lundi 27 février 2012

Le Minotaure


Je me perds dans ce labyrinthe aux portes closes
Traînant derrière moi un sombre nuage
Mon regard abattu sur les murs moroses
À la poursuite d’un étrange mirage

Je marche silencieux la tête basse le dos penché
            Cherche l’origine de ce son que j’entends
            La mélodie d’une cascade enchantée
            Qui n’existe que dans mon esprit dément

J’ai pénétré cet antre tout à fait consciemment
            Sachant déjà que j’y rencontrerais la mort
            Qu’il serait impossible de faire autrement
            Que d’y affronter le terrible Minotaure

J’ai hésité avant de publier ceci. En fait, je me pose la question depuis la mise en ligne de J’inexiste si je me limite aux défis, aux exercices, ou si je me permets d’en mettre plus. Il n’y a rien d’engageant, sauf la mise en évidence de lacunes dans ma plume et de prétentions dans mes commentaires, à écrire une strophe sur Mickey Mouse ou à traduire une pièce d’un chanteur anglophone. Mais d’aller vers des vers (c’est drôle quand c’est écrit, ça, « vers des vers ») qui viennent de nulle part ailleurs que moi, c’est plus… intimidant.

Alors j’ai d’abord enregistré ce texte sur mon ordi, pour aller rejoindre tous les autres qui n’en sont jamais sortis, et qui n’ont pas été lus par personne, jamais. Parmi ceux-ci, il y a des merdes incroyables (comme un poème savamment intitulé « Merde dans un bar »), mais il y a aussi des pièces plutôt charmantes (comme ce fragment que j’avais intitulé « La nouvelle iconoclastie », et que je ne vois plus comme un fragment). Par un hasard sans doute volontaire quoiqu’inconscient, j’en arrive à me questionner sur l’existence de ces nombreux textes – que sont-ils, s’ils sont là pour être perdus quand mon disque dur va se crasher? (oui, il faudrait que je me fasse des copies, parce que je n’ai plus les versions originales papier de plusieurs de ces trucs…). Ils n’auront jamais existé, ailleurs que dans ma tête. J’aurai jeté sur papier quelques pensées qui n’auront jamais été lues, vues, cette écriture aura été personnelle, égoïste, sans conséquence… comme une branlette. Dommage peut-être, peut-être pas.

Je suis ambivalent sur le rôle que joue l’écriture dans ma vie. Longtemps un besoin, c’était parti avec la routine. En revenant, elle m’a fait reprendre de vieilles habitudes – il m’arrive même d’avoir envie de fumer quand je suis penché au-dessus d’une feuille un crayon à la main. Et le spleen semble aussi plus… présent. Comme pour plusieurs, l’écriture est un exutoire – rien d’original là-dedans. Mais j’aime également me faire lire, dans certains contextes, et pas toujours. Ce qui me fait surtout hésiter, présentement, c’est la nature de la « micropublication » sur le web, par le biais d’un blogue. Ça me semble tellement plus intime, et je ressens, étrangement, une plus grande proximité potentielle avec le lecteur que je ne suis pas certain d’apprécier. Une plus grande proximité, et une plus grande gêne. Je ne saurais dire pourquoi – peut-être à cause de l’instantanéité de la chose, et de sa fatalité. Démonstration : je viens de parler de branlette dans le paragraphe précédent, ce qui pourra être lu par n’importe qui – employeurs, collègues, amis, famille… Quand je fais lire des pages imprimées, je choisis qui me lira. Et si c’était un livre publié, je ne choisirais plus, mais je serais rendu bien loin des textes. Il n’y aurait plus cette proximité.

Mais bon, tant qu’à avoir un blogue publiant ce que j’écris de temps à autre, pourquoi ne pas y publier ce que j’écris, de temps à autre…? Ces vers ont été écrits, je l’ai dit, mercredi passé. Une mauvaise journée sans raison. Je le disais plus haut, depuis que je me suis remis à l’écriture, on dirait que je deviens plus sensible au spleen. Je ne sais pas trop pourquoi, peut-être parce que je baisse ma garde lorsque je prends un crayon (ça m’arrive moins avec un clavier, comme je le fais présentement, mais mon écriture devient aussi plus cartésienne). Ce poème est un autre exemple de vers spontanés, comme j’en parlais pour mes Vers d’une nuit. Il s’écrivait ligne par ligne, vers par vers, sans que je sache vraiment ce que le prochain allait dire, et où ça allait finir. Le titre a été ajouté à la toute fin, après ma première relecture. Les modifications et réajustements après le premier jet sont minimes (et pour la plupart ont été faites sur la version numérique, d’où l’absence de ratures sur l’original). Il est difficile de commenter quelque chose d’aussi irréfléchi, de quasiment automatique. Mais j’aime bien le résultat, que je trouve très romantique, dans le sens classique du terme

2 commentaires:

  1. Oui, définitivement romantique dans le vrai sens de ce mot. J'aime beaucoup la chute.

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    1. Merci. En toute humilité, je le relis et je l'aime bien, ce poème.

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