Car mes nuits avant toi étaient toujours les miennes
Et elles étaient
toujours les mêmes
Mais minuit depuis toi et ta main dans la mienne
Un baiser sur ton front te dire que je t’aime
Replacer tes draps te sourire dans le noir
Oui mes nuits depuis toi sont toutes des trésors
Il faut l’avoir vécu pour comprendre que rien ne peut être
plus un point tournant – et culminant – dans une vie que la naissance d’un
enfant. Et comme j’ai cette idée qui trotte dans ma tête pour une possible
participation au concours de poésie de Radio-Canada, que certains esprits pas
biaisés du tout m’encouragent à tenter, ma réponse au thème de cette semaine a
été plutôt facile à trouver. L’idée m’est venue un samedi il y a deux ou trois
semaines, quand je me levais (encore!) pour aller voir mon plus jeune garçon,
18 mois, qui s’était (encore!) mis à pleurer soudainement à 3 h du matin. Puis,
avant même de retrouver la chaleur de mes draps, mon plus vieux,
trois-ans-et-demi-chevalier-pirate, debout (encore!) dans la cuisine, me demande
(encore!) si c’est l’heure de se lever… Quand éventuellement j’ai posé la tête
sur l’oreiller, endormi, épuisé, je me suis souvenu qu’il n’y a pas si
longtemps, je me couchais à 3 h du matin pratiquement toutes les fins de semaine. Et
en forme. Que je pouvais jaser avec des amis ou des inconnus jusqu’à l’aube, et
recommencer le lendemain. Ah, vieillesse! Tu me rends nostalgique.
Mais le constat le plus frappant est arrivé le lendemain,
alors que le plus jeune s’était (encore!) réveillé au moment où je me couchais et
que je suis (encore!) allé le voir, lui caresser (encore!) la tête en lui soufflant
doucement de dormir… et qu’il a souri. Oui, il arrive que je m’ennuie de mes
nuits d’avant, mais mes nuits de maintenant sont beaucoup mieux, car elles me
font sourire véritablement. (Bon, pas tout le temps, mais on comprend l’idée).
J’ai écrit très rapidement le premier jet de ces vers en une
dizaine de minutes ce midi, juste avant d’aller dîner, mais ils m’agacaient
depuis. Il y a là quelque chose qui cloche, en fait, quelques choses qui
clochent. D’abord, dans mon premier jet, plusieurs vers arrivaient à un pied
short de l’alexandrin, et ça, c’est choquant. L’habitude du douze-pieds fait en
sorte que mes vers sortent souvent naturellement à presque douze pieds – et
c’est ce presque qui est frustrant : c’est difficile de trouver un pied
qui fitte dans un vers que je trouve déjà beau. Je pourrais, et devrais
peut-être, m’émanciper de cette forme que je m’impose (sans en connaître toutes
les subtilités – je suis archéologue, pas analyste littéraire, je l’ai déjà dit), mais peut-être tout simplement à cause de l’habitude, j’aime l’alexandrin,
je trouve qu’il sonne bien dans ma tête. Mais ça fait qu’il faut que je trouve
des pieds, ce qui demande parfois de scraper mes beaux vers.
Deux particules frisent ce que je décriais la semaine dernière : le Car du premier
vers, et le Oui du dernier. Le
premier se justifie par la nature fragmentaire de cette strophe : il
s’agit d’un fragment préliminaire d’un poème plus long que je pense écrire pour
le concours, et elle le conclurait, ou du moins ferait partie de la fin. Le oui pourrait aussi se justifier par ce
qui n’a pas encore été écrit, comme un constat que j’affirme. Mais il reste
superflu.
Ce n’est pas tout à fait grave, car ce vers devra être
retravaillé. La rime noir/trésor
m’apparaît faible, et de toute façon le vers ne sonne pas comme une finale. Il
y manque une « fatalité », ce qui n’est pas catastrophique dans un
fragment comme présenté ici, mais me semblerait queue-de-poissonner un poème
plus long. Queue-de-poissonner. J’aime ce nouveau verbe, il faudra que je
l’utilise dans la vie de tous les jours.
L’autre truc qui m’agace est le maudit mot
« même », que j’ai fait rimer avec je t’aime. J’ai gossé sur le son de « même » pendant une
demie-heure, après le souper, fouillant dictionnaire, papiers et électroniques, pour
tenter de comprendre ce que je ne comprends manifestement pas dans la phonétique. Si je
n’ai jamais prononcé « même » de la même façon que je prononce
« j’aime », ou « crème » ou « bohême », selon
toutes mes sources ça devrait sonner pareil : -ɛm. Ce qui explique
peut-être pourquoi je n’arrivais pas à trouver un mot qui rimait avec la façon
que je prononce « même » - apparemment, ce son n’existe pas! Un
problème de la langue française telle que pratiquée au Québec? Pourtant, si je
me fis à Renaud :
Germaine! Germaine! Une java ou un tango
C’est du pareil au
mêêêême, pour te dire que je t’aaaiiiime
(bon, ça parait pas, mais le t’aaaiiiime est assez massacré par Renaud [écouter autour de 30 sec])
Je l’ai finalement gardé, me disant que trois dictionnaires
et des banques sur Internet (dont le fameux et redoutable Wikitionnaire de
Wikipedia) ne peuvent pas être tous dans l’erreur, et que je dois avoir un
accent bizarre. Quand je le relis, je ne vois pas toujours le problème de la
rime avec même, mais c’est peut-être
parce que la rime alterne en –ienne
ressemble au t’aime placé juste après, et que le vers avec même ne fait que huit pieds et est un peu placé à part, ce qui
semble l’exclure de la rime.
Un aspect que j’aime bien de ce fragment est que pour
l’instant, même si je l’ai écrit en ayant en tête une pièce sur mes enfants et
leur impact sur ma vie, on pourrait tout aussi bien l’utiliser dans un poème
amoureux. Suffirait de changer l’avant-dernier vers pour quelque chose de
quasiment identique, comme
Te serrer dans mes
bras, me lover sur ton corps
Damn. C’est peut-être même meilleur.
J'aime l'imagerie toute simple, surtout celle de 'replacer tes draps'. C'est une belle image que tout parent comprend immédiatement.
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