Vue d’ici
Les nuages sont comme les soupirs du
cielPar une froide nuit d’hiver
Et les étoiles ne sont qu’un triste rappel
De nos lumineux sourires d’hier
Vue d’ici
L’horizon s’embrume de la grisaille
du matinQui humecte les murs bétonnés
Et les vagabonds qui marchent par quatre chemins
Ne savent plus trop vers où aller
Vue d’ici
Le bleu du ciel est vide comme mes
heuresEt triste comme tes yeux
Le blanc des murs est mort comme mon cœur
Et comme mes jours silencieux
Vue d’ici
Le Soleil caresse amoureusement les pierres
J’aimerais m’envoler vers ce champ
de mort
Vue d’ici j’apprécie le ciel comme l’enfer
Je veux juste sortir de ce corps
On aura compris que le thème Your view today ne m’a servi que d’inspiration lointaine pour ce
texte. J’ai rapidement pris la décision de ne pas m’asseoir devant ma fenêtre
pour regarder dehors (entre autres choses parce que quand j’ai le temps de
regarder par ma fenêtre, il fait souvent noir dehors, et clair en dedans, alors
on ne voit pas grand-chose…), bien que j’aille cette envie d’essayer la poésie
paysagère depuis longtemps (c’était d’ailleurs un des thèmes du 30 semaines que
j’avais hâte d’atteindre). Ce sera pour une autre fois.
Avec Your view today,
l’idée m’est rapidement venue du « vue d’ici », mais dans un sens
plus abstrait. De prendre cette excuse pour raconter une histoire du point de
vue de celui qui la
raconte. Au départ, je cherchais plus du côté personnel ou,
paradoxalement, de l’universel (c’est là mon arrogance : c’est moi ou
l’Univers) – prendre un paysage ou une vision comme métaphore pour manifester
une pensée, une idée, une émotion qui me touchait, ou qui pouvait toucher
n’importe qui. Mais je ne dépassais pas un ou deux vers, plutôt boboches.
Ce soir, j’ai terminé mon travail un peu plus tôt, alors en
fin d’après-midi j’ai regardé un des fragments que j’avais écrit quelque part
cette semaine et chiffonné en poche, et je le trouvais nul à chier. Puis j’ai
eu l’idée de regarder une photo que je me souvenais avoir prise sur le terrain
l’année dernière, une photo toute simple, mais qui me fait un certain effet. On
y voit une longue route toute neuve, rectiligne, qui sépare en deux une forêt.
Je ne suis pas photographe, je n’ai pas ce talent, mais alors là pas du tout,
mais pour une raison que j’ignore cette photo… me parle. Je l’ai ouverte, je
l’ai regardée, et j’ai tenté d’écrire là-dessus, en prenant ce paysage comme
inspiration pour la métaphore. Ça aussi, ça a crashé en deux minutes.
Je tournais le stylo entre mes doigts, les deux pieds sur le
bureau, à regarder le temps s’avancer sur mon écran – j’allais devoir bientôt
partir chercher les enfants à la garderie. Mais je devais écrire quelque chose
aujourd’hui : ça aurait été bête, après m’avoir lancé un nouveau défi, de
me planter la première semaine. Et puis, le stylo s’est mis à glisser.
Vers spontanés, oui, du moins, au début, mais qui ne se sont
pas écoulés d’une traite, comme c’est souvent le cas. Ils sont venus par à
coup, souvent vers par vers, mais malgré cette écriture saccadée, ponctuée de
réflexions, je n’ai pas trop su où je m’en allais avant la fin. J ’aime bien quand un
texte se dévoile ainsi à moi.
Les deux premières strophes se sont écrites d’abord, plus
rapidement, et l’on voit également que ce sont elles que j’ai le moins eues à
retoucher. Puis, j’ai dû quitter après avoir entamé une première version de la
troisième strophe, qui m’avait poussé dans le coin – je serais sans doute
surpris si j’allais voir la phonétique de la chose, mais, comme avec le mot« même », j’ai bien de la misère à faire rimer « âme »…
Peut-être à cause de notre accent québécois, peut-être à cause que je parle
tout croche, mais bon, je ne trouvais pas comment poursuivre la chose avec ces
finales. C’est à mon retour, quand j’ai remplacé ces vers, que j’ai réalisé ce
que je racontais.
Au départ, j’y voyais un peu n’importe quoi, un spleen
quelconque que je ne ressentais pas – un fake, finalement. Parce que j’étais
(et je suis toujours) de bonne humeur quand j’ai écrit ça. À la fin de la
deuxième strophe, j’avais quelques idées : c’est une complainte de
quelqu’un d’isolé, institutionnalisé. Il aurait pu être à l’hôpital ou interné,
mais à ce moment-là, j’avais plutôt l’impression qu’il était en prison, et je
m’orientais plus ou moins activement vers là. Mais au redémarrage de la
troisième strophe, je savais qu’il n’était pas en prison : c’est un homme
malade, très malade, que la maladie isole et qui n’a plus aucun espoir que
mourir.
Je le vois assis devant sa fenêtre, jour après jour, nuit
après nuit, à attendre, à se souvenir. Des médecins veulent l’encourager, ils
défilent devant lui avec l’espoir de l’aider, d’apaiser sa douleur, sans
réaliser que son mal se trouve maintenant dans son âme. Qu’il faudrait simplement
le laisser mourir. J’ai déjà écrit sur le même thème, il y a très très très
longtemps, quand j’étais au secondaire, en 1994 ou 1995. Je viens tout juste de
le relire, et c’est drôle, je reconnais un peu mon style, déjà. Je terminais le
texte par une citation de Jorge Luis Borges : « Il chercha dans la
mort la splendeur du néant ». D’où le titre, que je viens de donner à ce
texte-ci. Je n’ai aucune idée d’où vient la citation – trop con pour l’écrire,
en 1995…
Mais pas d’inquiétude, perso, je suis de bonne humeur. Je
viens de boire un verre de lait. Sérieusement, j’ai-tu l’air de quelqu’un qui
boit du lait quand ça ne va pas?
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