’est peut-être ma voix, que je n’aime pas, ou parce que j’écris des choses qui se lisent, mais ne se récitent pas, je ne sais pas, je n’ai pas vraiment déjà essayé.

On est à des lieux de ce dont je parlais justement lors de l’échec. Pas de contraintes ici, sauf le thème. Des vers spontanés, et libres, affranchis des règles que je m’impose habituellement. Ça fait quelques fois que je donne dans la poésie plus moderne avec ce nouveau défi, et je ne sais pas si c’est une bonne chose. J’avais tendance à ne pas aimer cette poésie éclatée, dont je ne saisissais pas l’essence, et maintenant me voilà à couper mes phrases en vers sans raison apparente…

Cela dit, j’aime tout de même l’ambiance générale qui s’en dégage, cette minute d’éveil dans la froideur du matin qui nous porte d’un monde à l’autre avant de se rendormir. Sans doute devrais-je le retravailler, il est jeté ici assez brouillon, mais bon, il faut que je publie de quoi un moment donné ici…

mercredi 3 avril 2013

Cinquième image: 10 AM


Bon, je dois me rendre à l’évidence, c’est un échec pour la 5e image. Je me suis donné une semaine d’extension, mais sans succès, alors il faut passer à autre chose. Dommage, parce que j’avais des idées, et des bonnes, mais ce que j’ai mis sur papier était nul. J’ai essayé d’y retravailler, de changer l’approche, d’en diminuer la portée quitte à n’avoir qu’un fragment à offrir, mais sans succès.

Quelqu’un commentait l’image précédente, que j’avais aussi eu de la difficulté à illustrer, me disant que j’avais peut-être plus de facilité à écrire sans thème imposé, et c’est définitivement vrai. Je pense que ce que j’écris est mieux quand je laisse glisser mon crayon sur le papier, quand je ne sais pas où ça mène vraiment – sur ce blog, je pense au Minotaure, à J’inexiste. Le problème avec ça, c’est que j’ai l’impression que je ne suis pas (totalement) responsable de ce que j’écris, et – surtout – que je ne peux pas le commander. Au tout début de J’Inexiste, l’idée était là : essayez d’avoir un meilleur contrôle sur l’inspiration. La provoquer, plutôt que d’attendre qu’elle se manifeste. Mais pour la provoquer, il faut que j’y travaille assidument, et c’est peut-être ça que j’ai négligé en mars – deux textes seulement en quatre semaines.

Au hasard du web, je suis tombé un moment donné sur un texte qui disait quelque chose d’intéressant. En fait, le texte, dont j’ai oublié la source – c’était une poète sur le site d’une maison d’édition de poésie –, disait sans doute autre chose, mais j’ai gardé seulement les mots qui m’intéressaient et j’en ai fait quelque chose qui me parlait, et ça me parlait de contrainte. Comme quoi un poème est un travail d’écriture dans la contrainte. En plus d’avoir à trouver les mots, il fallait inventer une contrainte qui se mariait avec le thème, et ensuite respecter cette contrainte interne. Elle pouvait se manifester dans le vocabulaire, dans la versification, dans la rime, dans le rythme…

Je n’ai que rarement décidé consciemment d’une contrainte. Elles se manifestaient spontanément – ce qui fait que même quand mes thèmes étaient imposés, ma plume elle-même décidait de la contrainte, au fil des deux ou trois premiers vers. Quelques fois, j’ai tenté de m’en imposer une avant de commencer à écrire, et souvent ça menait à un échec. C’est ce que j’expliquais, quelque part sans le savoir, ici. D’autre fois, la contrainte était manifeste, volontaire ou non, mais je n’arrivais pas à la suivre. Ça donnait des fragments, abandonnés parce que la contrainte m’a battu, et j’accuse alors le manque d’inspiration – je pense aux trois déclinaisons de Il était une fois un regard, dont la réunion ne s'est jamais produite.

Ce qui m’encourage, c’est que 10 heure du matin, ça revient à chaque journée, alors j’aurai peut-être l’occasion d’y revenir…