mardi 19 mars 2013

Quatrième image: un étranger


VERSION DE I REMEMBER NOTHING

Nous étions étrangers
Étrangers depuis si longtemps

Ensemble nous ne faisions que passer le temps
Nos corps immobiles assis côte à côte
Nos têtes collées mais nos esprits divergents
Ignorant tout de la vie l’un de l’autre
                        Ça faisait si longtemps
                        Nous étions quelqu’un d’autre 

Soudain mon corps tressaute violemment
Le tien réagit puis retombe sans bouger
Nos corps s’affaissent désespérément
S’abandonnent au vide comme deux crucifiés
Mon âme s’enfuit dans un monde mort-vivant
La tienne s’éteint comme une fin de journée           

Depuis longtemps, deux étrangers
 

Mais qu’est-ce que je viens d’écrire? 

Le troisième thème m’a été difficile, et je suis dans les faits en retard d’une semaine – j’aurais dû le déclarer comme échec bien avant. Les raisons sont multiples : le travail encore, les soucis aussi (c’est joli, « les soucis aussi »), et l’inspiration. J’ai eu bien des idées, quelques ébauches – l’étranger est un thème qui m’est habituellement plus facile, qu’il soit moi, un autre, ou personne. C’est peut-être à trop forcer, justement, pour sortir de mes lieux-communs, qui me semblaient depuis deux semaines un peu clichés, que je me suis retrouvé devant une impasse. 

Hier, en mettant de la musique dans ma voiture, je me suis soudainement souvenu de I remember nothing de Joy Division. En fait, je ne me souvenais plus du titre. Et que vaguement des paroles. Mais je me souvenais de cette première phrase – we (eeeeeeeee) were strangers – et j’ai pensé que ça pourrait être une piste. De retour en soirée à la maison, je suis descendu dans mon antre, chargé Unknown Pleasures – un plaisir qui est effectivement inconnu de bien des gens, quel disque! – puis j’ai trouvé les paroles sur le web. Évidemment, les lyrics de Ian Curtis sont un peu plus obscurs que ceux de Justin Bieber (me dit-on), mais j’avais là une source certaine pour une version qui pouvait devenir intéressante. Je m’y suis mis hier soir, un peu ce midi, puis ce soir.

Alors, je le répète, qu’est-ce que je viens d’écrire? 

Sincèrement, je ne sais pas trop, et je n’ai pas vraiment envie d’en faire l’exégèse. Je suis loin d’une traduction du texte de Curtis, mais je crois avoir respecté sensiblement l’ambiance de l’original, et même son thème, même si celui-ci est sujet à de multiples interprétations. Tout Unknown Pleasures est un ouvrage d’ambiance, et I remember nothing l'est encore davantage. 

Je ne peux toutefois dire que je suis pleinement satisfait du résultat. Je trouve cette pièce décevante. J’y ai planché pas mal, redressant des vers qui ne me plaisaient pas, parfois juste pour un mot que je n’aimais pas, parfois pour la mesure – ce que j’avais laissé de côté dans mes derniers textes. Dans ce cas-ci, je trouve que le rythme a bénéficié beaucoup d’avoir une certaine régularité dans la longueur des vers. Mais bon, peut-être à cause de l’obscurité du tout, j’ai un peu de misère à l’apprécier. J’aime les choses qui veulent dire quelque chose, habituellement. Le sens, caché, se révélera peut-être pour celui qui le lira.

mardi 5 mars 2013

Troisième image: Mains

DELPHINE

Ta petite main
A tenu une dernière fois son doigt
Alors qu’elle glissait
            Doucement
Juste un peu plus loin.

Sa main toute douce
Ne caressera plus
            Ta joue
Quand elle sera humide,
Mais tu ne le sais pas.
            Pas encore.

Mais sa main, invisible
Sur ton épaule
            Quand tu lèveras la tienne,
            Quand tu donneras la tienne,
            Quand la tienne sera tenue
                        Par de petits doigts;

Sa main, toujours,
Restera sur ton épaule,
            Invisible.

Je n’ai pas l’habitude de publier à partir de mon bureau trifluvien, mais si j’attends d’être de retour à la maison les soirs où je décide de rester plus longtemps, ça fait que je me couche trop tard. Alors je fais exception et je publie ceci d’un bureau qui ne m’est pas aussi confortable que mon antre habituel. J’attends que mon café coule avant de retourner travailler, et je serai donc moins volubile. Une bonne chose, diront certains.

Une bonne chose, car ce texte ne devrait pas être trop expliqué, explicité, comme je le fais souvent. Simple mise en contexte qui s’impose : une petite cousine est décédée récemment du cancer, à 32 ans – et deux petites filles ont perdu leur mère, dont la plus jeune, Delphine, âgée de 19 mois à peine. C’est à elle, et à toute la famille, que j’ai pensé.

Et c’est tout. C’est la première fois que ce que j’écris pour J’Inexiste me donne le moton. Ça n’a sans doute rien à voir avec le texte, mais plutôt avec ce à quoi ça me fait penser.

mardi 26 février 2013

Deuxième image: Mots


LE SILENCE EST D’OR 

Il y a des mots qui sont plus jolis s’ils ne sont pas dits
Des mots comme des soupirs ponctués de silences
Des mots comme des regards les yeux fermés
            Qui sont entendus dans le noir
            Quand il n’y a plus rien à dire

Il y a des mots qui sont plus cruels s’ils se taisent
Des discours qui méprisent sans faire de sons
Et des silences plus blessants que bien des insultes
            Qui sont clamés par des dos tournés
            Quand il y aurait trop à dire

Il y a des mots qui sont plus tristes quand il n’y a personne pour les dire
Des mots qui s’égarent sur le tracé d’une larme
Des mots comme des frissons de solitude
            Qui grelottent dans un lit trop grand
            Quand il faudrait parler

Les thèmes de ce défi m’inspirent plus que pour le précédent, peut-être parce qu’ils sont plus ouverts. Mais c’est peut-être temporaire. Anyway, j’avais quelques idées pour celui des Mots. J’avais d’abord pensé reprendre une de mes vieilleries anglophones, qui commence par A Word,  pour la « versionner ». Il y eut un temps où j’écrivais passablement en anglais, malgré une moins bonne connaissance de la grammaire, de la versification, du vocabulaire. Des fois, c’était pas pire, malgré ça, du moins, pour mes oreilles à moi. Et j’ai rarement fait lire à des anglophones, alors je ne sais trop. Bref, c’était une première idée, mais ça aurait été difficile : je suis sans doute trop près du texte : bien qu’écrit en 1998, c’est un des quelques textes de l’époque que je suis toujours capable de réciter – en partie. Je n’arrivais pas à me distancer pour faire plus qu’un bête mot-à-mot, et ça donnait un résultat très mauvais à cause des expressions utilisées qui n’ont souvent pas d’équivalents français.

J’avais pensé aussi faire de la prose. Je n’en ai presque pas fait depuis que j’ai repris mon crayon, et jamais sur J’inexiste, pourtant il fut un temps où c’était la principale manifestation de mon écriture automatique. Mais je ne me suis pas assis pour faire ça – ça demande un certain mindset que je n’ai pas cherché à atteindre.

Et puis il y avait cette idée d’y aller en free-style. Pas de mesure, pas de rimettes, juste… des trucs. Deux vers m’ont guidé. Le deuxième est arrivé en premier, la semaine dernière en revenant du bureau. Je disais des niaiseries, tout seul dans mon auto – je devais avoir l’air d’un méchant bizarre – pour trouver quoi écrire. À travers ces idées folles (comme celle d’écrire un sonnet composé uniquement des termes « mots » et « syllabes » — si ça paraît étrange comme idée, imaginez de quoi je devais avoir l’air, récitant ce sonnet à voix haute, avec intonations et tout, dans ma voiture), ce vers est venu. Puis, quelques jours plus tard, juste avant de me coucher, c’est le premier vers qui m’est apparu (d’où le stylo différent).

Arrivé à sept jours après la dernière publication – le délai de mon défi –, il fallait que je donne un coup pour terminer ce truc, alors je m’y suis attaqué ce soir au souper. Je ne suis pas totalement satisfait – il manque, il me semble, d’unité dans tout ça. Et il manque définitivement une strophe, une finale, quelque chose. L’idée au départ était de parler, simplement, de trois émotions qu’on manifeste souvent par des mots, et d’écrire qu’elles sont parfois plus intenses quand il n’y a pas de mot – « le silence est d’or ». Mais à la relecture, et la relecture, et la relecture, parce que je trouvais quelque chose qui clochait, je ne mettais pas le doigt sur le rythme, ça ne coulait pas… le sens m’a semblé différent : j’y ai entrevu une séquence d’émotions, la narration d’une déchirure. En ce sens, il me fait penser un peu à Au Final.

En y plaquant cette idée, et en le lisant d’une certaine façon, je me mets à l’apprécier un peu plus. Mais, d’une certaine façon, il me semble que ça signifie que c’est un peu raté : le rythme n’émane pas du texte, il est dans ma tête. Est-ce qu’il sera lisible par quelqu’un qui serait, comme ça arrive souvent, hors de ma tête?

mardi 19 février 2013

Première image: Your View Today

LA SPLENDEUR DU NÉANT

Vue d’ici
            Les nuages sont comme les soupirs du ciel
            Par une froide nuit d’hiver
            Et les étoiles ne sont qu’un triste rappel
            De nos lumineux sourires d’hier

Vue d’ici
            L’horizon s’embrume de la grisaille du matin
            Qui humecte les murs bétonnés
            Et les vagabonds qui marchent par quatre chemins
            Ne savent plus trop vers où aller

Vue d’ici
            Le bleu du ciel est vide comme mes heures
            Et triste comme tes yeux
            Le blanc des murs est mort comme mon cœur
            Et comme mes jours silencieux

Vue d’ici
Le Soleil caresse amoureusement les pierres
            J’aimerais m’envoler vers ce champ de mort
Vue d’ici j’apprécie le ciel comme l’enfer
            Je veux juste sortir de ce corps

On aura compris que le thème Your view today ne m’a servi que d’inspiration lointaine pour ce texte. J’ai rapidement pris la décision de ne pas m’asseoir devant ma fenêtre pour regarder dehors (entre autres choses parce que quand j’ai le temps de regarder par ma fenêtre, il fait souvent noir dehors, et clair en dedans, alors on ne voit pas grand-chose…), bien que j’aille cette envie d’essayer la poésie paysagère depuis longtemps (c’était d’ailleurs un des thèmes du 30 semaines que j’avais hâte d’atteindre). Ce sera pour une autre fois.

Avec Your view today, l’idée m’est rapidement venue du « vue d’ici », mais dans un sens plus abstrait. De prendre cette excuse pour raconter une histoire du point de vue de celui qui la raconte. Au départ, je cherchais plus du côté personnel ou, paradoxalement, de l’universel (c’est là mon arrogance : c’est moi ou l’Univers) – prendre un paysage ou une vision comme métaphore pour manifester une pensée, une idée, une émotion qui me touchait, ou qui pouvait toucher n’importe qui. Mais je ne dépassais pas un ou deux vers, plutôt boboches.

Ce soir, j’ai terminé mon travail un peu plus tôt, alors en fin d’après-midi j’ai regardé un des fragments que j’avais écrit quelque part cette semaine et chiffonné en poche, et je le trouvais nul à chier. Puis j’ai eu l’idée de regarder une photo que je me souvenais avoir prise sur le terrain l’année dernière, une photo toute simple, mais qui me fait un certain effet. On y voit une longue route toute neuve, rectiligne, qui sépare en deux une forêt. Je ne suis pas photographe, je n’ai pas ce talent, mais alors là pas du tout, mais pour une raison que j’ignore cette photo… me parle. Je l’ai ouverte, je l’ai regardée, et j’ai tenté d’écrire là-dessus, en prenant ce paysage comme inspiration pour la métaphore. Ça aussi, ça a crashé en deux minutes.

Je tournais le stylo entre mes doigts, les deux pieds sur le bureau, à regarder le temps s’avancer sur mon écran – j’allais devoir bientôt partir chercher les enfants à la garderie. Mais je devais écrire quelque chose aujourd’hui : ça aurait été bête, après m’avoir lancé un nouveau défi, de me planter la première semaine. Et puis, le stylo s’est mis à glisser.

Vers spontanés, oui, du moins, au début, mais qui ne se sont pas écoulés d’une traite, comme c’est souvent le cas. Ils sont venus par à coup, souvent vers par vers, mais malgré cette écriture saccadée, ponctuée de réflexions, je n’ai pas trop su où je m’en allais avant la fin. J’aime bien quand un texte se dévoile ainsi à moi.

Les deux premières strophes se sont écrites d’abord, plus rapidement, et l’on voit également que ce sont elles que j’ai le moins eues à retoucher. Puis, j’ai dû quitter après avoir entamé une première version de la troisième strophe, qui m’avait poussé dans le coin – je serais sans doute surpris si j’allais voir la phonétique de la chose, mais, comme avec le mot« même », j’ai bien de la misère à faire rimer « âme »… Peut-être à cause de notre accent québécois, peut-être à cause que je parle tout croche, mais bon, je ne trouvais pas comment poursuivre la chose avec ces finales. C’est à mon retour, quand j’ai remplacé ces vers, que j’ai réalisé ce que je racontais.

Au départ, j’y voyais un peu n’importe quoi, un spleen quelconque que je ne ressentais pas – un fake, finalement. Parce que j’étais (et je suis toujours) de bonne humeur quand j’ai écrit ça. À la fin de la deuxième strophe, j’avais quelques idées : c’est une complainte de quelqu’un d’isolé, institutionnalisé. Il aurait pu être à l’hôpital ou interné, mais à ce moment-là, j’avais plutôt l’impression qu’il était en prison, et je m’orientais plus ou moins activement vers là. Mais au redémarrage de la troisième strophe, je savais qu’il n’était pas en prison : c’est un homme malade, très malade, que la maladie isole et qui n’a plus aucun espoir que mourir.

Je le vois assis devant sa fenêtre, jour après jour, nuit après nuit, à attendre, à se souvenir. Des médecins veulent l’encourager, ils défilent devant lui avec l’espoir de l’aider, d’apaiser sa douleur, sans réaliser que son mal se trouve maintenant dans son âme. Qu’il faudrait simplement le laisser mourir. J’ai déjà écrit sur le même thème, il y a très très très longtemps, quand j’étais au secondaire, en 1994 ou 1995. Je viens tout juste de le relire, et c’est drôle, je reconnais un peu mon style, déjà. Je terminais le texte par une citation de Jorge Luis Borges : « Il chercha dans la mort la splendeur du néant ». D’où le titre, que je viens de donner à ce texte-ci. Je n’ai aucune idée d’où vient la citation – trop con pour l’écrire, en 1995…

Mais pas d’inquiétude, perso, je suis de bonne humeur. Je viens de boire un verre de lait. Sérieusement, j’ai-tu l’air de quelqu’un qui boit du lait quand ça ne va pas?

jeudi 14 février 2013

Eh ben, c'est la Saint-Valentin

Parce que je veux que tu te sentes aussi belle
     Aussi belle que je te vois
Parce que je veux que tu te trouves aussi douce
     Aussi douce que sous mes doigts
Et parce que je veux que tu te saches aimée
     Aussi aimée que la première fois

C'est la Saint-Valentin, alors valentinons. Ou valentons. Ceci devait au départ aller simplement dans une carte, avec un cadeau. Mais, tiens, pourquoi pas - je voulais ranimer ce blog endormi, alors voilà. Il manque un pied à l'avant-dernier vers, et la finale en a deux de trop, si je voulais être tétouillard, mais je ne pense pas que la destinataire s'en plaindra beaucoup. Ce n'est pas quelqu'un qui se formalise de ces questions de forme...

Et, avouez-le damoiselles, il n'y a pas de plus belles quétaineries de votre mec qu'une quétainerie publique.

[Edit] J'ai corrigé l'avant-dernier vers, plutôt simplement.

mardi 12 février 2013

Nouveau Défi


Bon, bon, bon, apparemment j’ai besoin d’un coup de pied dans le cul pour prendre un crayon et écrire des trucs, alors voilà, je me donne un coup de pied dans le cul et je me force l’orgueil pour me remettre à J’Inexiste. Bon, ce n’est pas tout à fait vrai que je n’écris plus, et comme je le disais ailleurs, c’est déjà ça, au pire, maintenant je réalise que je n’écris plus, alors quand même, c’est un pas en avant. Je pense, j’y pense, j’y réfléchis souvent, et il m’arrive de jeter sur papier des scribouillis. Souvent, c’est nul, surtout quand je me propose d’écrire quelque chose, je barbouille alors par-dessus, pousse le papier, puis le mets à la corbeille éventuellement, quand j’ai besoin de place sur le bureau pour m’étendre un peu. J’ai vraiment écrit des trucs mauvais de cette façon, c’est presque gênant. J’espère que les travailleurs au recyclage ne s’amusent pas à lire les scribouillis à recycler. Je devrais les prendre comme papier d’allumage par grands froids, ce serait plus prudent.

Parfois, c’est bien, enfin, je trouve ça bien, ce qui veut dire ce que ça veut dire. Je suis généralement assez sévère avec moi-même quand il s’agit du travail, peut-être aussi quand il s’agit du reste, mais être sévère avec soi-même, c’est tout relatif. Je veux dire, c’est clairement biaisé, parce que j’ai naturellement un certain conflit d’intérêts, alors voilà, me voilà baisé. Je suis sévère avec moi-même, c’est pourquoi je suis incapable de faire confiance à mon jugement, et qu’a posteriori je trouve poche des trucs que je trouvais bien, ou bien des trucs que je pensais nuls. Au bout du compte, anyway, pourquoi s’en faire – c’est pas comme si c’était grave. C’est là-dessus que je devrais m’accrocher. Ça n’a aucune importance si c’est nul ou non, l’idée c’est d’aligner des mots.

Non, c’est faux, ça a une importance. À quoi bon écrire si ce n’est pas pour valoir la peine d'être lu? Pourquoi est-ce que j’écris, au bout du compte? Je reviens à cette question. Parce que j’aime ça? Parce que je me prétends que ça vaut la peine? Pour me donner un style, peut-être, une identité, objectif que je cacherais sous ce titre prétentieux d’humilité, J’inexiste?

Je crois que j’écris parce que j’ai écrit. En 6e année du primaire, j’avais joint un club de poésie, animé par une enseignante de maternelle, je crois – pas certain, mais sa façon d’être allumée me fait penser à ça aujourd’hui. Une tripeuse de Félix Leclerc, que j’aimais bien, moi aussi, déjà, grâce à une cassette audio que ma mère avait achetée. Je sais que j’avais déjà fait des poèmes avant ça. Pendant mon secondaire, j’ai utilisé mon teen angst pour noircir des paquets de 200 feuilles lignées que je traînais dans leur emballage de plastique d’origine à tous mes cours (j’utilisais ces papiers pour dessiner des têtes empalées, aussi – le seul dessin que j’étais capable de faire avec un certain talent). Dans ma jeune adulterie, j’ai mélangé plus souvent qu’à mon tour crayon et alcool. J’écris, donc, parce que j’écris.

Maintenant, pourquoi est-ce que je publie tout ça ici? Sans doute pour être lu, notamment par les personnes… qui me lisent. Sans plus. Mais rien de moins. C’est quand même pas mal, savoir que des gens – pas beaucoup, mais quelques-uns, qui ne sont pas obligé d’aimer ce que je fais (parce qu’ils seraient de mes géniteurs, ou de mes épouses, par exemple – quoique je soupçonne que ma mère – ou mon épouse – n’aime pas tout ce que j’écris ici…) viennent ici à chaque fois que j’y mets quelque chose. Savoir qu’en plus de ça, de temps en temps, d’autres viennent aussi me lire, de façon irrégulière, pour le plaisir d’aimer ça, un peu – ou de détester, beaucoup, et de me trouver stupidement prétentieux d’écrire. De temps en temps, j’ai touché quelqu’un suffisamment pour qu’on écrive quelque chose, publiquement ou en privé, de gentil. Ça fait plaisir. C’est plus agréable que d’avoir des nouvelles d’un rapport technique sur des trous creusés dans le coin de Causapscal…

Je viens de relire ce que j’avais écrit au début du défi 30 semaines. Ça s’applique toujours pour ce nouveau défi. J’aurais pu terminer le 30 semaines, que j’ai échoué à la moitié, mais ça me tente d’avoir du nouveau. Je pique à une amie cette idée, originellement pour des photos en février : Le Photo A Day Challenge devient pour moi Une Image Par Semaine. Je regarde les thèmes, et je le sens bien – surtout parce que je n’y vois pas de « favorite whatever ». J’ai hâte à la vingt-septième semaine. Et c’est en même temps une façon de remercier, indirectement, cette amie qui a été de celles qui m’ont encouragé à continuer, simplement en me faisant savoir qu’elle lisait, de temps à autre, et que, parfois, elle aimait bien.
 

Et puis, je me rappelle avec force mon vœu : Toujours être meilleur que Jonathan Painchaud ou Boom Desjardins. Parce que je ne suis pas un chanteur populaire, qui aux dires de plusieurs a vraiment tout pour plaire, derrière sa façade, de stoïque bellâtre, je ne suis pas aussi solide qu’une statue de plâtre, alors fuck me si je pousse pousse pousse de la fonte, pour oublier la honte d’écrire une merde aussi désolante.

Ça va bien finir par me mordre au cul, ce genre de pensée méchante.


PS - question d'écrire quelque chose que n'apprécierait pas ma mère ou ma douce, justement, et d'éviter de faire un post sans vers, voici en grande première un Impromptu que j'avais écrit en 2003, alors que je trempais souvent ma plume dans l'alcool. Je regardais plus tôt les dates de mes documents informatisés pour y déceler le hiatus, mais ça ne marche pas, car ceci, écrit en 2003, a été informatisé en 2008... Mais ça m'a bien fait sourire...

IMPROMPTU

À trois mètres devant moi elle danse
Se meut et m'appelle d'une flamme
Et mes yeux assistent à la déhanche
De cette petite et jolie dame

Hélas le travail de cette allumeuse
N'a de finalité que l'intérêt du regard
Je sais qu'elle resterait dédaigneuse
Si au-delà je lui présentais mon dard

(excusez-là)

mardi 27 novembre 2012

Vulgarisation de The Ubiquitous Mr Lovegrove


Tu m’échafaudes
            Puis tu me dégringoles
Tu fais la chaude
Et je fais le mongol
Tu me fais marcher
            À la poursuite d’une ombre

Tu donnes espoir,
            Puis me donnes perdant
Me fais croire
            Que je rêve tout le temps
Tu as condamné
            Mon cœur au creux d’une tombe

Si tu oses prétendre
Que je n’y étais pas
Quand j’étais à t’attendre
Juste à côté de toi
Si tu oses prétendre
Que je n’y étais pas…
Je n’arrive plus à te croire

Les derniers mois ont été silencieux de ma part, une paresse littéraire semble s’être emparé de moi et je pourrais tenter de la justifier de mille et une façons, juste pour me la rendre acceptable à moi-même car ça ne concerne personne d’autre, mais il faut simplement se rendre à l’évidence : arrive un temps, dans la trentainte-avec-des-enfants-pis-une-job, où le temps, eh bien, il n’arrive pas. J’en ai eu deux confirmations au hasard de la semaine dernière.

La première, dans un dédale de cliques et recliques sur la grande Toile inutile, où je suis arrivé sur le côté anglo du blog d’une écrivaine ontarienne bilingue – toujours comique de lire les autobiographies d’auteurs semi-professionnels sur leur blogue, dans lesquelles chaque petit événement de la lointaine enfance a un impact fondamental sur leur personnalité littéraire actuelle : « quand j’étais garçon, je pêchais des têtards dans le fossé de la 8e avenue, et depuis, je n’ai arrêté de vouloir franchir l’onde pour aller fouiller la vase dans le fond de l’habitat des têtards qui m’entourent », tiens, je viens de commencer mon auto-biographie. Outre ses souvenirs intra-utérins (je caricature), il y avait un commentaire qui s’adressait on aurait dit à moi, où elle écrivait « Louis, le plus dur quand on écrit, eh bien c’est de écrire », et où elle se plaignait qu’il fallait qu’elle élève ses enfants, qu’elle aime son chum, et puis qu’elle travaille (au gouvernement – au moins, elle, elle aura une pension, la fonctionnaire!). C’était joliment dit, et combien vrai : quand on veut écrire, il faut simplement écrire, mais pour ça, il faut écrire. Au moins, je continue d’y penser, ce que je ne faisais plus depuis belle lurette avant janvier dernier – l’année aura au moins servi à ça.

L’autre confirmation, c’était en espionnant des conversations pas rapports de copains facebookiens. Quelqu’un que je connais disait qu’elle n’avait plus temps de faire de la photo et qu’elle s’en ennuie, et puis un autre quelqu’un que je ne connais pas qui répondait il faut prendre le temps de prendre le temps, wow merci, et puis un autre inconnu qui rerépondait à l’autre inconnu haha le temps les enfants les parents la job la vie dans la même phrase haha ben oui. Comme quoi, juste cette semaine, on a l’air d’être une couple de personnes qui prennent le temps de penser au temps. C’est déjà ça.

Mais j’en ai du temps, avec la route pour me rendre n’importe où, mais ce n’est pas facile d’écrire en conduisant – et la télé me dit que c’est pas une bonne idée non plus. Je pense à des trucs, parfois, et il m’est même déjà arrivé de me ranger pour l’écrire, mais pas souvent parce que, quand je suis sur la route, j’ai souvent faim ou je suis endormi. Alors, je veux me rendre n’importe où. Et puis, depuis que je suis équipé d’un téléphone semi-intelligent, dixit le vendeur de Vidéotron (je n’aime pas les machines plus intelligentes que moi), j’ai une joyeuse fonction qui s’appelle « enregistrer des mots en rentrant dans le cul du 10 roues qui me précède ». Et c’est par cette fonction, en revenant de Trifluvie jeudi dernier, que j’ai mémorisé les quatre premiers vers de cette version de The Ubiquitous Mr Lovegrove de Dead Can Dance. J’ai poursuivi l’écriture sur la table de la cuisine avant d’aller me coucher, puis un peu le vendredi, ce week-end, hier…

C’est en écoutant la pièce, fort jolie et beaucoup plus poétique que ma vulgarisation, ou québéquisation, que j’ai pensé aux premiers vers que j’ai trouvé bien comiques. J’ai voulu poursuivre avec ce même ton un peu casual, mais mes vieilles habitudes sont revenues. Le rythme s’est installé et je l’ai peaufiné un peu – il rappelle un peu celui de la pièce musicale, mais avec la rigidité de la métrique écrite. Rigidité, ici, qui m’agace : je lis « Moi j’fais l’mongol » plutôt que « Moi je fais le mongol », et c’est comme ça partout. Mais j’ai déjà dit que je n’aimais pas les raccourcis de métrique comme les interjections ou les élisions à l’écrit.

Je suis déçu d’avoir perdu un vers. À l’origine, la fin de la première strophe se lisait ainsi :

Tu me fais danser
            Au rythme de ta déhanche

J’aimais bien cette idée d’être esclave – concept directement repris du vers original – d’un coup de hanche volontairement jeté dans sa direction avec une négligence étudiée. Ça allait bien avec l’esprit de la pièce. Mais je n’arrivais pas à le faire suivre, à la fin de la deuxième strophe. J’aurais pu sacrifier la rime, mais une rime sacrifiée dans un ensemble rimé, ça fait cheap. Ça m’a toutefois permis d’emprunter l’image de la tombe, elle aussi liftée du vers original qui a toutefois beaucoup plus de mérite :

Now I’m serving time in a domestic graveyard

La dernière strophe est arrivée comme un a posteriori, comme dans la chanson aussi, où ce propos est aussi mis à l’écart de la mélodie principale, comme épilogue à la pièce. J’aime l’effet que ce changement de rythme apporte à la finale.