Je tiens une courte lettre à la main
Une demande, un
plaidoyer, une prière
Le cri de mon cœur qui
la réespère
Qui ne peut pas
supporter que ce soit la fin
J’embrasse l’enveloppe
avec espoir
Mes lèvres caressent
son joli nom
Si peu de mots pour en
dire si long
Alors que se gonfle
dans la nuit le ciel noir
Douce missive,
Va la quérir
Douce missive,
Va le lui dire
Soudain souffle et m’ébranle
un triste vent
Qu’une poignée de mots
pour tout changer
Je l’aime et pour
toujours je l’aimerai
Même si le ciel m’inonde
de ses tourments
« Ce que j’ai dit
je ne le pensais pas vraiment
C’est une erreur je ne
le pensais pas vraiment
Je te jure je ne le
pensais pas vraiment
C’est sorti, n’importe comment »
Douce missive,
Va le lui dire
Douce missive,
Va la quérir
Que tes baisers
pleuvent sur moi
Oui, qu’ils pleuvent
comme un orage
Je te vois t’approcher
comme un mirage
J’hallucine c’est faux
ce n’est pas toi
Où suis-je que fais-je
je perds l’esprit
Debout sous cette
pluie et ce tonnerre
Dans mes mains une
lettre, dans mon cœur une prière
Murmurée dans la pluie…
… Reviens.
Une nouvelle traduction, que je devrais plutôt appeler
« interprétation ». Cette fois-ci, c’est à la poésie de Nick Cave que
je m’attaque, avec sa pièce Love Letter.
Je reprends cette fois-ci uniquement le propos, me distançant tant de la rime
que du rythme de l’original. Celui-ci étant une chanson, j’en fais un poème,
qui permet moins de liberté avec la métrique (car en chantant on peut toujours allonger
les sons, ou les raccourcir). Et je découvre par la même occasion à quel point
il est intéressant de faire cet exercice, pas uniquement comme activité
d’écriture, mais aussi pour comprendre, ou s’approprier, une pièce.
La chanson de Nick Cave semble plutôt évidente, de premier
niveau : un homme a écrit une lettre à sa bien-aimée qui l’a quitté, et
est sur le point d’aller la
poster. Cette lettre serait l’espoir qu’elle revienne. À
travers cela, on trouve quelques références au temps qu’il fait, qui s’annonce
mauvais, et que j’avais toujours comprises simplement comme un décor lors de
mes écoutes distraites. Et puis, à l’écriture de ma version, j’ai été confronté
à ces vers de la dernière strophe (en fait, ces lignes du dernier
couplet…) :
And for all who’ll come before me
In your slowly fading forms
I’m going out of my mind
Will leave me standing in
The rain with a letter and a prayer
J’ai soudain réalisé (peut-être à tort) que cet homme attend
sous la pluie, et qu’il reste seul, que sa lettre est restée, well, lettre
morte. En fait, qu’il ne l’a pas même postée. En première écriture, j’en ai
sorti mes deux dernières strophes, dont la forme visait à illustrer une folie,
et une panique en prenant conscience de cette folie, qui envahit le narrateur. Il
voit la pluie comme la douce caresse de son amour, qu’il voit s’approcher dans
la nuit, avant de prendre conscience qu’il est toujours là, toujours avec sa
lettre.
En deuxième écriture, j’ai réinterprété le sens que je
donnais aux détails météorologiques. Dès le départ, l’homme sait que sa lettre
sera inutile, mais il espère tout de même. Le ciel qui se gonfle, c’est le
malheur qui s’annonce. Le vent qui ébranle, c’est le doute qui s’installe, mais
tant pis il accepte déjà d’accepter la souffrance du refus. Puis, il se relit. Cette
excuse qui se répète – il faut entendre Nick Cave répéter sa phrase Said something I did not mean to say en
ne changeant que l’intonation de certains mots, comme si c’était trois
arguments différents (à 2:04 dans le lien)– c’est l’excuse éternelle du regret, d’avoir fait ou dit quelque
chose qu’il ne fallait pas. Le narrateur réalise que ce n’est pas suffisant,
que ça ne peut plus être suffisant. Sous la pluie, il rêve que d’une façon
magique tout est revenu comme avant, puis réalise qu’il est toujours là, dans
la rue, sous la pluie, sans plus de raison.
L’avant-dernier vers de la dernière strophe ne respecte plus
du tout la métrique du reste du poème – le narrateur a abandonné, il n’essaie
plus. Un dernier soupir, et puis il retourne chez lui, abandonnant à la tempête
sa lettre.
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