Je me rends jusqu’au Pub
Je me sens assez sobre
Peut-être y reste-t-il de mes amis
Oui – à votre santé
Pour m’avoir pardonné
Ou peut-être pour n’avoir rien compris
Le thème imposé cette semaine me
permettait d’aller dans plusieurs directions. J’ai essayé d’aller sur une route
particulière, mais ça n’a pas fonctionné : quand j’ai tenté cette voie, je
sentais que je restais en surface, et un tel sujet ne pouvait se contenter de
vers superficiels – pour avoir une quelconque valeur, ça aurait dû être des
tripes, ou rien du tout. J’ai choisi rien du tout. Ce n’est pas l’objectif du
défi que d’exposer mes tripes.
Ça m’a permis de faire quelque
chose que je voulais faire depuis quelque temps : de la traduction. Un
original qui m’impose un propos et une forme. Je demeure ici très près de
l’original – c’est ma première tentative –, mais éventuellement, à mesure que
je reprendrai confiance dans ma plume, je pourrais tenter de m’en éloigner.
L’original est de Leonard Cohen –
je fais cet exercice en toute humilité, et avec admiration, car rien de ce que
j’écris ne peut arriver près de l’ombre de Cohen. Nombreuses sont ses pièces
dans lesquelles la poésie semble pouvoir à elle seule créer pour moi une très
forte réaction émotionnelle. La musique aide, bien entendu, mais ce sont les
mots qui sont mis de l’avant. La pièce est The Night Comes On, c’est le dernier
couplet (à 3:25 dans la version en lien):
Now the crickets are singing
The vesper bells
ringingThe cat’s curled asleep in his chair
I’ll go down to Bill’s Bar
I can make it that far
And I’ll see if my friends are still there
Yes, and here’s to the few
Who forgive what you do
And the fewer who don’t even care […]
Je voulais respecter la rime et
le rythme, mais je dois avouer ne rien connaître à la métrique anglophone – si
on compte les pieds à la française, ou presque, on a 6/6/9 - 6/6/9 (j’ai dit
presque), qui suit évidemment la
rime. C ’est ce que j’ai tenté de reproduire (j’ai fait
6/6/10, je sais). Heureusement, dans un tel cas, la musique aide à maintenir le
rythme, alors c’est plus facile.
Je voulais aussi me coller au
propos, mais je dois nécessairement faire ma propre interprétation du sens,
tout en le rendant plus signifiant pour moi. Je crois que Cohen raconte
l’histoire du point de vue de la fin de la vie du narrateur (les trois premiers
vers que je n’ai pas traduits) – pas moi. Le toast à ceux qui pardonnent, qui
s’en foutent (pour Cohen) ou qui n’ont pas saisi que je n’y étais plus (pour
moi), je le vois comme un remerciement de ne pas demander pourquoi il était
parti ni ce qu’il a fait, et de l’accueillir comme s’il avait toujours été là,
comme s’il n’avait pas changé lui non plus. Car ce sont là les meilleurs amis,
ceux qu’on n’a pas vus depuis des années, et qu’on retrouve comme si c’était
hier.
« I can make it that far » m’a donné une certaine difficulté à
l’interprétation (et aussi à la rime une fois que j’eus choisi le Pub comme
décor…). Si, pour Cohen, il s’agissait de distance temporelle, et (surtout)
émotionnelle (c’est mon interprétation que je sors de nulle part) – je peux y
aller, même si c’est loin dans le temps et loin dans mon cœur – je prends
plutôt la route du souvenir – je peux y aller, car je n’ai pas encore oublié, je
ne suis pas encore trop saoul de quotidienneté pour oublier mon passé.
J'aime bien lire tes écrits et le chemin que tu as parcouru pour y parvenir!
RépondreSupprimeranne-marie moore
Merci bien!
SupprimerC'est exactement ce que j'allais dire. C'est trippant de voir que tu peux rendre explicite quelque chose de si intuitif. J'ai toujours eu de la misère à en faire autant (quoi? il faut une méthodologie pour faire un doc?). Et j'aime beaucoup la dernière phrase de ton message. Cette idée là - ''je peux y aller, car je n’ai pas encore oublié, je ne suis pas encore trop saoul de quotidienneté pour oublier mon passé'' - elle vaudrait un poème à elle seule..
RépondreSupprimerJ'aime bien que vous me dites que vous aimez voir le cheminement et mon auto-analyse, car je trouve parfois un peu prétentieux, sinon déplacé, de le faire. Je me dis des fois que ça ne laisse pas la place à l'interprétation du lecteur, qui fait aussi partie de la poésie. Comme si j'imposais ma vision des (de mes...) choses. Mais, comme tu l'as déjà si bien dit Vanessa, c'est mon espace ici, alors je fais bien ce que je veux...
RépondreSupprimerCette dernière phrase, ça vient d'une idée, d'un sentiment, qui devrait se remanifester ici certainement. Le temps est un vieil adversaire...
Ouais. Le temps. J'en ai contre lui depuis un certain moment.
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