VERSION DE I REMEMBER NOTHING
Nous étions étrangers
Étrangers depuis si
longtempsEnsemble nous ne faisions que passer le temps
Nos corps immobiles assis côte à côte
Nos têtes collées mais
nos esprits divergents
Ignorant tout de la vie l’un de l’autre
Ça faisait si longtemps
Nous étions quelqu’un
d’autre
Soudain mon corps tressaute violemment
Le tien réagit puis
retombe sans bouger
Nos corps s’affaissent désespérément
S’abandonnent au vide
comme deux crucifiés
Mon âme s’enfuit dans
un monde mort-vivant
La tienne s’éteint
comme une fin de journée
Depuis longtemps, deux étrangers
Mais qu’est-ce que je viens d’écrire?
Le troisième thème m’a été difficile, et je suis dans les
faits en retard d’une semaine – j’aurais dû le déclarer comme échec bien avant.
Les raisons sont multiples : le travail encore, les soucis aussi (c’est
joli, « les soucis aussi »), et l’inspiration. J’ai eu bien des
idées, quelques ébauches – l’étranger est un thème qui m’est habituellement
plus facile, qu’il soit moi, un autre, ou personne. C’est peut-être à trop
forcer, justement, pour sortir de mes lieux-communs, qui me semblaient depuis
deux semaines un peu clichés, que je me suis retrouvé devant une impasse.
Hier, en mettant de la musique dans ma voiture, je me suis
soudainement souvenu de I remember nothing de Joy Division. En fait, je ne me souvenais plus du titre. Et que
vaguement des paroles. Mais je me souvenais de cette première phrase – we
(eeeeeeeee) were strangers – et j’ai pensé que ça pourrait être une piste. De
retour en soirée à la maison, je suis descendu dans mon antre, chargé Unknown Pleasures – un plaisir qui est
effectivement inconnu de bien des gens, quel disque! – puis j’ai trouvé les
paroles sur le web. Évidemment, les lyrics de Ian Curtis sont un peu plus obscurs
que ceux de Justin Bieber (me dit-on), mais j’avais là une source certaine pour
une version qui pouvait devenir intéressante. Je m’y suis mis hier soir, un peu
ce midi, puis ce soir.
Alors, je le répète, qu’est-ce que je viens d’écrire?
Sincèrement, je ne sais pas trop, et je n’ai pas vraiment
envie d’en faire l’exégèse. Je suis loin d’une traduction du texte de Curtis,
mais je crois avoir respecté sensiblement l’ambiance de l’original, et même son
thème, même si celui-ci est sujet à de multiples interprétations. Tout Unknown Pleasures est un ouvrage
d’ambiance, et I remember nothing
l'est encore davantage.
Je ne peux toutefois dire que je suis pleinement satisfait
du résultat. Je trouve cette pièce décevante. J’y ai planché pas mal,
redressant des vers qui ne me plaisaient pas, parfois juste pour un mot que je
n’aimais pas, parfois pour la mesure – ce que j’avais laissé de côté dans mes
derniers textes. Dans ce cas-ci, je trouve que le rythme a bénéficié beaucoup
d’avoir une certaine régularité dans la longueur des vers. Mais bon, peut-être
à cause de l’obscurité du tout, j’ai un peu de misère à l’apprécier. J’aime les
choses qui veulent dire quelque chose, habituellement. Le sens, caché, se
révélera peut-être pour celui qui le lira.